Le Maroc appuie financièrement les associations qui viennent en aide aux MRE en situation de fragilité extrême. Pour les Marocains de retour, un service dédié est spécialement mis en place pour les orienter. Les détails avec Abellatif Maâzouz, ministre délégué chargé des MRE. Finances News Hebdo : Nos MRE sont pénalisés à double titre : la crise économique d'un côté, et le «printemps arabe» de l'autre; comment votre département gère-t-il cette situation ? Et quelles sont les mesures prises pour venir en aide à la diaspora ? Abdellatif Maâzouz : Effectivement, nous avons vécu et nous vivons encore l'impact de ce que vous appelez «Printemps arabe» dans certains pays et, surtout, la crise économique sur nos compatriotes résidant à l'étranger. La gestion des crises politiques dans certains pays de résidence fait l'objet de mesures spécifiques, devenues maîtrisables pour l'administration marocaine, que nous adaptons à chaque situation. Ainsi, nous avons mis en place depuis des cellules de crise qui suivent en permanence l'évolution de la situation en Syrie, au Mali, comme c'était le cas pour la Libye, la Tunisie, l'Egypte,... Nous avons organisé la plus grande opération de rapatriement jamais organisée au Maroc au profit des Marocains fuyant les hostilités en Libye. Cette opération a nécessité la mobilisation de moyens logistiques et financiers très importants. La situation des Marocains vivant dans les pays qui connaissent une forte récession économique est aussi au centre de nos préoccupations. Le taux de chômage dans certains pays, particulièrement l'Espagne et l'Italie, bat des records, surtout au niveau de la population immigrée. Pour affronter cette situation, nous agissons d'abord au niveau des pays d'accueil pour éviter que les droits des MRE ne soient pas bafoués. Notre action se situe au niveau des relations bilatérales avec ces pays. Mes missions en Espagne, en France ou en Italie s'inscrivaient dans cette perspective. J'ai rencontré des responsables aux niveaux national et local et nous avons étudié ensemble les mécanismes permettant de préserver les intérêts de nos MRE et de les aider à dépasser cette conjoncture trop compliquée. Nous apportons également une assistance juridique aux MRE quand cela est nécessaire. Enfin, nous appuyons financièrement les associations qui viennent en aide aux MRE en situation de fragilité extrême. Pour les Marocains de retour, nous avons mis en place un service spécialement dédié pour les orienter et les mettre au même niveau d'information que les Marocains de l'intérieur, afin de faciliter leur insertion. F. N. H. : Est-ce que votre département dispose d'éléments sur la situation des MRE dans les pays d'accueil en crise ? A. M. : Nous disposons des statistiques publiées par les organismes concernés dans ces pays, notamment sur l'évolution des taux de chômage. Nous sommes également en contact continu avec nos consulats qui nous informent sur la situation de nos MRE et, le cas échéant, sur des actions urgentes à entreprendre. Les éléments dont nous disposons nous montrent que le taux de chômage chez nos MRE est deux fois plus élevé que celui des populations nationales. En Espagne par exemple, où la situation est très critique, le taux de chômage est de l'ordre de 50 % de la population marocaine active, alors que celui des Espagnols est de 25 %. Cette situation est due essentiellement à la nature des emplois occupés par les MRE, dominés par les secteurs qui ont été le plus touchés par la crise à l'instar de l'immobilier, le commerce et le tourisme. F. N. H. : Il y a plusieurs institutions qui travaillent dans le domaine des MRE comme le ministère des Affaires étrangères, le CCME ou la Fondation Hassan II des MRE. Quelles sont alors les attributions de votre département ? A. M. : Effectivement, les quatre intervenants que vous avez cités travaillent directement et en permanence pour les MRE, mais il y en a également d'autres qui sont concernés par les affaires de la communauté marocaine. C'est une question transversale. Ceci nécessite un travail de coordination important dont nous assumons la responsabilité. Ce n'est pas un hasard que notre ministère soit placé au niveau du chef de gouvernement afin d'intégrer la question des MRE dans tous les programmes de l'Exécutif. Nous avons également la charge de suivre la situation des MRE dans les différents pays d'accueil en collaboration avec nos représentations diplomatiques. La coopération bilatérale et les différents programmes culturels et sociaux que nous développons rentrent dans ce volet. Nous avons aussi un rôle de mobilisation des Marocains pour le développement de leur pays d'origine. Cette participation pourrait être à travers des investissements productifs, mais également à travers le transfert de leurs savoir et savoir-faire. Pour cela, nous avons tout un programme que nous allons lancer officiellement le 31 janvier. F. N. H. : Comment se déroule le programme pour la préservation de l'identité des MRE, surtout leurs enfants ? A. M. : Sur ce plan, nous estimons qu'il est important que nos compatriotes soient à l'aise dans les deux cultures, celle du pays d'accueil et celle du pays d'origine. Il s'agit d'un investissement d'avenir, car passer d'un univers culturel à l'autre avec une grande aisance est un avantage pour nos MRE comme pour leurs pays. N'oubliez pas que les MRE sont des passerelles jetées entre le Royaume et le reste du monde, avec tout ce que cela représente en termes de retombées positives politique et économique. D'un point de vue sociologique, nos compatriotes qui maîtrisent la langue et connaissent la culture de leur pays d'origine sont mieux intégrés dans les sociétés d'accueil parce qu'ils savent d'où ils viennent, et en sont fiers. Enfin, la maîtrise de la langue arabe est un avantage professionnel évident qui facilitera la mobilité et l'insertion dans l'un des marchés du travail le plus dynamique du monde. Pour toutes ces raisons, le ministère investit énormément aussi bien sur l'enseignement de la langue arabe que dans les programmes d'immersion culturelle : nous organisons régulièrement des séjours culturels et des universités d'été à destination des jeunes MRE. Par ailleurs, lors de toutes mes rencontres avec mes homologues étrangers, je milite pour l'intégration de l'enseignement de l'arabe dans les cursus scolaires des pays d'accueil. Propos recueillis par Charaf Jaidani