Confusion des genres, moisson de clichés, gags éculés, tels sont les ingrédients qui composent «Hshouma : Corps et sexualité au Maroc», de Zainab Fasiki, cette fervente du Dogme, décidément imprévisible. L'opus fait toujours un tabac. Consternant ! Quand elle eut terminé son guide, Zainab Fasiki, plutôt que de se sentir délivrée, ne dissimulait pas l'angoisse qui l'étreignait quant au sort qui serait dévolu à son enfant. Les faits donnèrent cruellement raison à la démiurgie. A l'étranger où il fut tourné, «Hshouma : Corps et sexualité au Maroc» fit un perceptible tour dans les librairies et ne s'en fut point la queue basse. Mais on a du mal à imaginer que le livre puisse ne pas être tourné sur la terre qui l'a vu éclore. C'est pourtant ce qui advient. Si l'on en juge par les impressions, commentaires et appréciations claironnées après sa parution. On comprend que des esprits étriqués soient incapables de s'enflammer pour un guide «dessiné simple qui explique les identités de genre, les orientations sexuelles et les corps, qui sont des tabous au Maroc et nous ne pouvons les apprendre ni à l'école ni en famille», lit-on dans la présentation. Zainab Fasiki savait qu'elle allait attirer les foudres des gardiens de la morale et de leurs sbires. Bien lui en prit. Dès la parution, ce ne furent que sifflets, huées et conspuassions. Les illustrations crues et les mots de mauvaise vie indisposèrent maint lecteurs. Les commentaires fusaient de toutes parts. Certains l'approuvèrent. D'autres se montrèrent plus nuancés. «Le mot Hshouma signifie tabou en dialecte marocain, il est aussi utilisé pour dire : Tais-toi ! pour arrêter la conversation. Au Maroc, la nudité dans l'art est encore Hshouma, tout comme de nombreuses libertés individuelles, et c'est pourquoi j'ai créé ce livre». Mais sur cette triste réalité qui, dévoilée, ne risquerait jamais d'écorner le mythe savamment entretenu du corps, on préfère jeter un voile hypocrite. Perplexe, quand on a visité cette œuvre sans œillères. Pourtant, nombre de lecteurs y trouvent leur bonheur, à l'exemple du politicien marocain, Omar Balafrej, qui recommande le livre à son public. Cela sent à mille lieues le mélo tire-larmes. Et c'en est un, du moins il est voulu comme tel. Nous n'avons aucune prévention contre ce genre. Dans la mesure où il a donné lieu à une série de critiques. D'autant que le livre cultive maladroitement la confusion des genres et fait l'effet d'une ratatouille peu digeste : un zeste de drame, une pincée de clichés, une overdose de tabous. Une femme qui apparait pour signifier qu'elle en est là. Elle a aussi une portée symbolique; notre société est malade, son cœur est fatigué. Cette femme-là ne se révèle ni philosophe ni moraliste. Mais elle peut réduire sa vision à une image et donner une illustration qui tend vers un souhait : que le cœur reparte, que tout change au profit de la vie, qu'on aille vers une société où l'on peut posément parler du corps, sexe… Soit. «Il est un appel à la tolérance aux Marocains pour mettre fin à l'extrémisme et à la violence basée sur les genres, les orientations et les croyances.» C'est ce goût-là que Hschouma cherche à flatter. Il y est parvenu, au vu des critiques (pardonnez le pléonasme). Las des hurluberlus qui font subir à Zainab des extravagances dans la mesure qu'elle ne sait pas suffisamment sur ce rayon. Fasiki n'est ni mégalomane, ni infatuée de sa personne, ni capricieuse, ni inconstante et ni proprement imbuvable. Ils oublient que son talent rachète, en partie, ses innombrables défauts. Elle est cependant un personnage fréquentable, original, inventif et perfectionniste jusqu'à la névrose. De cela témoigne «Hshouma : Corps et sexualité au Maroc», dans lequel s'affiche une émotion débridée. Ce pur morceau de bravoure n'a pas été accueilli comme il se doit. Le lecteur y perdra. Car, le livre/guide est une belle réussite. Au-delà du propos qui le rythme. Avec Hshouma, le corps a été servi, la sexualité en a été rehaussée. De ce plaisir, le public marocain, lui, en restera frustré. Quel dommage !