Le taux de croissance prévisionnel pour 2012 devrait se situer à 3%. En l'absence de mesures correctrices, les finances publiques pourraient connaître des dérapages importants dus à la forte expansion des charges de la Caisse de compensation. Le retour d'une spirale inflationniste se profile à l'horizon 2012. Dans une conjoncture difficile, seules les activités du commerce et des télécommunications pourraient maintenir un certain dynamisme. Comme chaque année, à la même période, l'Observatoire de conjoncture réunit la presse en vue de passer en revue les performances de l'économie marocaine durant le premier semestre écoulé et de se focaliser sur les perspectives économiques. De prime abord, le président du CMC a tenu à rappeler que 2012 marque le départ de la prise en main des rênes de l'économie nationale par une nouvelle équipe gouvernementale, sous la couverture d'une nouvelle Constitution. Cette dernière consacre la transparence tout en garantissant la création des richesses et leur répartition équitable. En revanche et comme l'a expliqué le président du CMC, le tableau de bord des prévisions économiques indique des pertes de vitesse tant au niveau des secteurs qu'à celui des agrégats. «Le taux de croissance initialement promis à 7% est revu à la baisse par le programme gouvernemental (5,5%), pour être négocié, actuellement, à moins de 2,4% dans l'hypothèse où le budget général enregistrerait une réalisation intégrale des dépenses d'investissement et de fonctionnement, prévues par la LF 2012», explique-t-il. En vue de mieux cerner la problématique, H. El Malki rappelle que la structure en volume du PIB dépend pour près de 14% de la valeur ajoutée d'un secteur primaire qui occupe près de 40% de la population active. Ajoutés à cela les aléas climatiques caractérisant le secteur et qui expliquent pour une grande partie les incertitudes manifestes qui remettent en cause les prévisions initiales. Les activités non agricoles, sans faire preuve de grande performance, se maintiennent avec de faibles fluctuations autour d'une tendance moyenne de 4% qui se dégage depuis 2008. Ces activités ont fait preuve d'une résilience à la crise économique et financière internationale due en partie à une conjoncture favorable aux phosphates et à ses dérivés, à un dynamisme impulsé par les grands chantiers du secteur du BTP et au dopage du secteur de l'habitat par la frénésie des logements sociaux. Concernant le secteur tertiaire qui constitue 59% du PIB en volume, ce dernier ne présente guère de signes distinctifs de relance. «Aujourd'hui, le profit des entreprises apparaît comme étant au plus bas et les opérateurs sont encore dans une situation d'attentisme, ce qui, du coup, a une répercussion négative sur les investissements. Cette situation ne manque pas de se répercuter sur le marché du travail. Le Maroc souffre d'un taux de chômage élevé, notamment chez les diplômés. «La programmation des mises à niveau multisectorielles a mis en évidence l'inadéquation entre les besoins du marché du travail et la formation», rappelle H. El Malki. Les branches formant le secteur primaire continuent à connaître une détérioration accélérée en matière de création d'emplois dans l'attente d'une relance qui pourrait être impulsée par la mise en œuvre du plan Maroc Vert. La dynamique enclenchée au Maroc avec les grands chantiers au début des années 2000, avait eu une répercussion positive sur la tendance du marché du travail, en terme d'évolution de la population active occupée, particulièrement dans les branches industrielles et de services. L'autre indicateur de performance de l'économie est le pouvoir d'achat. L'explosion du budget de la Caisse de compensation a poussé les décideurs à franchir le pas de l'augmentation des prix de l'essence, du gasoil et du fuel. Comme nous avons pu le constater, les répercussions ne se sont pas fait attendre. L'Etat a décidé finalement d'octroyer des aides directes aux populations défavorisées qui représenteraient 34% de la population totale. L'Observatoire de conjoncture s'inquiète, par contre, pour la classe moyenne qui risque de devoir supporter encore plus de charges qu'elle n'en subit aujourd'hui. Comment peut-on parler de préservation du pouvoir d'achat si l'on exclut de la cible cette frange de la population ? D'après les dernières estimations du HCP, cette catégorie est considérée comme étant vulnérable étant donné qu'elle doit faire face à des dépenses qui se situeraient, par mois et par ménage, dans un intervalle de 2.848 DH et 6.848 DH, bien au-dessus de ses revenus. Le mécanisme de péréquation administré par l'Etat pour limiter les inégalités et assurer un meilleur partage des fruits de la croissance est fortement contrarié. Au cours du premier semestre, le déficit commercial