Le secteur agroalimentaire, malgré son importance dans le tissu économique national, souffre de plusieurs maux. Le ministère de tutelle et les opérateurs sont appelés, plus que jamais, à sappliquer si lon veut voir le produit agricole marocain davantage exporté. Au regard de la conjoncture actuelle concernant la compétition internationale et la perspective de l'ouverture des frontières, les opérateurs, toutes catégories confondues, sont appelés à se mettre au diapason avec les concurrents étrangers. L'idée est certes réalisable, mais demeure subordonnée à plusieurs contraintes. Si on prend l'exemple de l'industrie agroalimentaire, force est de constater que les opérateurs de ce secteur souffrent encore d'une absence de modernisation de leur outil de production. Le premier Carrefour des Fournisseurs de l'Industrie Agroalimentaire (CFIA), organisé la semaine dernière par la Chambre Française de Commerce et d'Industrie au Maroc et la société Jangil (organisateur du CFIA de Rennes), est une ébauche en la matière. En effet, il s'agit du premier salon dédié à la modernisation et à la mise aux normes de l'industrie agroalimentaire. Sur une surface de 7.000 m2, aménagée pour cette première édition, 200 exposants représentant tous les secteurs intervenant dans la transformation des produits agroalimentaires ont été au rendez-vous. Comme nous l'a expliqué un responsable au sein de la CFCIM, «parmi les 200 exposants, 80% sont constitués de fournisseurs de l'Hexagone». Jean-Luc Martinet, président de la CFCIM, a insisté sur l'importance de l'industrie agroalimentaire qui constitue un pilier de l'économie marocaine et un des meilleurs atouts pour son développement. «Le CFIA vient à point nommé pour accompagner la dynamique que connaîtra le secteur agroalimentaire avec la globalisation des échanges», ajoute-t-il. En effet, il faut reconnaître qu'avec la signature des accords d'association, l'instauration de zones de libre-échange, la globalisation des marchés, la mise en place des normes de sécurité, de traçabilité et d'hygiène, notamment en Europe, un débouché naturel pour les produits marocains s'impose de force. Les industriels sont ainsi amenés à uvrer pour une mise à niveau de leur outil de production, du respect des normes de qualité et d'une meilleure formation du personnel. Par ailleurs les changements dans les différents modes de consommation, avec l'arrivée massive de la grande distribution et ses exigences en matière d'emballage, de conditionnement, de compétitivité et de respect des délais, est une autre contrainte imposée à ces industriels désireux de maintenir leurs parts de marché, surtout avec l'ouverture des frontières et l'arrivée massive sur un marché moins protégé des produits étrangers. La nouvelle stratégie industrielle du secteur agroalimentaire s'inscrit en parfaite adéquation avec la décision prise par les pouvoirs publics de mettre en location des terres appartenant à la Sodea et à la Sogeta, aussi bien au profit des investisseurs privés marocains qu'étrangers, surtout avec la définition des secteurs prioritaires comme l'arboriculture, l'oléiculture... et l'élaboration d'un programme précis d'investissement. Le choix de ces secteurs est certainement bien étudié parce quau-delà des avantages comparatifs dont disposent ces activités, c'est bien sûr le développement d'une agro-industrie de la production des conserves, d'huile d'olive ou de vin qui est visé par le gouvernement marocain. Juste 4,4 % du PIB Bien que l'agriculture occupe une place de choix au sein de l'économie marocaine, elle pâtit encore de plusieurs maux qui empêchent sa modernisation. Les industriels agroalimentaires se plaignent du faible taux dapprovisionnement en produits agricoles; ce qui est indiscutablement vrai. Mais, ce problème dapprovisionnement demeure un simple prétexte qui empêche les opérateurs de se pencher sur leurs propres défaillances. Pour un secteur qui se veut vecteur de développement de léconomie nationale et qui ne participe quavec 4,4% au PIB du Royaume, les insuffisances intrinsèques doivent être impérativement comblées si le Maroc veut jouer dans la cour des grands. Il est impensable à cet égard quavec 1.907 établissements opérant dans le secteur, réalisant un chiffre d'affaires de 59,5 milliards de DH, employant 68.000 personnes environ et drainant 3,6 milliards de DH d'investissements, la part dans le PIB marocain ne dépasse pas 4,4% et reste en deçà de celle des pays les plus avancés. De même, apprend-on au niveau de la CFCIM, si au Maroc la valeur de la production agricole est de 7,6 milliards d'euros, celles des industries agroalimentaires n'est que de 5,9 milliards d'euros. En Espagne, ces chiffres sont respectivement de 27,4 et 62,4 milliards et la contribution de l'agro-industrie équivaut à celle du secteur primaire en termes de valeur ajoutée alors qu'au Maroc, elle n'en représente que le tiers. Si on optimise ce retard, on peut dire que le secteur offre d'importantes potentialités à exploiter. Toutefois, il faudra dabord résoudre les problèmes qui pèsent sur le secteur. A ce titre, il faut signaler que, dune part, le problème dapprovisionnement handicape sérieusement lagroalimentaire. Dautre part, les relations conflictuelles entre les agriculteurs et les industriels rendent difficile l'épanouissement de la branche agroalimentaire. L'opacité des marchés de gros est aussi un élément à prendre en considération. En effet, à défaut de conclure des contrats, les industriels ne peuvent pas s'approvisionner dans un marché défaillant. Même les cours des fruits et légumes ne sont plus publiés dans la presse comme il était de coutume auparavant. Le but étant de ne pas frustrer les consommateurs par la différence de prix entre les tarifications de gros et celles de détail. En outre, le coût de l'emballage au Maroc reste élevé en raison de la nécessité d'importer le produit de base, l'énergie... L'industrie locale de l'emballage reste très limitée et manque d'innovation. Ceci dit, étant donné l'étroitesse du marché local, l'avenir est à l'exportation. Le Maroc est appelé à reposer sa stratégie sur des produits incontournables tels que les agrumes, les olives... ou même les produits bio dont lEurope est friande. De même, sil y a des facteurs importants à prendre en compte lors des exportations, la traçabilité en est le premier. Heureusement, les opérateurs du secteur sactivent dans ce sens. Dailleurs, dans une interview accordée à la revue éditée par la CFCIM, Salaheddine Mezouar, ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Mise à niveau de l'économie a déclaré que «160 à 170 entreprises agroalimentaires peuvent garantir la traçabilité de leurs produits» et quon travaille «en sorte qu'une centaine d'autres les rejoignent cette année». Dun autre point de vue, on espère que les résultats de létude stratégique liée au secteur, effectuée par le cabinet McKinsey et qui seront dévoilés bientôt, ne restent pas noir sur blanc.