La création de valeur est un jeu à somme nulle. Pour maximiser la valeur de votre entreprise, vous devez diminuer celle des autres. Ne vous faites pas d'illusions, ils feront de même. Qu'il s'agisse d'un fournisseur qui augmente ses prix de vente, renchérissant vos coûts de revient ou d'un client qui négocie à la baisse ses prix d'achat, réduisant, à due concurrence, votre chiffre d'affaires, le résultat est toujours le même : une pression continue sur vos revenus et vos marges. Cette guerre est non seulement horizontale (clients et fournisseurs), mais aussi verticale : pour maximiser sa richesse, l'actionnaire presse à la baisse celle des autres partenaires de sa propre entreprise, salariés, prêteurs et Etat. Les champions de la création de valeur agissent sur trois leviers pour garantir une performance élevée. En publiant son best-seller mondial «The Quest for Value1» en 1991, G. Bennett Stewart III n'imaginait pas qu'il allait plonger le monde des affaires dans une guerre sans merci à la maximisation de la valeur actionnariale. Connaissant un succès immédiat, sa révolution part d'une intuition très simple et pourtant très puissante, à savoir que la finalité de toute entreprise est de récompenser ceux qui ont pris le risque d'y investir en leur assurant une rentabilité qui rémunère au moins ce risque. En d'autres termes, on ne peut parler de bénéfice qu'après avoir déduit toutes les charges de financement, y compris la rémunération de l'actionnaire, ignorée par la comptabilité financière. Sa formule de création de valeur est aussi connue en finance d'entreprise que le « E=MC2 » en physique : Autour de cette idée, pourtant vieille d'au moins un siècle6, se sont développés tous les concepts en vogue de gouvernance. Cet ensemble de dispositions permet aux actionnaires, à travers un contrôle effectif de l'entreprise par leurs représentants, de s'assurer q ue les managers ne poursuivent pas d'autres buts que la création de valeur actionnariale. Ce mouvement a mis le feu dans l'économie. La création de valeur est devenue l'instrument suprême de mesure de la performance, et le montant de l'EVA, une sorte de bulletin de notes des dirigeants. La création de valeur est le fruit de l'interaction entre les agents d'un réseau économique complexe. Ces intervenants ont des stratégies différentes, mais un objectif commun : maximiser leur profit. Certaines entreprises dans ce «web» ont toujours une longueur d'avance sur les autres, en termes d'innovation, de satisfaction clients et d'efficacité opérationnelle. Ce qui se traduit par des parts de marchés en progression continue et des résultats financiers supérieurs. Dans l'ère de l'économie numérique où nous vivons, elles arrivent à se procurer l'essentiel de la valeur créée par le réseau, en agissant sur trois leviers : 1 : L'Avantage Technologique Les entreprises pionnières ont saisi que l'investissement dans l'information était non seulement une question de survie, mais générait un retour sûr et quasi immédiat. Elles ont compris que la suprématie dans ce domaine n'est pas qu'une question d'outils, mais surtout d'organisation et de processus. A travers un système structuré de collecte, de traitement et d'analyse des données, elles sont mieux informées que les autres acteurs du réseau et utilisent cette information pour négocier et agir sur les éléments clés de maximisation de leur valeur. Par ailleurs, la technologie est devenue non seulement un outil de pilotage, mais une source d'avantage compétitif pour ceux qui savent s'en servir, en accélérant l'innovation produit et en facilitant l'excellence opérationnelle. Les informaticiens, considérés il y a quelques années comme des extraterrestres parlant un langage qu'ils sont les seuls à comprendre, sont aujourd'hui au cœur de la création de valeur dans la firme. 2 : L'Excellence du capital humain Parler de l'importance du capital humain en 2013, c'est enfoncer des portes ouvertes et c'est un travail sans apport particulier. Nous voulons mettre l'accent sur une nouvelle génération de managers, aux profils pointus et que l'entreprise doit veiller particulièrement à attirer et à fidéliser. Ces profils sont au nombre de quatre : Innovation stimulators : si la créativité est une capacité individuelle, l'innovation est un processus. Les managers de ce type ont le talent d'attirer les créatifs et les innovateurs, dont ils font partie et dont ils parlent le langage particulier, et de préparer l'environnement nécessaire à leur épanouissement et à leur fidélisation. Top negotiators : qu'il s'agisse d'un client capricieux, d'un fournisseur puissant ou d'un banquier difficile, c'est ce type de profil qui vous permettra de sauvegarder vos positions et d'obtenir des avantages vis-à-vis d'eux. Empire builders : il s'agit de profils aux capacités supérieures d'organisation. Ils sont capables de concevoir et de mettre sur pied des organisations en ordre de bataille et en position de livrer la performance. Cost killers : à travers leur capacité à identifier et à éliminer des processus inutilement consommateurs de ressources et à obtenir de meilleures conditions d'achat de celles-ci. Chaque profil joue son rôle dans l'accaparement par l'entreprise de la valeur créée par le réseau. La mission du leader du groupe (qui peut être l'un des profils) est de tracer le chemin à suivre et d'organiser la coordination entre ses membres. 3 : L'Influence sur les lois Certaines entreprises [secteurs] ont compris que les appuis politiques et le lobbying sont aussi importants dans la création de valeur que leurs stratégies individuelles. Leurs dirigeants consacrent une part croissante de leur temps à contribuer à la rédaction des lois, dans le sens qui favorise les intérêts de leurs entreprises, à travers quatre actions : Protection du marché par des barrières à l'entrée, Négociation d'avantages tarifaires, Pression pour la réduction des coûts des facteurs, Exigence de traitements fiscaux favorables. Ces leviers doivent figurer à la tête des priorités des dirigeants car ils déterminent non seulement l'orientation de la valeur (création ou destruction), mais également sa quantité (combien en est créé ou détruit). Toutefois, leur importance réelle réside dans le rôle qui leur permet de jouer dans le réseau : prédateur ou proie. Nabil Adel* 1- La recherche de la valeur. 2- Economic Value Added : Création de Valeur Economique ou Profit économique. 3- Return On Capital Employed : Taux de rentabilité de l'actif économique. 4- Weighted Average Cost of Capital : Coût Moyen Pondéré des Capitaux. 5- Capital Employed : Capitaux investis ou Actif économique. 6- L'économiste Alfred en a parlé un siècle auparavant en 1890 dans son livre «Principles of Economics». * Nabil Adel est cadre d'assurance, consultant et professeur d'économie et de finance. www.nabiladel74.wordpress.com Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.