Transformée en Autorité en 2016, le gendarme du marché des capitaux a multiplié les chantiers. Sa présidente et ses différents Directeurs généraux se sont livrés à un exercice inédit de communication sur les réalisations, à mi-mandat, du premier plan stratégique. Par Adil Hlimi
L'Autorité marocaine du marché des capitaux est, depuis février 2016, le nouvel organe de régulation du marché des capitaux en remplacement du CDVM. Les différences de prérogatives et de missions sont nombreuses, puisqu'avec l'AMMC est né un super régulateur. S'assurer de la protection de l'épargne investie en instruments financiers est sa première mission et, pour cela, il surveille tout ce qui s'y attache. Outre le volume, c'est aussi la qualité de la surveillance qui est améliorée avec de nouveaux outils et une organisation qui privilégie la spécialisation des équipes au sein de cet organisme désormais systémique. La présidente de l'Autorité, Nezha Hayat, et ses différents Directeurs généraux se sont ainsi livrés à un exercice inédit de questions/réponses tantôt avec les professionnels du marché, tantôt avec la presse, pour défendre le bilan à mi-chemin du plan stratégique 2017-2020, le premier depuis la transformation. Articulé autour de 4 axes, ce plan vise à renforcer la confiance, favoriser une régulation ouverte sur la dynamique et l'innovation, améliorer l'influence de l'Autorité au Maroc et à l'international et, enfin, renforcer les capacités des acteurs.
Renforcer et regagner la confiance C'est peut-être le point où il faut assurer une pression sans relâche, car c'est de là que se propagent les hémorragies sur les marchés : la confiance. C'est d'ailleurs sur cet axe qu'a travaillé l'AMMC en urgence, en mettant rapidement en consultation sa circulaire sur l'appel public à l'épargne, adoptée cette année, et qui a permis notamment de rehausser les standards de communication des émetteurs faisant appel public à l'épargne, en multipliant leurs «moments» de communication. Une réforme audacieuse, attendue par les investisseurs, mais qui semble pour le moment se heurter à de la résistance de la part de certains émetteurs qui se limitent au strict minimum réglementaire, à en croire les premières publications trimestrielles. Nezha Hayat préfère cependant mettre en avant le caractère collaboratif de cette réforme : «nous avons favorisé, comme pour nos autres chantiers, le dialogue avec l'écosystème». Nasser Seddiqi, directeur des opérations financières et des marchés au sein de l'Autorité, estime que le premier bilan est positif : «92% des émetteurs ont joué le jeu. Ce n'était pas chose aisée vu les délais. Mais le bilan est globalement positif et devrait s'améliorer». L'autre grand chantier relatif à la confiance est celui du contrôle. A ce titre, Hicham Cherradi, directeur des enquêtes et des contrôles au sein de l'AMMC, a exposé le bilan de contrôle des émetteurs, entre septembre 2018 et septembre 2019. Durant cette période, le régulateur a procédé à 16 opérations de contrôle contre 7 seulement entre septembre 2017 et septembre 2018. Parallèlement, indique-t-il, le délai moyen de réalisation des contrôles est passé de 11 à 5 mois. L'AMMC effectue ainsi deux fois plus de contrôles en deux fois moins de temps. Cherradi insiste également sur la nature des enquêtes, dont l'objectif n'est pas toujours de réprimander : «Il nous arrive de surveiller pour s'enquérir de certaines pratiques sur le marché, observer leur utilisation et en comprendre les risques. L'objectif n'est pas toujours de sanctionner». L'intensification des contrôles s'est faite notamment grâce à une nouvelle organisation et une nouvelle démarche de conduite des missions de contrôle, une présence plus active sur le terrain et l'utilisation de nouveaux outils, tels que le système de codification des ordres de Bourse.
Le commentaire de Nezha Hayat, Présidente de l'AMMC, au micro de Boursenews
Instruments financiers C'est aussi l'une des grandes avancées de «l'ère AMMC». L'introduction de la notion d'instruments financiers permet d'élargir le nombre de classes d'actifs à disposition des investisseurs, tout en leur garantissant un cadre de régulation strict. Sukuk et OPCI sont les porte-étendards de cette ouverture sur de nouvelles classes d'actifs en attendant l'arrivée du marché à terme, sur lequel beaucoup d'acteurs travaillent et qui devrait faire passer un cap à la place casablancaise.
Les développements à venir Sans surprise, l'AMMC veut focaliser son action sur trois axes prioritaires : le développement réglementaire à travers l'amendement de la loi sur les OPCVM attendu en 2020, le marché à terme et l'opérationnalisation de la nouvelle réglementation sur les conseillers financiers, sur lesquels repose l'espoir de faire venir et revenir les investisseurs en Bourse. Le financement des PME est aussi un axe prioritaire, parallèlement à l'entrée en vigueur du nouveau règlement général de la Bourse, qui prévoit un marché dédié à ces entreprises, avec des exigences plus souples. Enfin, le défi technologique s'impose comme le grand enjeu à relever les prochaines années. Mourad Tanouti, directeur de la normalisation, insiste sur la présence de plus en plus accrue de l'AMMC dans les instances internationales, ce qui lui permet d'observer les différentes directions prises par les régulateurs sur des sujets technologiques concernant la blockchain par exemple. Des chantiers auxquels l'Autorité n'échappera pas dans le cadre de son prochain plan stratégique.