Le phénomène représente plus de 75 millions de m3 d'eau perdue. Il impacte la durée de vie des barrages. Plus de 600.000 ha sur 1,5 million sont traités en urgence pour assurer leur reboisement et lutter contre l'érosion et les crues. Depuis l'indépendance en 1956, le Maroc a mené une politique volontariste pour construire des barrages. Le programme s'est fixé plusieurs objectifs, dont notamment l'augmentation de la capacité de stockage des réserves hydriques, surtout que le pays se trouve dans un environnement semi-aride. Un avoir en eau permet d'accompagner adéquatement le développement des périmètres irrigués et de l'agriculture nationale. Il est question de lutter contre les crues, notamment dans les régions du Nord et plus particulièrement dans le Gharb. Il s'agit aussi d'assurer un approvisionnement adéquat en eau potable pour répondre aux besoins démographiques et industriels en perpétuelle croissance. Sans oublier bien entendu la production électrique. Cette politique a certes donné ses fruits. Le Maroc est cité en exemple comparativement avec d'autres pays, mais il est clair que le phénomène de l'envasement des barrages menace sérieusement les ouvrages du pays. L'érosion et la dégradation forestière réduisent la durée de vie de ces ouvrages ou perturbent parfois leur bon fonctionnement. L'exemple le plus saillant est celui du barrage de l'oued El Maleh dans la région de Benslimane qui a été édifié au début des années 30. Au fil des ans, sa capacité de stockage a diminué pour passer de 15 millions de m3 à moins de 3 millions. Le reste est constitué de sédiments. Il était dans l'incapacité de freiner les fortes crues. Le scénario catastrophe s'est reproduit en 1996 avec les inondations qu'a connues la ville de Mohammedia. Les dégâts causés ont été estimés à des milliards de DH. Autre défaillance causée par l'envasement de ce barrage, l'arrêt de la production de l'eau potable. «Le degré d'impureté de l'eau stockée a un effet sur le coût de traitement. La phase de décantation qui permet aux solides de se déposer au fond peut durer longtemps et nécessite plus de produits coagulants comme le chlorure ferrique ou l'aluminium», explique-t-on auprès du département de l'eau. Les autorités concernées, en l'occurrence le département chargé de l'Eau relevant du ministère de l'Energie et des Mines, avaient le choix entre deux options : soit le curage soit la construction d'un nouveau barrage. Elles ont opté pour cette dernière solution car la première est jugée coûteuse à long terme et moins pertinente. La décision fut prise à partir des années 2000 de construire un nouveau barrage. Ils sont en fait deux à être édifiés. Il s'agit du barrage Boukarkour construit en amont de l'oued El Maleh qui est opérationnel depuis 2010. Il a permis de limiter le débit des crues. Le deuxième ouvrage a été érigé quelques mètres plus loin de l'ancien barrage de l'oued El Maleh, permettant une capacité de stockage de plus de 50 millions de m3. «Le phénomène de l'envasement des barrages est universel et il varie d'un pays à un autre selon les conditions géologiques et climatiques données. La durée de vie de l'ouvrage diminue s'il n'y a pas d'opérations de reboisement autour du périmètre environnant», explique Kamal Hosni, ingénieur et directeur d'un bureau d'études. Selon le Haut commissariat aux eaux et forêts et de la lutte contre la désertification (HCEFLCD), le phénomène de l'envasement représente 75 millions de m3. «C'est de l'eau perdue. C'est un volume équivalent à la consommation annuelle d'une ville comme Rabat», explique Hosni. Quand un barrage est mis en service, le bassin versant est traité en même temps en matière de reboisement. Cela lui permet d'augmenter sa durée de vie d'au moins 20 ans. «Il y a plusieurs contraintes qui perturbent les opérations de reboisement, notamment les opérations d‘expropriation de terrains du bassin versant et aussi l'exploitation anarchique de la forêt», explique-t-on auprès du HCEFLCD. Cet organisme mène depuis quelques années une politique de traitement de tous les bassins versants à l'amont des barrages pour limiter l'envasement. Plus de 600.000 ha sur 1,5 million sont traités en urgence. Il y a un retard à rattraper dans ce domaine. Plusieurs spécialistes dans le domaine agricole au Maroc estiment la capacité de stockage des barrages marocains à près de 20 milliards de m3, à relativiser toutefois puisque environ 20% sont accaparés par l'envasement. Plusieurs ouvrages ont été édifiés durant les années 50, 60 et 70, mais leurs capacités de stockage a diminué du fait de ce phénomène.