La création ne s'étiolera pas; malgré que (par quel malheur ?!) la notion de l'art est toute bouffée aux mites. Alors, quand quatre jeunes déboulent sur la scène avec la ferme intention de dépoussiérer un genre aussi ensablé que peut l'être la photo, on applaudit des deux mains le coup d'audace. La jeunesse se révèle attentive, réceptive et goulue. Dégainant son appareil en toutes circonstances - le plus clair de son temps - pour capturer et immortaliser après avoir dépisté et effleuré les instants du quotidien. Grâce à sa vigilance, elle enregistre et enferme dans la durée le passage du temps et les rythmes de la vie. Sur quoi focalisent-ils/elles, nos photographes, leurs objectifs ? Non pas sur les splendeurs de leur pays, comme le font leurs pairs étrangers, mais sur la détresse, sous toutes les formes qu'elle prend. Cette jeunesse-là met en scène les enfants des rues, les femmes répudiées, de même qu'elle porte un regard révolté sur les ados privés d'avenir, agités et ballotés entre ressorts du désenchantement et désir d'émigrer. Elle met cependant à nu les rides disgracieuses des vieux immeubles, naguère éblouissants, aujourd'hui voués à une mort certaine. On est à même de dire que nos mitrailleurs (euses) inspirés (es) s'accoudent, par ailleurs, et songent pour nous enfoncer dans ces médinas arpentées par leurs objectifs : elles n'ont pas fière allure, et leurs habitants sont loin de baigner dans le bonheur. Dans l'ombre des ruelles et venelles, une belle et incomparable architecture, bien entendu, mais aussi et surtout toute une misère morale s'y loge. Qui plus est, à la faveur de la nuit, elles se présentent comme des petits coins de désespoir. La photographie, est-elle une invention - diabolique - pour croquer les vies et enfermer les âmes ? On ne peut soupçonner nos photographes de misérabilisme aigu. Ils/elles ne font que refléter une sombre réalité, dont sont souvent tenus à l'écart touristes et amateurs de pittoresque clinquant. Leurs images refusent tout effet de masque : elles se veulent au-delà du constat, du côté d'une révélation simple qui mesure les poids des éléments et l'évidence des êtres. Leur monde est un prisme sans spectacle. D'autant que le regard est franc et direct. Mais aussi chargé d'émotion, pétri de générosité, débordant d'humanité. Voilà que quatre jeunes surdoués (M'hammed Kilito, Imane Djamil, Yasmine Hatimi et Seif Kousmate) extirpent la photographie de sa nuit pour la remettre en vive lumière, nous offrant une galerie de silhouettes, visages et paysages que nous façonnerons selon notre symbolique, notre imaginaire, nos fantasmes. Nos photographes ont le cœur sur l'objectif. Qui sont-ils/elles au juste ? «Nous sommes KOZ, un collectif de quatre artistes visuels marocains travaillant sur des projets à long terme et partageant une passion pour la narration. Conscients de l'essor d'un paysage médiatique mondial rapide et parfois béant, nous nous concentrons sur un travail hybride et basé sur la recherche. Souvent à la suite d'une question personnelle, nos questions engagent inévitablement un dialogue avec notre monde, diversifié et complexe mais interdépendant. Nous croyons, en tant que témoins nés d'abord, et en tant que conteurs, que nous pouvons contribuer à apporter le changement par la photographie en nous mettant à la terre dans notre environnement et en faisant la lumière sur les histoires sans-papiers. KOZ, qui signifie 4 en amazigh, est un jeu de mots évident, qui met en évidence l'essence même du travail visuel des membres, qui du documentaire à la fiction, représente une envie profondément enracinée et vive de donner un sens à l'actualité», lit-on sur le site du collectif. «Prendre des photos, c'est une manière d'aimer, de haïr, de se battre. Il faut continuer», dixit Henri Cartier-Bresson. Roulez jeunesse ! Suivez-les sur : www.kozcollective.com / www.instagram.com/koz.collective