Nicolas Dufourcq est Directeur général de la Banque publique d'investissement (BPI), créée en France en juillet 2013 pour financer l'économie et soutenir l'investissement des entreprises dans des projets porteurs. En pleine croissance et fort de résultats probants, le groupe qu'il dirige réoriente ses priorités vers l'Afrique, relais de croissance par excellence. Finances News Hebdo : Vous participez au forum SMB Africa que vous sponsorisez et dont l'objectif, entre autres, est de faciliter le financement de l'économie du continent. Pourriez-vous nous parler de votre groupe ? Nicolas Dufourcq : La BPI compte 200.000 clients actifs et 6 métiers, et notre but est de garantir 80.000 crédits chaque année qui sont des crédits privés de banques privées françaises, pour un total de l'ordre de 8 milliards d'Euros. Il faut y ajouter des crédits que nous faisons, nous-mêmes, dans un contexte direct avec les clients, soit 10 milliards d'Euros, en plus d'une activité de distribution de prêts à l'innovation. Et le chiffre pour l'innovation atteint 1 milliard d'Euros. Donc, ce sont 8, 10 et 1, autrement dit 19 milliards d'Euros. Ces trois chiffres continueront à croître de l'ordre de 10% au cours des prochaines années. Ils couvrent les 80.000 crédits garantis, nous faisons 6.000 crédits en direct chaque année et l'argent de l'innovation, nous le distribuons à 3.000 entreprises par an... Les entreprises en question sont des TPE, des PME et des ETI (Entreprises de taille intermédiaire). Comme on le voit, c'est une grosse activité bancaire aujourd'hui, puisque les 10 milliards d'Euros de crédits directs aux PME et TPE françaises se comparent aux 10 milliards d'Euros de Paribas ou aux 13 milliards de BPCE. F.N.H. : Comment se décline alors votre engagement dans le continent africain ? N. D. : Les autres métiers de notre groupe consistent en l'injection de fonds propres dans le capital des entreprises, directement ou indirectement. Directement parce que nous sommes des actionnaires, toujours minoritaires et ce sont des «tickets» compris entre 500.000 et 2 milliards d'Euros. Indirectement, quand nous finançons des fonds d'investissements privés, nous sommes investisseurs comme n'importe quel autre investisseur, nous mettons entre 10, 30 et 40% dans la levée de fonds, et ensuite le fonds déploie ces capitaux dans les PME qu'il choisit lui-même, sur les 7 à 8 ans qui suivent. En travers de tous ces métiers, nous avons un axe exportation qui est fondamental. Ou si vous préférez, un «axe international», ce qui nous conduit au Maroc aujourd'hui. Nous accompagnons nos clients à l'international avec Ubifrance et nous nous sommes énormément rapprochés d'elle, et cet établissement de relations va se poursuivre. Nous leur accordons des prêts à l'export, souscrivons l'assurance protection de la Coface, leur donnons des conseils sur l'importation-exportation à l'international, et surtout on leur explique qu'il est absolument indispensable d'augmenter leur chiffre d'affaires à l'export s'ils veulent avoir une chance de capter la croissance mondiale dans les années à venir, sachant que la croissance française sera de 1% par an... plutôt que de se suffire de développer des entreprises de qualité. C'est dans le cadre de ce plan justement que nous venons de lancer un «plan Afrique», plan ambitieux, consistant à convaincre les entrepreneurs français, PME et ETI qui sont déjà plus ou moins exportateurs, de privilégier l'Afrique au cours des prochaines années à venir. D'où ma présence ici, au SMB Africa. Relais de croissance majeur, il n'est pas question qu'on rate le coche de l'Afrique, on a été actif en Chine et au Brésil, bien entendu, mais pas assez en Afrique où l'on a perdu des parts de marché considérables par le passé. Il faut donc que l'on soit suractif en Afrique. F.N.H. : Ne craignez-vous pas la forte et vive concurrence en provenance d'autres pays et autres groupes ? N. D. : Par le passé, on avait 10% des parts de marché en Afrique et on est tombé à 5%. Mais en même temps, nos exportations en volume dans le continent ont été multipliées par deux... C'est dire à quel point, l'Afrique a crû rapidement. Si l'Afrique continue de croître aussi vite dans les années à venir, et si nous arrivons à stabiliser nos parts de marché à 5%, ce sont 450.000 emplois qui seront créés en France. C'est majeur, cela ne peut se faire que par le moyen d'un investissement significatif des entrepreneurs français en Afrique, y compris par des implantations locales, des partenariats et acquisitions d'entreprises. On reste toujours minoritaires, bien sûr chez nos entrepreneurs, mais on peut toujours les aider à être majoritaires, à se consolider avec des filiales étrangères. Notre rôle est actif, un rôle d'entrainement de la communauté française vers ces zones géographiques. F.N.H. : Y a-t-il un cas concret d'accompagnement d'une société africaine que vous pourriez mettre en exergue ? N. D. : Oui, je peux citer le cas de la société Mobilitas spécialisée dans la logistique et le transport de déménagement de Alain Tayeb, qui a racheté des déménageurs bretons et qui est devenue le numéro Un du déménagement en Afrique du Sud, par acquisitions. Et toutes ces acquisitions ont été financées par Bpifrance.