◆ Le faible enrôlement des commerçants pénalise le développement du paiement mobile au Maroc. ◆ Le wali de Bank Al-Maghrib promet une opérationnalisation dans les meilleurs délais.
Par Y. Seddik
«On a perdu trop de temps. On a commencé il y a plus de douze ans la première expérience, il ne faut pas que l'on perde encore du temps dans ces palabres» : des propos sans ambages du wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, lors du Conseil de septembre 2020. Un coup de gueule légitime car, quoique l'on dise, le déploiement du paiement mobile a bien pris du retard. Si les chantiers technique et réglementaire sont bouclés, c'est plus un travail de communication et de sensibilisation qui attend les opérateurs maintenant. Le but étant d'installer une confiance auprès des futurs usagers. L'enrôlement des commerçants, d'une part, et le développement du réseau d'acceptation, de l'autre, restent les deux défis à surmonter par les établissements de paiement. «Il faut que l'écosystème se mette en place. Sur le plan technique, tous les essais du switch sont effectués. Sur le plan institutionnel, le GIE a été mis en place avec ses structures. Sur le plan de la mise en œuvre de l'inclusion financière, les 7 comités sont en place et avancent valablement. Mais il faut des incitations du côté fiscal pour faire naître l'écosystème», a défendu lors du même Conseil Jouahri, qui prend à cœur ce projet national. Les transferts via «m-wallet» sont opérationnels depuis décembre 2018. Il s'agit maintenant de développer les autres types d'opérations que couvre la solution, à savoir le cash-on, cash-out et surtout le paiement commerçant. Car, pour le moment, les petits commerçants - les moins avertis aussi - ne voient dans ce dispositif de paiement qu'un moyen d'être «tracés». De plus, tant que les paiements en cash seront moins chers (ou perçus comme tels par le consommateur ou le commerçant), tant que les retraits au guichet seront gratuits et que les commerçants auront la latitude de choisir d'encaisser et de payer en cash leurs achats, ils n'auront aucune raison pour aller à l'acceptation mobile, qui entraîne un coût. Comment accélérer le processus ? L'adoption du paiement mobile passera nécessairement par une prise de conscience de son importance. Mais aussi en proposant une valeur ajoutée à tous les utilisateurs en termes de rapidité, sécurité et disponibilité. «C'est ainsi qu'un travail de communication et de sensibilisation prend toute son ampleur, car cela concernera indistinctement toutes les strates de notre société, avec la possibilité de focaliser les messages, selon le public cible que nous souhaitons toucher», nous explique Samira Khamlichi, présidente de l'Association professionnelle des établissements de paiement (APEP). A cet effet, l'une des priorités du Groupement d'intérêt économique (GP2M) est la mise en place d'une marque unique de paiement mobile au Maroc, à l'instar de ce qui est fait avec la monétique. Cette marque devrait faciliter la reconnaissance des points d'acceptation de paiement et indiquera au client, quel que soit son opérateur, que le paiement mobile est disponible. Au-delà de l'indication du paiement, cette marque renforcera la confiance des utilisateurs, qu'ils soient commerçants ou consommateurs finaux vis-à-vis de la sécurité du paiement mobile. Chez certains opérateurs, on se veut, en revanche, optimistes : le retard à l'allumage du paiement mobile n'est pas aussi flagrant. «Le retard est minime par rapport aux enjeux et à l'ambition que porte ce projet national», nous expliquait il y a quelques mois Khalid Alami, Directeur général de Maymouna services financiers. Au final, comme toute activité nouvelle, le paiement mobile a besoin d'ajustements et, surtout, de patience pour un décollage généralisé. Car, même dans les pays où l'activité s'est avérée être une «successtory», cela a pris des années pour un bon déploiement, à l'image du Kenya et d'autres pays d'Afrique subsaharienne. «Je serai là pour veiller à ce que le mobile banking soit mis en place et soit opérationnel dans les meilleurs délais, quitte à ce que je frappe à toutes les portes, y compris celles du Parlement», a promis le wali de BAM.