Le retard pris dans la réforme de la retraite, engagée il y a plus de dix ans, rend la solution de plus en plus contraignante à supporter aussi bien sur le plan financier que social. A fin 2012, un taux de couverture médicale (RAMED et AMO) à hauteur de 51% de la population totale serait atteint. La protection sociale et le développement économique sont intimement liés. Point de vue de Chakib Tazi, Directeur Général de l'Agence Nationale de l'Assurance Maladie. - Finances News Hebdo : Si les salariés du secteur public bénéficient tous d'une protection sociale, dans le secteur privé 79% de salariés ne bénéficient d'aucune forme de protection sociale. Quels types de mesures faut-il mettre en place en vue de généraliser la protection sociale ? - Chakib Tazi : Il faut préciser tout d'abord que tous les salariés et titulaires de pension des secteurs public et privé bénéficient aujourd'hui du régime d'Assurance Maladie Obligatoire (AMO) et d'un régime de retraite de base. Cette population représente environ 34% de la population totale. Par contre, la population des indépendants, estimée de l'ordre de 36% de la population, tels que les professions libérales, les commerçants, les artisans, c'est-à-dire la population qui exerce une activité non salariée, ne bénéficie pas à ce jour d'un système obligatoire de protection sociale. En ce qui concerne le risque maladie, il convient de rappeler que la loi 65-00, portant code de la couverture médicale de base, énonce clairement que les dispositions relatives au régime AMO de base s'appliquent aussi à la population des indépendants, toutes catégories socio-professionnelles confondues. En particulier, ces dispositions visent un double objectif d'égalité et de financement fondé sur le principe contributif et celui de la mutualisation des risques pour l'ensemble de cette population. Le régime AMO couvre pratiquement toutes les maladies, sans plafond de couverture, y compris les maladies chroniques, dont la part qui reste à la charge des assurés ne dépasse pas les 250 dhs par mois, quelle que soit la nature de la maladie. L'Agence a, dans ce sens, élaboré et proposé une feuille de route et un modèle de gouvernance permettant d'évoluer, progressivement, par adhésion successive des différentes catégories socio-professionnelles, à un régime AMO respectant les principes fondamentaux et intangibles d'équité et de solidarité qui permet de noyer les grands risques, et participe fortement dans l'atteinte de l'objectif d'équilibre budgétaire du régime, et donc de sa pérennité. En ce qui concerne la couverture retraite, qui constitue évidemment un volet essentiel de la protection sociale, le retard pris dans le bouclage de la réforme, engagée il y a maintenant près de 10 ans, rend la solution de plus en plus contraignante à supporter, aussi bien sur le plan financier que social. - F. N. H. : Jusqu'à quel degré les dispositifs mis en place (AMO et RAMED) ont pu remédier aux limites du système de protection sociale ? - C. T. : Le régime AMO nous a déjà permis de passer de 15% à 34% de la population couverte. Pour le RAMED, la population qui bénéficie déjà d'une carte est de 1,5 million de personnes à mi-octobre 2012. Cette population atteindra environ 5,5 millions de personnes à fin 2012. Nous aurons donc atteint à la fin de cette année un taux de couverture médicale à hauteur de 51% de la population totale. - F. N. H. : Les analystes imputent la médiocrité des performances économiques à la protection sociale qui reste sous développée. Quel est votre point de vue à ce sujet ? - C. T. : Les systèmes de protection sociale ont pour finalité de garantir la stabilité sociale et le développement économique. Les deux objectifs sont intimement liés. Quand on a des ressources naturelles limitées, le facteur humain devient incontournable dans le processus de développement. La santé représente un élément clé du bien-être des personnes et du capital humain. Les systèmes de protection sociale doivent donc remplir non seulement des prestations de couverture médicale, mais aussi de promotion de la santé, c'est-à-dire de prévention. A cet égard, je pense que le dispositif de sécurité sociale dans notre pays, dont la conception remonte à un demi-siècle, doit être adapté aux nouvelles exigences dictées par les évolutions majeures de notre société, notamment par l'intégration de nouvelles missions et l'élargissement de ses bénéficiaires qui sont limités aujourd'hui aux seuls salariés du secteur privé. Des niches importantes en termes de cohérence, d'économie et d'efficience globale du système doivent être ciblées. Ceci va évidemment de pair avec le renforcement du rôle des organes régulateurs qui doivent disposer de plus d'indépendance vis-à-vis de l'opérationnel, afin de se prémunir des contingences passagères et de privilégier les équilibres sociaux-économiques à long terme. Pages réalisées par I. B. & S. E.