Rétablir la confiance, relancer l'investissement privé et maintenir les équilibres budgétaires sont les 3 défis que le PLF 2020 se propose de relever. La réussite de ces paris devrait contribuer à poser les jalons d'une croissance robuste, inclusive et créatrice d'emplois.
Par A.E
Le Projet de Loi de Finances 2020 sitôt publié, Mohamed Benchaâboun en assure le service après-vente. Après les parlementaires lundi et la Commission des finances de la Chambre des députés, le ministre de l'Economie et des Finances avait rendez-vous avec les représentants des médias pour défendre son Budget et expliciter les logiques qui ont sous-tendu son élaboration. Comment qualifier ce PLF 2020 ? S'il est vrai qu'il ne s'agit pas, à proprement parler, d'un budget de rupture, il porte néanmoins en lui les germes de profonds changements pour les années à venir. En effet, que ce soit sur le plan de la politique fiscale, du rétablissement de la confiance des agents économiques, ou des mesures de soutien aux entreprises, le PLF 2020 se présente comme une première étape en direction des grands objectifs économiques que le Royaume s'est fixés pour la prochaine décennie : une croissance plus vigoureuse et plus inclusive, une fiscalité plus juste et équitable, un secteur privé plus dynamique et un contrat social qui rassemble tous les citoyens. C'est ainsi, semble-t-il, qu'il faut apprécier ce PLF. Ce dernier n'aurait de sens, finalement, que si les 2 ou 3 prochaines Lois de Finances s'inscrivent dans le même sillage et constituent à chaque fois une étape supplémentaire vers la réalisation de ces objectifs. Ce PLF 2020 peut donc être considéré comme l'étape zéro vers ce «New deal» en gestation. Dans ce sens, en élaborant le Budget 2020, Benchaâboun a fait au moins trois paris sur l'avenir : un pari fiscal, qui se base sur le rétablissement de la confiance, un autre sur la relance de l'investissement privé et de la croissance, et enfin un dernier sur le rétablissement des équilibres macroéconomiques.
Confiance : Tabula Rasa et on repart sur de bonnes bases Le rétablissement de la confiance des agents économiques, qu'ils soient ménages, personnes physiques, grandes ou petites entreprises, est le principal défi que les pouvoirs publics ont à relever pour les années à venir. Benchaâboun a choisi pour cela une méthode plutôt radicale : on efface tout et on repart à zéro, sur de nouvelles bases. C'est ainsi que parmi les mesures-phares de ce PLF, figurent 4 opérations plutôt audacieuses de contribution libératoire. «Cette stratégie visant à inciter les contribuables à adhérer volontairement à la régularisation spontanée de leur situation fiscale, constitue une phase transitoire et un préalable indispensable à la mise en œuvre des recommandations des 3èmes Assises nationales sur la fiscalité et la mise en place de la loi-cadre y afférente», a expliqué le ministre. Qui espère, à travers cette opération d'envergure, intégrer dans les circuits formels tout un ensemble de populations qui échappe à l'impôt, élargissant du coup l'assiette fiscale, ce qui devrait aussi permettre de diminuer la pression fiscale sur les contribuables, conformément aux décisions stratégiques prises lors des Assises de la fiscalité. Notons au passage que ladite loi-cadre, qui déterminera les orientations stratégiques d'une réforme fiscale répondant aux attentes du monde des affaires et des contribuables en général, a été finalisée et transmise au Secrétariat général du gouvernement (SGG). Benchaâboun espère qu'elle sera adoptée au cours de l'actuelle session législative. Cette opération de régularisation spontanée des contribuables sera, en outre, accompagnée par la mise en place de nouvelles procédures régissant la relation entre le fisc et le contribuable, toujours dans l'optique de rétablir la confiance. Parmi ces mesures, figure l'élargissement du champ d'application des demandes de consultation fiscale préalable ou encore l'institution d'un cadre légal au débat oral et contradictoire entre l'administration et le contribuable vérifié, et ce dans le cadre du renforcement des garanties accordées aux contribuables.
