Certaines entreprises estiment qu'il s'agit d'une formalité facultative, les conduisant ainsi à présenter certaines réticences. Le point avec Khalid Falhaoui, expert comptable DPLE, qui apporte des éclaircissements sur cette technique d'audit. Finances News Hebdo : Qu'est ce que la lettre d'affirmation? Khalid Falhaoui : La lettre d'affirmation fait partie des diligences dont dispose l'auditeur dans l'exercice de sa mission d'audit légal ou contractuel. Elle s'intègre dans un dispositif cohérent de mise en œuvre des travaux d'audit. Cette lettre consiste à utiliser les déclarations de la direction de l'entreprise auditée comme éléments probants d'audit des états financiers. Elle récapitule ou complète, à la fin des travaux d'audit, certaines déclarations faites à l'auditeur par les dirigeants de l'entreprise au cours de la mission d'audit. A travers la lettre d'affirmation, l'auditeur obtient des déclarations écrites de la part de la direction sur certains des aspects spécifiques ou significatifs se rapportant aux états financiers audités. Cette diligence permet également de lever ou de limiter les risques d'incompréhension et de malentendus entre auditeur et audité, grâce à la confirmation par écrit des dires de la direction. Il est bien évident qu'une déclaration écrite constitue un élément probant et plus fiable qu'une déclaration orale. Maintenant, quels sont les différents types de déclarations de la direction de l'entreprise auditée? La réponse à cette question permet de bien situer la lettre d'affirmation. Les différentes formes de déclarations sont : déclarations orales ou verbales : communiquées à l'occasion des différents entretiens et réunions entre l'entreprise et son auditeur. déclarations écrites : elles peuvent revêtir plusieurs formes : - lettre d'affirmation de la direction ; - procès-verbal du Conseil d'administration ; - rapport de gestion ; - tout écrit émanant de la direction ou du management de la société ; - lettre envoyée par l'auditeur à l'entreprise explicitant sa compréhension des déclarations orales communiquées dont le contenu doit être confirmé par la direction de l'entreprise. Compte tenu de leur importance, les déclarations orales de la direction peuvent être mentionnées dans des documents ayant une force probante plus importante. Il s'agit, par exemple, des états de synthèse (indication à faire au niveau de l'état des informations complémentaires), du rapport de gestion du Conseil d'administration, du procès verbal du Conseil d'administration ou de l'assemblée,... F. N. H. : Existe-t-il un cadre normatif régissant la lettre d'affirmation? K. F. : Avant de répondre, l'interrogation suivante mérite d'être posée : peut-on parler de relation tendue entre l'entreprise et son auditeur lorsqu'on évoque la lettre d'affirmation ? Dans certains cas extrêmes, la réponse à cette question est affirmative. Parmi les raisons à l'origine de cette situation, c'est que certaines entreprises méconnaissent le cadre normatif de la lettre d'affirmation et, notamment, au titre de leur premier exercice d'audit. Ces entreprises estiment qu'il s'agit d'une simple formalité facultative, et non pas d'un outil obligatoire dans l'exercice de la mission de l'auditeur les conduisant, ainsi, à présenter certaines réticences dans la remise de la lettre d'affirmation. Mais une fois que le fondement de cette lettre et son cadre normatif est bien compris, cette réticence est levée. Sur le plan de la norme d'audit comptable et financier, la lettre d'affirmation constitue un outil obligatoire exigé par le manuel des normes d'audit légal et contractuel de l'Ordre des experts comptables du Maroc. Les déclarations écrites de la direction de l'entreprise auditée font donc partie intégrante d'un ensemble de diligences obligatoires instituées par la norme marocaine d'audit comptable et financier. La lettre d'affirmation est également une pratique d'audit utilisée au niveau international et non pas uniquement une spécificité marocaine. F. N. H. : Quel est le contenu de la lettre d'affirmation ? K. F. : La lettre d'affirmation consiste à collecter des éléments probants pour aboutir à des conclusions (ou complément de conclusions) sur lesquelles l'auditeur fonde son opinion sur les états financiers audités. Il s'agit de déclarations écrites demandées par l'auditeur à l'entreprise sur des éléments spécifiques et/ou significatifs au regard des états financiers. Bien qu'il existe un modèle standard des lettres d'affirmation, les confirmations écrites des directions devraient être personnalisées et conçues, cas par cas, en fonction de chaque entreprise auditée. Nous donnons ci-dessous quelques exemples de confirmations écrites faites par la direction à l'auditeur dans la lettre d'affirmation : sa responsabilité sur le dispositif du contrôle interne mis en place ; la non connaissance d'irrégularités dans le fonctionnement du contrôle interne ou susceptible d'avoir une incidence significative sur les états financiers ; le caractère non significatif des anomalies non corrigées par la société dans les états financiers ayant été relevées par l'auditeur ; l'inexistence dans les états financiers d'anomalies significatives ; la présentation à l'auditeur de tous les documents et informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission ; la conformité à tous les accords contractuels et les réglementations dont le risque de non-respect est significatif par rapport aux états financiers ; l'absence de projet ou intention susceptible d'altérer significativement la valeur des éléments actifs et passifs de l'entreprise. F. N. H. : Quelle attitude