Il doit se mettre à la hauteur des exigences portées par le nouveau modèle de développement. La mobilisation optimale de l'épargne et de l'investissement privé reste l'un des principaux challenges à relever.
Par D. Wiliam
Le marché des capitaux est appelé à jouer un rôle important pour permettre au Maroc d'atteindre les objectifs ambitieux arrêtés dans le cadre du nouveau modèle de développement (NMD). C'est, en substance, le message fort qu'il faut retenir de la 6ème édition du Meeting sur l'information financière organisée vendredi dernier par Maroclear, la Bourse de Casablanca et Finances News Hebdo, sous le thème : «Nouveau modèle de développement : Quel rôle pour le marché des capitaux ?». Une conviction partagée à l'unanimité par les différents intervenants, qu'ils soient issus du public ou du privé, qui ont jeté un regard lucide sur les challenges que devra relever le marché des capitaux. «La crise sanitaire nous a contraints à changer nos habitudes, nos rapports sociaux, notre manière de travailler…, d'où la tenue de ce Meeting en mode hybride», a tenu d'emblée à préciser Fatima Ouriaghli, directrice de publication de Finances News Hebdo, dans son mot de bienvenue lors de la plénière. «Cet environnement inédit, qui a contraint le Maroc à s'adapter pour soutenir son économie, impose la mobilisation de toutes les compétences pour participer à la relance et porter les ambitions de développement et de modernité du Royaume, à la lumière justement des objectifs fixés par le NMD», poursuit-elle. C'est d'ailleurs par le rappel des mesures avisées prises par le Roi, que Faouzia Zaâboul, directrice du Trésor et des Finances extérieures, a entamé son discours d'ouverture, insistant, entre autres, sur le plan de relance qui prévoit l'injection de 120 milliards de DH dans l'économie nationale, soit l'équivalent de 11% du PIB, ainsi que sur la généralisation de la couverture sociale. Ainsi, souligne-t-elle, «dans ce contexte très particulier, le marché des capitaux doit se positionner avec une offre de valeur qui permet de répondre aux enjeux de la relance économique dans le cadre des changements structurels que connait et va connaitre l'économie mondiale; ainsi que dans celui des exigences portées par le nouveau modèle de développement de notre pays, qui a mis l'accent sur l'importance de la diversification des mécanismes et des systèmes de financement, à travers une offre de financement bancaire compétitive, un marché boursier dynamique et attractif, des normes de régulation alignées sur les meilleurs standards internationaux, et le recours à des financements innovants». C'est pourquoi certaines actions et réformes prioritaires ont été identifiées lors de la tenue récente de la 2ème réunion du Comité du marché des capitaux. Il s'agit, entre autres, de «l'encouragement d'un système de notation des entreprises, la simplification des conditions d'accès au marché, particulièrement pour les PME, le développement de solutions de financement innovantes s'appuyant notamment sur la titrisation, la promotion du rôle du capital investissement pour le financement en fonds propres des entreprises, la réforme du cadre régissant la société anonyme pour introduire de nouvelles catégories de valeurs mobilières et renforcer la protection des porteurs d'obligations, ainsi que l'amélioration et l'élargissement de la palette des instruments financiers pour renforcer la profondeur et la liquidité du marché», énumère-t-elle. «Ces recommandations vont être traduites dans une feuille de route pour les marchés des capitaux», précise Zaâboul, qui reste persuadée que «le contexte n'a jamais été autant porteur pour le marché des capitaux pour qu'il puisse jouer pleinement son rôle, non seulement dans le financement de la relance, mais aussi dans le positionnement régional du Maroc en tant que place financière de référence en Afrique, et dans l'accompagnement du nouveau modèle de développement qui vient d'être publié». La présidente de l'Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC), Nezha Hayat, abonde dans le même sens. Selon elle, «le marché des capitaux est, plus que jamais, appelé à jouer un rôle plus important pour atteindre les ambitions du nouveau modèle de développement». «En effet, à l'heure de la relance économique, le marché des capitaux peut, et doit contribuer davantage au financement de notre économie», poursuit-elle. Et ce, tout en rappelant quelques chiffres clés : ces trois dernières années, le marché des capitaux a permis la levée de près de 250 milliards de dirhams, soit une hausse de plus de 25% par rapport aux trois années précédentes; l'actif net des OPCVM dépasse aujourd'hui les 575 milliards de dirhams, auxquels s'ajoutent les fonds de titrisation pour près de 10 milliards de dirhams, les OPCI - récemment lancés -, dont l'actif atteint déjà les 6 milliards de dirhams, et les OPCC qui représentent 1 milliard de dirhams. Néanmoins, estime la présidente de l'AMMC, «le marché des capitaux reste sousexploité, alors même que le taux d'investissement du Maroc est l'un des plus élevés dans la région, avec une moyenne de 34% du PIB par an depuis le milieu des années 2000». Cela explique certainement pourquoi l'Autorité a bâti sa stratégie 2021-2023 autour d'une vision clairement définie : un marché des capitaux au service du financement de la relance économique. Le défi de la mobilisation des ressources Le nouveau modèle de développement, tel qu'envisagé, nécessitera la mobilisation de ressources importantes. Quelques objectifs chiffrés pour s'en convaincre : porter le PIB par habitant de 7.800 dollars actuellement à 16.000 dollars en 2035, soit 6% en moyenne annuellement contre 3% actuellement; porter la part de l'investissement privé dans l'investissement total de 35% actuellement à 65% en 2035; porter la capitalisation boursière à 70% du PIB d'ici 2035 et avoir 300 sociétés cotées en Bourse à cet horizon contre 76 actuellement. Raison pour laquelle Fathia Bennis, PDG de Maroclear, est formelle : «le nouveau modèle de développement, pour sa mise en œuvre, requiert la mobilisation de ressources financières conséquentes et appelle à une stratégie de financement adéquate». «À cet égard, il est indéniable que le marché des capitaux est appelé à jouer un rôle important afin de mettre en place les conditions optimales pour accompagner favorablement ces nouveaux défis», estime-t-elle. Même son de cloche chez Kamal Mokdad, président du Conseil d'administration de la Bourse de Casablanca, pour qui «le nouveau modèle de développement traduit une forte volonté de changement, tout en capitalisant sur les acquis», et devrait permettre, d'ici 2035, au Maroc de «transiter vers un nouveau pallier de croissance annuelle du PIB, et disposer d'une économie dynamique et diversifiée, créatrice de valeur ajoutée…». «Dans ce contexte, l'ensemble des opérateurs économiques de notre pays, quels que soient leurs secteurs d'activité, sont appelés à porter ce changement et à y contribuer. Il est ainsi question de mobiliser significativement l'investissement privé et d'en augmenter la part à travers la diversification des mécanismes et des systèmes de financement», note-t-il. Estimant que «c'est là-dessus justement que le marché des capitaux, dans toutes ses composantes, est appelé à jouer un rôle important et constitue un moyen efficace pour financer ce nouveau modèle de développement qui est porté au plus haut niveau de notre pays». En cela, Mokdad reste convaincu que «le marché des capitaux dans son ensemble, et la Bourse de Casablanca en particulier, peuvent contribuer de manière essentielle à ce nouveau modèle de développement du Maroc». A noter que les travaux du Meeting se sont poursuivis avec deux panels : le premier sur la «Mobilisation et préservation de l'épargne à long terme», et le second sur l'«Investissement : Instruments, orientation et mesures d'efficacité». Il s'est agi de discuter des moyens de mieux mobiliser l'épargne et de l'affecter d'une façon optimale à l'investissement.