Le mois de février a toujours symbolisé un anniversaire particulier : la création de l'Union du Maghreb arabe ( UMA) à Marrakech. Nous célébrons cette année le 25ème anniversaire d'une institution censée au départ favoriser l'intégration maghrébine et asseoir les conditions d'une paix juste et durable, mais qui a tourné en quenouille. L'acte de naissance, signé le 17 février 1989 par feux Hassan II pour le Maroc, Chadli Bendjedid pour l'Algérie, Zine Al Abidine Benali pour la Tunisie, Mouamar Kadhafi pour la Libye et Ould Taya pour la Mauritanie, existe toujours. Il porte la marque d'une volonté commune aux cinq chefs d'Etat et l'espoir des peuples de la région, soit à présent près de 100 millions d'hommes et de femmes. On disait que la création de l'UMA allait constituer un véritable groupement géopolitique, économique, culturel, religieux même puisqu'il réunit toutes les conditions objectives à un ensemble à la fois cohérent et exemplaire. Jamais, en effet, groupement ne peut se prévaloir de tous ces critères, en plus d'une même histoire, d'une même langue et d'une invariable identité partagée. Jamais aussi un ensemble n'a été aussi divisé, soumis aux aléas de la politique pure et dure. Autrement dit, hormis sans doute les quelques mois qui ont célébré sa naissance dans l'euphorie et une sournoise hypocrisie de certains, le Maghreb est resté mort-né ! Et pour cause ! La méfiance réciproque, entretenue sur la base de calculs et d'égoïsmes sacrés, aura été, elle est toujours le désastreux principe qui inspirait et guidait le comportement de certains dirigeants. Une note publiée par le ministère de l'Economie et des Finances indiquait que «l'approfondissement de l'intégration maghrébine serait de nature à dynamiser la croissance économique, accroître l'attractivité de la région pour les investissements directs étrangers et susciter une nouvelle dynamique des échanges». Optimisme béat, ou aveuglement apparent face à une réalité qui ne s'est jamais démentie ? Ce n'est pas par hasard que vingt-cinq ans après, on chiffre le coût du non-Maghreb à plusieurs milliards de dollars, et que l'on ne cesse de déplorer la mort lente du projet grandiose qui avait à l'époque suscité de grandes espérances chez les peuples respectifs. Ce sont au moins 2 ou plus de points de PIB de perdus, près de 230.000 emplois et une désintégration continue. «Comment voulez-vous que l'Union du Maghreb arabe se fasse quand l'un de ses principaux membres n'en veut pas» ! Le propos est de Dominique Strauss-Kahn, lucide observateur des économies de la région. Le paradoxe est que le blocage auquel nous assistons - et peut-être participons à notre corps défendant- pénalise bien entendu toutes les initiatives, quelles soient économiques, culturelles, sociales et même humaines car une simple visite en Algérie pour un Marocain ou vice-versa pour un Algérien au Maroc constitue de toute évidence un casse-tête insurmontable, tant la méfiance y persiste. Les échanges commerciaux demeurent si réduits voire dérisoires que l'écart tend à se creuser de plus en plus, marginalisant les uns par rapport aux autres, soumettant tout projet constructif au cynisme politique qui a pris une fois pour toutes et place les pays de l'UMA sous une chape de plomb. Les années et les décennies même se perdent dans le dédale de la défiance à plusieurs visages qui prospère dans un terreau dangereux : le chauvinisme ! On peut imaginer que la réponse à cette problématique est vite trouvée : le conflit du Sahara qui constitue la pomme de discorde maroco-algérienne et entache la perspective d'une entente multilatérale même au niveau des cinq Etats, et bloque le projet dans sa dimension humaine. A-t-on jamais vu frontière fermée pendant presque 50 ans entre deux pays qui ont tout pour se prévaloir de leur proximité et de leur voisinage ? A-t-on jamais connu, au XXIème siècle, une haine aussi entretenue contre le Maroc par le gouvernement algérien qui, non content pourtant d'avoir récupéré son Sahara en 1962, non content aussi de récupérer, sans foi ni loi, des territoires marocains cédés par la France lors de la décolonisation, ne cesse de lorgner impudemment vers le Sahara marocain ? On ne dira jamais assez que les gouvernements algériens qui se sont succédé dans les pas de Houari Boumediene- et celui de Bouteflika pas moins que les autres – ont repris la politique coloniale de morcellement du territoire marocain. C'est si vrai que la réalisation du Maghreb ou du «grand Maghreb» reste conditionnée par une solution du conflit qui oppose le Maroc à l'Algérie. Or, le Maroc pose une condition sine qua non à sa coopération avec l'Algérie et exige d'elle la reconnaissance ni plus ni moins de la marocanité de son Sahara...Il y va naturellement de la réalisation de l'Union du Maghreb arabe qui fête sans lampions ses vingt-cinq ans au mépris des aspirations de ses peuples.