l'auditeur a-t-il envers les déclarations orales de la direction? K. F. : L'auditeur reçoit pendant sa mission un nombre important d'informations et déclarations orales de la part de la direction de l'entreprise auditée. Lesquelles déclarations verbales doivent être traitées par l'auditeur selon leur caractère significatif par rapport aux états financiers audités. Dans sa démarche d'audit, toute déclaration de la direction, considérée comme significative par l'auditeur, doit faire l'objet de vérification de sa véracité et son bien-fondé par des éléments probants internes ou externes de l'auditée (pour la confirmer ou la contredire). L'auditeur doit également s'assurer de la cohérence desdites déclarations avec d'autres informations, faits, opérations ou événements de l'entreprise. Il doit être très vigilant pour tout élément pouvant remettre en cause la fiabilité ou contredire les déclarations déjà recueillies. Le caractère probant des déclarations orales de la direction et l'attitude de l'auditeur dépendent de la réalisabilité des autres techniques d'audit nécessaires à la validation desdites déclarations. L'analyse de cette attitude permet de distinguer plusieurs situations, présentées ci-après : Règle générale : Le principe à retenir est simple : toute déclaration spécifique, significative ou présentant un risque d'incompréhension entre auditeur et auditée doit être confirmée par écrit par la direction. Confirmation de la direction et autres techniques d'audit : Dans tous les cas, l'obtention de la confirmation écrite de la direction ne dispense pas l'auditeur de la mise en œuvre des autres contrôles et techniques d'audit réalisables. En principe, l'auditeur devrait en cas normal recouper et attester la véracité et la fiabilité des déclarations de la direction pendant l'exécution de sa mission par des faits, opérations et actes effectivement réalisés par l'entreprise. A travers ces diligences, l'auditeur cherche pendant sa mission à collecter des éléments qui corroborent les déclarations de la direction. Déclarations non cohérentes avec d'autres éléments collectés : Dans le cas ou l'auditeur peut identifier une ou plusieurs déclarations verbales de la direction qui peuvent ne pas coller ou s'avèrent non cohérentes avec d'autres informations ou éléments collectés, il doit exécuter toute procédure d'audit pour s'assurer de cette incohérence. En fonction des résultats de ses diligences, l'auditeur tire ses conclusions par rapport à ces déclarations et les conséquences éventuelles sur le déroulement de sa mission et l'expression de son opinion. Situation de limitation à l'étendue des travaux d'audit : Dans l'exercice de sa mission, l'auditeur peut se retrouver dans des situations d'impossibilité technique ou matérielle de valider, par d'autres techniques d'audit réalisables, une ou plusieurs déclarations verbales dont l'impact est jugé significatif sur les états financiers. Ces situations sont qualifiées de situations de limitation aux travaux d'audit. Il importe de préciser que la limitation à l'étendue des diligences d'audit ne peut aucunement être levée par l'obtention de la lettre d'affirmation. Cela veut dire que la confirmation écrite des déclarations orales de la direction n'écarte pas la limitation à l'étendue des diligences de l'auditeur. Déclaration écrite constituant la seule technique dont dispose l'auditeur : Par ailleurs, la déclaration écrite prendra toute son importance et sa force probante, lorsqu'elle constitue le seul moyen disponible pour l'auditeur en tant qu'élément probant d'audit. Cette situation devrait, en principe, constituer une exception dans la mission d'audit. C'est le cas notamment quand la direction appuie ses déclarations par des données prévisionnelles. F. N. H. : Et dans le cas de non obtention de la lettre d'affirmation ? K. F. : L'auditeur qui ne reçoit pas la confirmation écrite d'une ou plusieurs déclarations orales de la direction (cas de refus de la direction, par exemple), se retrouve donc dans une situation de limitation à l'étendue de ses travaux d'audit. Généralement, cette situation ne devrait pas se produire car, de par la nature de sa mission, l'auditeur devrait avoir accès à toutes les informations nécessaires à l'exercice de sa mission, conformément aux dispositions légales en vigueur en la matière. Devant un tel cas, l'auditeur, et selon l'importance de la déclaration en question, peut être amené, soit à exprimer son opinion avec réserve ou, cas extrême, formuler une impossibilité d'exprimer une opinion. F. N. H. : Quand la lettre d'affirmation doit-elle être signée ? K. F. : En règle générale, la lettre d'affirmation est signée, par la direction de l'entité auditée, à une date plus proche de celle du rapport de l'auditeur sinon à la même date. En tout cas, la date de la lettre ne peut être postérieure à celle du rapport d'audit. On entend par direction, le représentant légal de l'entreprise soit le président Directeur général, le Directeur général, le gérant ou encore le Directeur financier dans certains cas. F. N. H. : Quelles sont ses limites ? K. F. : Les déclarations écrites de la direction présentent certaines limites : Elles ne sont pas suffisantes et doivent être corroborées et renforcées par d'autres moyens et techniques d'audit ; Elles doivent être effectuées par des personnes habilitées à les faire. En guise de conclusion, je peux dire que les déclarations de la direction faites à l'auditeur, constituent des éléments qui engagent les deux parties et, par conséquent, doivent être minutieusement appréhendées par ce dernier lors de l'exécution de la mission d'audit.