◆ Pas d'inquiétudes majeures sur la santé des compagnies pour le moment. ◆ Les grandes priorités du régulateur pour accompagner la sortie de crise.
Dossier réalisé par A. Hlimi, Y. Seddik et D. William
Chaque année, à l'automne, le secteur des assurances fait sa rentrée. Une période marquée par les très disputés renouvellements de contrats. Finances News Hebdo a pris l'habitude de recevoir Hassan Boubrik, président de l'Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS), durant cette période, pour parler des nouveautés réglementaires et normatives qui attendent le marché des assurances. Mais, cette année, vous vous en doutez, la rentrée est particulière pour les raisons sanitaires que nous connaissons tous. Doté de son habituelle franchise et de son sens de la pédagogie, Hassan Boubrik devait dès lors faire le point sur l'impact de la crise sur le secteur qu'il supervise, avant de nous détailler l'état d'avancement des réformes engagées pour le secteur. Au tout début de la crise, traquer les risques de pointe Dans un premier temps, et dès que la crise sanitaire commençait à se profiler, l'ACAPS s'est penchée sur une question centrale : Comment la pandémie pourrait-elle impacter le secteur des assurances ? «Nous avions deux craintes principales. La première était liée au risque assurantiel, la seconde au comportement du marché financier», résume Hassan Boubrik. Concernant le risque assurantiel, l'ACAPS souhaitait savoir si les compagnies étaient engagées dans des clauses de couverture sur les pertes d'exploitation et si ce type de produits était bien couvert en réassurance. «Nous avons épluché plus de 300 contrats à risque et, fort heureusement, pour l'équilibre du secteur, ce risque était faible et les pertes d'exploitation étaient essentiellement couvertes dans le cadre de contrats dommage (incendies ou autres). Il n'y a donc pratiquement pas de risque là-dessus», assure-t-il. La deuxième préoccupation de l'ACAPS provenait du marché financier, avec la baisse importante de la Bourse au début de la pandémie. «Il fallait regarder la résilience du secteur face à cette détérioration», explique Boubrik, qui indique que les stress tests réalisés ont confirmé la résilience du marché. Mais l'ACAPS a tout de même concédé de nouvelles règles prudentielles plus souples pour soutenir les compagnies, ce qui les a rassurées, d'une part, et a limité la dégradation de leurs bénéfices au premier semestre, d'autre part. Ces allègements ont permis d'éviter un peu plus de 700 MDH de pertes au secteur, selon les propos du président de l'ACAPS. «Si nous avions maintenu les mêmes règles, la baisse du résultat des compagnies aurait été de -50% au lieu des -25% constatés», précise-t-il. Accompagnement des clients et des intermédiaires Le secteur s'est mobilisé vis-à-vis des intermédiaires, et ce dès le début de la crise. On se rappelle des prêts bonifiés accordés par les compagnies aux intermédiaires et de l'aide directe et frontale non remboursable de 12.000 DH accordée aux 700 plus petits intermédiaires sur le marché. Les assurés ont, eux aussi, profité du prolongement des attestations d'assurance automobile durant le confinement et de la baisse tarifaire consentie par le secteur pour rendre en partie la réduction de la sinistralité sur l'automobile aux clients. Baisse des encaissements Dans ce contexte difficile, l'ACAPS constate une baisse de 10 points de base des encaissements, qui passent de 72% en cumul annuel en août 2019 à 62% en août 2020. Mais Boubrik préfère rassurer. «Cela ne représente pas un risque particulier pour le secteur jusqu'à présent», estime-t-il. Le régulateur prévient tout de même : «Si la situation continue de se dégrader, il faudra trouver des solutions. Sur ce volet, la seule réponse prudentielle ne serait pas suffisante». Il faudra, selon lui, mettre en place des solutions plus opérationnelles comme les fractionnements de primes et les modalités de paiement, en adéquation avec la capacité des clients à s'acquitter de leurs primes. Plus globalement, l'ACAPS se dit prête à prendre de nouvelles décisions pour accompagner le secteur si la crise perdure. Il s'agit notamment d'éloigner l'entrée en vigueur de la provision sur risque tarifaire au besoin. «S'il y a des demandes argumentées des compagnies d'assurances ou si nous observons des difficultés particulières dans le marché, nous serons enclins à reporter son entrée en vigueur d'une année pour éviter que les compagnies ne soient dans une logique de hausse tarifaire, alors que le contexte économique et social ne le permet pas», promet le régulateur. Et de résumer que pour le moment, l'ACAPS ne voit pas de contraintes particulières sur la santé financière des compagnies. Mais il faut rester vigilant sur les conditions du marché financier, sur les renouvellements sur certaines branches comme l'AT, la maladie ou encore les risques techniques, où il peut y avoir une baisse du volume d'activité. En revanche, insiste Boubrik, il n'y a pas de risque majeur de dégradation des conditions financières du secteur avec les données disponibles en ce moment.
Les priorités de l'ACAPS Le confinement n'aura pas eu raison du rythme de progression des chantiers prioritaires de l'ACAPS. Il faut dire que l'anticipation du régulateur dans la dématérialisation de sa relation avec les compagnies, avec notamment la gestion électronique des documents et l'informatisation de ses services permettant son adaptation rapide au télétravail, a permis de continuer sur les chantiers prioritaires. A ce titre, Boubrik cite 3 principaux chantiers majeurs pour le secteur et ses équipes : poursuivre la mise en œuvre du projet SBR, rattraper le retard des compagnies sur la digitalisation, notamment pour accélérer l'inclusion financière et mettre en œuvre le Takaful. Pour ce dernier sujet, les discussions se poursuivent entre le ministère des Finances et le secteur concernant les frais de gestion et l'ACAPS prépare une circulaire avec le Secrétariat général du gouvernement (SGG) que Boubrik espère achever d'ici la fin d'année. Par ailleurs, le régulateur garde un regard «inquiet» sur les systèmes de retraite et le nécessaire retour à l'équilibre des régimes, avec la CMR notamment dont les réserves vont s'épuiser en 2028. C'est-à-dire demain.