Le Conseil du gouvernement a adopté, vendredi 13 décembre 2013, le décret n°2-13-852 relatif aux conditions et aux modalités de fixation des prix des médicaments. A terme, 1.020 médicaments seront concernés par la baisse des prix. Une baisse qui engendrera une perte estimée à 1 Md de DH du chiffre d'affaires des opérateurs. Louardi prévoit la publication de la liste dans le Bulletin officiel dans un mois. Après 44 ans, le Maroc se dote enfin d'une politique pharmaceutique. Le Conseil du gouvernement a adopté, vendredi 13 décembre 2013, le décret n°2-13-852 relatif aux conditions et aux modalités de fixation des prix publics de vente des médicaments, fabriqués localement ou importés. Un exploit en quelque sorte, car plusieurs tentatives de réforme du système des fixations des prix ont été entreprises auparavant, mais n'ont pas été achevées, en l'absence d'une réelle volonté politique. En effet, depuis 1969, le prix du médicament n'a pas été revu, et ce malgré l'évolution des paramètres macro et microéconomiques du Royaume. D'autant plus que la réglementation stipulait deux modes distincts de fixation des prix : l'un pour les médicaments fabriqués localement, et l'autre pour les médicaments importés. Résultat, le prix du médicament est trop élevé comparativement à d'autres pays à économie similaire et, par conséquent, la dépense moyenne en médicaments reste très faible et ne dépasse pas les 376 DH/hab/an. C'est d'ailleurs ce qu'ont relevé les études scientifiques sur les prix des médicaments au Maroc, notamment celles réalisées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la Commission de l'information et le Conseil de la concurrence. Les médicaments sont donc inaccessibles pour une grande partie de la population. Conscient des enjeux que cela représente et afin d'assurer une meilleure équité pour l'accès aux médicaments, le ministre de la Santé, El Houssaine Louardi, a fait de la baisse du prix du médicament l'une de ses priorités. Rappelons qu'en 2012, le prix de 320 médicaments ont été baissés et qu'en 2014, on prévoit la diminution des 800 médicaments, soit plus de 1.020 médicaments qui seront concernés. Et la liste restera ouverte, selon le ministère. Le prix de tous les médicaments actuellement commercialisés sera révisé 4 mois après la publication du B.O en se basant sur trois règles : le prix du princeps sera fixé sur la base de la moyenne des PFHT (prix fabriquants hors taxe) des pays du benchmark, le prix du générique ne peut être supérieur à celui de son princeps et la révision ne doit se traduire par aucune augmentation pour le consommateur. Les industriels disposeront de 60 jours pour l'adaptation des nouveaux prix publics de vente. Si cette mesure a été fortement saluée par les citoyens, elle n'a pas été du goût de tout le monde, en l'occurrence des industriels et des pharmaciens d'officine qui, depuis quelques mois déjà, mènent, entre eux, une bataille acharnée. C'est dire que le climat est électrique. Les deux camps se jettent et se rejettent la balle. Chaque partie tente de protéger ses intérêts. Face à l'austérité des discussions entre les deux protagonistes, le ministère devait trancher pour trouver une issue et ce, à travers l'adoption du décret 2-13-852 qui permettra de mettre en place un nouveau cadre réglementaire de fixation des prix au Maroc. Quid du bras de fer ? Durant 15 mois, le ministère de la Santé, les industriels, les pharmaciens d'officine et les grossistes répartiteurs ont enchaîné les réunions. Les discussions se sont concrétisées par l'adoption du décret n°2-13-852. En plus de rendre le médicament accessible aux Marocains, ce décret permettra également la révision des prix de certains médicaments jugés très élevés, mettra en place de nouvelles règles dans la fixation des prix des médicaments et prévoit l'uniformisation des règles entre les médicaments fabriqués localement et ceux importés. Cette mesure devra garantir également la pérennité du système de la couverture médicale au Maroc, comme l'a précisé le ministre à la Chambre des représentants. Les modalités de ce décret ont été définies de concert avec les professionnels, à l'instar d'une analyse comparative des prix fabricants hors taxe des pays retenus par le benchmarking, notamment la France, l'Espagne, le Portugal, la Belgique, l'Arabie saoudite et la Turquie. Selon El Houssaine Louardi, la liste des médicaments sera publiée dans le Bulletin officiel dans un mois et se fera progressivement jusqu'à fin mars. Cependant, l'adoption de ce décret ne met pas fin à la polémique. En effet, si la Fédération des pharmaciens d'officines avalise, les industriels manifestent toujours leur désaccord et continuent de s'y opposer. Il faut dire aussi que ce décret ne va pas désavantager les pharmaciens d'officines, bien au contraire, puisque leur marge a augmenté de 4%, passant de 30% à 34% notamment pour les médicaments de moins de 300 DH, soit les plus vendus. Toutefois, une question subsiste : la marge bénéficiaire des industriels est-elle impactée par ce décret ? D'après le ministère de la Santé, cette baisse n'est pas sans conséquence sur le secteur, mais il faut bien des sacrifices pour l'intérêt du citoyen. En effet, cette baisse engendrera une perte estimée à 1 Md de DH du chiffre d'affaires, d'après le calcul réalisé sur la base du nouveau décret. Une perte que les industriels appréhendent déjà. Car elle va se répercuter sur leur équilibre financier. On se demande aussi si la qualité et le dosage des médicaments ne seront pas impactés par cette mesure ? Toujours selon le ministère de la Santé, la loi sur la bioéquivalence des médicaments génériques, adoptée en 2012, permet de contrôler tous les médicaments génériques avant leur commercialisation, et donc, la question de la qualité et du sous-dosage ne se pose même pas. Cependant, le ministère de tutelle reste confiant quant à l'alignement des industriels à cette nouvelle politique, notamment avec l'installation d'économie d'échelle sur les ventes des médicaments. Ceci dit, à travers l'adoption de ce décret, Louardi remporte une bataille, mais pas la guerre. Le chemin est long et la réforme de la Santé au Maroc nécessite non seulement une forte volonté et un courage politique, mais aussi l'implication de tous les acteurs et professionnels du secteur qui devront renoncer à certains privilèges.