Les apports en eau devront ouvrir de nouvelles opportunités de développement au secteur agricole et permettre d'augmenter les surfaces irriguées dans le Sud. Par ailleurs, ils réduiront le risque d'inondation dans le Nord. Les études de faisabilité doivent être bien menées afin d'éviter les dégâts collatéraux, notamment pour l'environnement. Ce projet ambitieux va coûter 20 Mds de DH. Le Maroc veut lancer un méga projet de transfert de surplus d'eau des bassins de Sebou et du Loukkos pour l'orienter vers les régions agricoles de Chaouia, Doukkala-Abda voire le Souss. Ce grand chantier est composé de deux grands canaux qui vont transporter un volume de 2 milliards de m3 perdus généralement au niveau de la mer. L'investissement alloué à cette opération est de 20 Mds de DH. Il permettra de renforcer les ressources en eau potable de Casablanca et d'approvisionner plusieurs régions agricoles notamment Chaouia considérée comme le grenier du Maroc. Ce n'est que l'idée d'un projet qui a germé depuis quelque temps surtout que le pays doit accompagner le Plan Maroc vert, développer ses capacités en eau potable pour satisfaire les besoins urbanistiques et trouver une certaine équité en matière d'apport hydrique entre les régions du Maroc. En effet, le Nord du Maroc est doté d'un apport en eau important comparativement avec le Sud. Cela est dû à l'existence de deux chaînes montagneuses (Rif et Moyen-Atlas) suffisamment pourvues en ressources hydriques. Ajoutée à cela la position géographique qui favorise la pluviométrie. Le bassin versant du Sebou est l'un des plus riches en eau au Maroc. Le fleuve a le meilleur débit du pays. Selon les données de l'Agence du bassin hydraulique du Sebou, la pluviométrie moyenne annuelle du bassin est de 600 mm, avec un maximum de 1.000 mm/an sur les hauteurs du Rif et un minimum de 300 mm sur le haut Sebou et les vallées du Beht. Soit nettement mieux que la moyenne nationale. Les retenues des barrages de ce bassin atteignent en moyenne 5,6 milliards de m3 soit plus de 50% de la capacité nationale. A lui seul, le barrage El Wahda revendique près de 4 milliards de m3. L'ouvrage de Allal El Fassi a une capacité de 989,2 millions de m3 et 918,7 millions de m3 pour celui de Idriss 1er. Selon le département de l'Eau relevant du ministère de l'Energie, des Mines, de l'Eau et de l'Environnement, «Oued Ouergha, par l'importance de ses apports représentant près de la moitié de ceux du Sebou et 13% de l'ensemble des ressources en eau en surface du pays, offre des mobilisations exceptionnelles pour la mobilisation de l'eau». En revanche, plus au Sud, les bassins versants d'Oum Rabbii et du Souss sont moins lotis et enregistrent le plus souvent des déficits hydriques qui peuvent atteindre les 60%. Si dans le Gharb la moyenne de la profondeur des puits ne dépasse pas les 20 m, dans la région du Souss elle atteint facilement les 200 m. Car le déficit hydrique conjugué à une faiblesse pluviométrique impacte la nappe phréatique. Une idée qui remonte au temps du protectorat L'idée du transfert de l'eau du Nord vers le Sud ne date pas d'aujourd'hui, elle remonte à l'époque du protectorat. A cette date, les besoins en eau du Maroc, surtout les régions les plus sèches, n'étaient pas si pressants. Actuellement, la donne a beaucoup changé. Il y a 60 ans, la population du Maroc était de 12 millions d'habitants, alors qu'aujourd'hui elle a triplé. Pour la maîtrise des aléas climatiques, les exploitations agricoles font de plus en plus appel à l'irrigation. Ajouté à cela, le développement urbanistique important qui fait que les besoins en eau potable deviennent importants. «Le Maroc est un pays semi-aride. Il est toujours à la merci des caprices de la nature. Une bonne répartition des ressources hydriques, surtout vers les régions agricoles qui en ont besoin, permettra de donner une nouvelle impulsion au secteur surtout pour les cultures à forte valeur ajoutée», souligne Abderrahim Belmahjoub, ingénieur en génie rural et responsable dans un bureau d'études. Pour sa part, Mohamed Amrani, professeur universitaire, souligne que «ces méga projets doivent avoir des effets favorables, surtout à long terme. Ils sont certes très capitalistiques, mais ils peuvent attirer le soutien des grands bailleurs de fonds internationaux, notamment la Banque mondiale, la BAD ou la Banque islamique de développement (BID)...». Il ajoute que «le Maroc doit prendre le temps nécessaire pour mener à bien les études de faisabilité pour éviter les dégâts collatéraux. Certains grands projets du même calibre se sont soldés par un désastre. C'est le cas du détournement du fleuve Volga qui a asséché la mer d'Aral en Asie mineure, ou encore le fleuve jaune en Chine qui a dévasté des civilisations et l'espace vital pour la faune et la flore». Outre l'apport en eau d'irrigation et aussi potable, ce grand projet permettra d'atténuer les risques d'inondation de la région du Gharb lors des années humides. Le danger est omniprésent et nécessite des infrastructures de grandes dimensions notamment des barrages, des digues et aussi des grandes canalisations.