Le samedi 5 octobre sera organisée, à l'initiative des partis de l'opposition, Istiqlal et USFP notamment, un grand rassemblement de protestation contre le gouvernement Benkiran. Un appel a été lancé dans ce sens par Hamid Chabat et Driss Lachgar pour recueillir le plus grand nombre de participants. C'est la deuxième manifestation du genre que les deux formations organisent en moins de quinze jours. La première s'était soldée par un demi-échec. Il s'agit d'une démonstration à caractère politique, qui prend prétexte des revendications populaires contre la hausse des prix. La politique au Maroc est devenue capricieuse ! A quelque 10 jours de l'ouverture de la session parlementaire, présidée comme chaque année par SM le Roi, elle continue à nous narguer. Voilà plus de trois mois que nous sommes dans l'expectative, chancelant entre les déclarations et les non-dits des responsables, et notamment les leaders du PJD et du RNI, le mutisme imposé à leurs troupes et une quasi indifférence de l'opinion publique. Pourtant, en dépit des apparences, une grande partie de cette même opinion est dans l'attente des nouvelles qui viennent en doses homéopathiques, et qui sont de surcroît démenties ! Finalement, on se répand en rumeurs, selon lesquelles la liste est prête et Boulif ne s'est pas fait faute de le souligner mardi soir... On sait qu'une éventuelle répartition s'est faite sur la base de 8 portefeuilles pour le RNI, 4 pour le MP et 4 pour le PPS, le reste revenant au PJD... Autrement 12 postes... Las ! Finalement, peu importe la dimension que ce remaniement gouvernemental prendra. Le plus urgent aujourd'hui, à une semaine et quelque de l'ouverture de la nouvelle législature, n'est-il pas d'assurer la conformité constitutionnelle ? Mieux : les délais pour la discussion en Conseil de gouvernement du projet de Loi de Finances et du dépôt légal au Parlement dans deux semaines, sera-t-ils respectés ? Les opérateurs, versant dans l'expectative, attendent impatiemment de voir l'épure de ce projet de Loi de Finances qui, contrairement à ce qui a été annoncé par Mohamed Najib Boulif, ministre délégué chargé des Affaires générales du gouvernement, fixe désormais à 4% le taux de croissance pour 2014 ! Une baisse, en somme, inspirée du néoréalisme qui nous changera des grandiloquences des mois passés. La lettre de cadrage que le Chef du gouvernement vient de rendre publique seulement mardi, après avoir aiguisé les appétits des uns et des autres, confirme une tendance : nous resterons dans l'ambiance de la crise, malgré quelques signes frileux de relance par-ci, par-là. Chantiers en instance Il reste que la Loi de Finances, acte majeur de la nation, n'est pas l'unique enjeu auquel sera confronté le gouvernement Benkiran bis. D'innombrables chantiers sont dans le «pipe», dont la réforme de la Caisse de compensation, véritable Hydre de Lerne mythologique qui continue d'absorber plus de 60 milliards de dirhams et conditionne de plus en plus la cohérence budgétaire de l'Etat. Ensuite la réforme de la retraite, pointée par la Cour des comptes, celle de l'enseignement que le Roi, dans son discours du 20 août dernier, a rappelé à nos mémoires en des mots durs ; celle de la Justice, lancée depuis mai 2012 et qui attend de la trappe où elle a été jetée ; la réforme de la fiscalité, pour autant aussi cruciale que toutes les autres, du fait de la nouvelle taxation décidée pour le secteur de l'agriculture... On évoque ici les réformes majeures et prioritaires mises sur le rail, qui font l'objet d'un débat depuis quelques années. On n'occulte pas, en revanche, les autres réformes sectorielles nombreuses, encore moins le grand chantier de la Régionalisation, lancé en janvier 2010 par le Roi et qui semble avoir du mal à démarrer. Il est pourtant l'une des clés de voûte du projet d'autonomie élargie au Sahara, comme aussi de la vision d'un Maroc décentralisé et d'une gouvernance renouvelée. L'urgence économique est à coup sûr l'un des défis que le futur gouvernement doit relever. Outre la cohésion des membres du gouvernement, sur la base d'une discipline gouvernementale et partisane, la cohérence en matière de choix et de suivi est plus qu'impérieuse. D'autant plus que l'opposition, formée autour des partis de l'Istiqlal, de l'USFP, de l'Union constitutionnelle et des autres formations de la gauche des gauches, affûte ses armes et s'apprête à réserver, comme dit Hamid Chabat, «le pire accueil» au nouveau gouvernement. On se doute, en effet, que l'opposition se mobilisera ardemment au Parlement et même dans la rue, renforcée par les revendications des centrales syndicales et confortée par le sentiment désabusé de l'opinion publique accablée par la cherté de la vie. Incertitudes Les conditions de vie difficiles des Marocains sont, aujourd'hui, le critère opposable à toute politique économique du gouvernement. Autant dire que Benkiran et Mezouar seront du même bord, dans le même camp et, ce faisant, exposés aux critiques éventuelles. Le président du RNI aura, en fin de compte, obtenu les assurances requises qu'il mènera la politique économique et financière selon son propre «modus operandi». Mais sera-t-il en mesure de faire remonter la pente à une économie soumise à rude épreuve, à la fois par les effets de la crise internationale et les vives pressions internes, ensuite la propension à une gestion inflationniste, prétendument maîtrisée mais galopante en vérité, à la montée des prix, source de la grogne sociale, etc...Le remaniement ministériel ne calme ni la grogne, ni l'inquiétude des opérateurs...S'il n'est pas porteur de changements, au niveau de l'impulsion de l'économie et des réponses adéquates à apporter à la crise, il sera un remaniement de replâtrage. Jusqu'aux prochaines élections municipales, prévues pour les prochains mois mais non encore fixées avec exactitude, le calendrier de travail du gouvernement- où coexistent quatre formations- restera soumis en principe à une vision conjoncturelle. Le projet de Loi de Finances constituera le premier test de crédibilité de la nouvelle formation. On prévoit déjà, non pas une défiance, mais une luette de «sauvegarde des chapelles» ! Le RNI, qui a constamment soutenu Salaheddine Mezouar, ne vient pas au pouvoir comme «une 5ème roue», mais comme une formation à fort potentiel, avec un programme, des idées, des femmes et des hommes. Il est difficile de ne pas imaginer les possibles heurts qui vont mettre à l'épreuve le nouveau gouvernement, tiraillé entre quatre visions, et dont le leader du PPS, tout à sa volonté d'affirmer son existence sur l'échiquier, ne rate aucune occasion pour se positionner. Comme nous l'a confié un analyste, préférant garder l'anonymat, «le gouvernement à géométrie variable et quadripôle» devra inventer la cohabitation...