Relancer l'investissement privé Ce pari de Benchaâboun est, on l'a vu, un préalable indispensable à la mise en œuvre des recommandations des 3èmes Assises nationales sur la fiscalité, et doit servir de base à un autre pari fait par le ministre de l'Economie et des Finances : celui d'impulser une nouvelle dynamique à l'investissement, à travers une série de mesures de soutien aux entreprises, avec l'objectif, sur le moyen terme, de renouer avec des taux de croissance plus vigoureux que ceux que le Maroc a connus ces dernières années. Ainsi, en plus de la poursuite de la mise en œuvre des réformes visant l'amélioration du climat des affaires, la mise en place de la nouvelle charte de l'investissement et la réforme des Centres régionaux d'investissement (CRI), le PLF 2020 propose une série de mesures fiscales censées redynamiser le tissu productif. Dans ce cadre, il a introduit la réduction progressive du taux marginal de l'impôt sur les sociétés (IS) de 31% à 28% pour les sociétés industrielles, au titre de leur chiffre d'affaires local, à l'exclusion de celles dont le bénéfice net est supérieur ou égal à 100 millions de dirhams. «Seules une trentaine d'entreprises parmi les plus grandes du pays sont exclues de cette mesure», a précisé Benchaâboun. Le PLF 2020 prévoit aussi la baisse progressive du taux de la cotisation minimale de 0,75% à 0,50%. Le Budget 2020 accorde aussi une place prépondérante aux TPME. Le ministre a, dans ce sens, souligné la mise en place du «Small Business Act», et surtout la création du Fonds d'appui au financement de l'entrepreneuriat, qui sera doté de 6 Mds de DH pour les 3 ans à venir. Parallèlement à l'ensemble de ces mesures visant à soutenir le secteur privé, le gouvernement poursuivra sa politique de soutien de l'investissement public, essentiellement à travers la quête de grands chantiers d'infrastructures, qui se traduira par une augmentation des crédits qui y sont alloués au titre de l'année 2020 de 3 milliards de dirhams par rapport à l'année d'avant, pour se situer à 198 milliards de dirhams.
Maintenir les équilibres macroéconomiques Tous ces chantiers ont évidemment un coût, et ne sont pas sans conséquences sur les équilibres macroéconomiques du Maroc, en particulier son déficit budgétaire, surtout si l'on y ajoute tous les efforts réalisés par les pouvoirs publics en matière d'appui aux programmes sociaux (voir encadré). Le déficit de clôture au titre de l'année 2019 serait de l'ordre de 3,5% du PIB (3,7% du PIB en 2018), et ce en dépit de l'impact financier du dialogue social (5,3 milliards de DH) que le Budget général de l'Etat a supporté en 2019. Pour 2020, le déficit budgétaire devra se stabiliser à 3,5%, avant de refluer vers 3% d'ici 2021. Pour y arriver, le gouvernement s'est engagé à prendre les mesures nécessaires, portant sur la rationalisation des dépenses de fonctionnement de l'administration (économie d'un milliard de DH), le recours aux mécanismes innovants de financement des investissements publics dans le cadre du partenariat institutionnel (qui devrait rapporter 12 Mds de DH aux caisses de l'Etat), ainsi que l'exigence de plus en plus pressante de disposer de ressources additionnelles qui seraient issues, notamment, de la gestion active des domaines de l'Etat et de la poursuite du processus de la privatisation (3 Mds de DH budgétisés sur les 6 Mds de DH de recettes attendues). Ces mesures permettraient au final de réduire le besoin de financement du Trésor d'un montant de 16 milliards de dirhams. «Si l'on avait rien fait, le déficit budgétaire aurait été de 4,6%», indique Benchaâboun. Cette configuration des finances publiques serait à l'origine d'un impact positif sur la note souveraine du Maroc attribuée par les agences de notation financière. S&P, «la plus sévère des agences», dixit Benchaâboun, a ainsi récemment relevé la perspective de la notation souveraine du Maroc, de négative à stable. Le Maroc est l'unique pays d'Afrique, avec le Botswana, à être noté «Investment grade». Il faut croire que les agences de notation, elles, ont confiance en ce PLF 2020. ◆
Encadré : Appui aux secteurs sociaux L'appui aux secteurs sociaux, la réduction des disparités sociales et territoriales et la mise en place des mécanismes de la protection sociale figurent en tête des orientations générales de ce PLF 2020. Il a ainsi consacré un total de 91 milliards de dirhams aux secteurs de l'Education nationale, de la Formation professionnelle, de l'Enseignement supérieur (72 Mds de DH) et de la Santé (18,6 Mds de DH). Le budget alloué à ces deux secteurs dans le cadre du PLF 2020 représente environ 30% du budget général de l'Etat. D'autre part, le gouvernement a alloué près de 18 milliards de DH à la réduction des disparités spatiales et sociales, en ce qui concerne l'accès aux services sociaux de base, à la santé et à l'éducation. La phase III de l'Initiative nationale pour le développement humain (INDH) sera dotée d'une enveloppe budgétaire de 2,2 Mds de DH. Benchaâboun a également indiqué qu'un montant de plus de 3,5 Mds de DH a été dédié, dans le cadre du PLF 2020, au renforcement du soutien social à la scolarisation au profit des catégories vulnérables. Enfin, une enveloppe de 7,4 Mds de DH sera consacrée à la mise en œuvre du Programme national de lutte contre les disparités sociales et spatiales.