n'a cessé de s'aggraver. L'amélioration des exportations en volume est largement compensée par une augmentation combinée à la fois du volume et des prix des importations. Aussi, les perturbations qui se manifestent chez certains partenaires sont transmises avec un décalage parfois accompagné d'amplifications à travers les canaux du commerce extérieur. Le CMC préconise à cet effet que le Maroc repense sa stratégie, en la matière, en portant davantage l'intérêt sur la diversification sectorielle du secteur productif et ce tout en élargissant la part des branches porteuses de valeur ajoutée et en prospectant de nouveaux marchés. Les vicissitudes ayant caractérisé l'année 2011 et les perspectives de l'année 2012, qui s'annoncent difficiles, exigent un engagement de l'équipe gouvernementale afin de ne pas contrarier les efforts d'investissement, seuls facteurs durables de croissance. Perspectives 2012 : quel scénario de croissance ? D'après les conjoncturistes, les pronostics de croissance pour l'année 2012 semblent converger, après plus de deux mois d'expectative, pour prédire un tassement de l'activité. Ils prévoient que le taux de croissance devrait marquer un net repli par rapport à la tendance moyenne des dernières années. La perspective de contraction de l'activité qui, au terme du premier semestre, commence à gagner nombre de secteurs de production, tient à la conjonction de plusieurs facteurs relevant tant de l'environnement international que du contexte économique interne. La tendance au ralentissement de l'économie mondiale, amorcée depuis plusieurs mois, s'est transformée dans certaines régions en récession ouverte sous l'effet de l'affaiblissement de la demande, de la détérioration du pouvoir d'achat et de la crise de la dette. Les principales économies locomotives de la croissance mondiale ont, tour à tour, affiché un tassement de la production conjugué à une montée du chômage et un infléchissement de la tendance des prix. Idem pour les pays émergents désormais parmi les principaux moteurs de la croissance mondiale, qui appréhendent des baisses du régime avec leurs conséquences sur les revenus, l'emploi et les niveaux de vie. Les dernières projections du FMI font ressortir que le rythme de croissance de l'économie mondiale au terme de l'année 2012 ne devrait pas dépasser la moyenne de 3,5%. Les anticipations initiales de redressement du cycle des affaires dans les principales économies avancées, se sont vite estompées sous l'effet des déséquilibres affectant les différentes sphères de l'activité. La conjugaison de l'ensemble des facteurs agissant aussi bien sur le plan international que national laisse entrevoir pour l'exercice en cours un net repli de l'activité. Le taux prévisionnel de croissance pour 2012 devrait se situer à 3%, marquant ainsi un recul de deux points par rapport à 2011 et plus d'un point et demi comparativement à la moyenne des cinq dernières années. D'après le président du CMC, cette perspective placerait l'année 2012 au plus bas niveau de la dynamique de croissance enclenchée depuis 2010 et qui, du point de vue de l'analyse des cycles, représenterait la phase ultime d'une période de basse conjoncture. Contributions sectorielles assez contrastées Aussi, les perspectives resteraient fortement dépendantes des plans sectoriels. La contribution à la configuration globale de la croissance devrait varier d'une branche à l'autre. Si on prend le cas du secteur primaire, les activités agricoles devraient subir une régression plus forte avec une baisse prévisionnelle de la valeur ajoutée de 5,8%. S'agissant du secteur industriel, les données disponibles sur les six premiers mois de l'année laissent présager une légère reprise de l'ensemble des industries manufacturières. Les industries agro-alimentaires, les activités de la chimie et parachimie, les IMME et même certaines branches du secteur du textile, devraient être sensiblement affectées par la conjoncture internationale. L'ensemble du secteur minier devrait, par contre, connaître un rebond grâce au niveau soutenu des prix. Les autres activités minières enregistreraient des résultats assez contrastés en raison de l'instabilité des marchés et leur implication quant à la formation des prix. Dans le domaine du BTP, le scénario prévisionnel prévoit une consolidation de la croissance du secteur. Cette évolution résulterait d'un regain de dynamisme des activités de construction en particulier en ce qui concerne l'habitat social. Cette évolution résulterait, par ailleurs, des programmes importants en matière d'infrastructures de base entrepris par l'Etat et les établissements publics, en dépit du retard pris dans le processus d'adoption et de mise à exécution de la programmation budgétaire pour l'année 2012. La reprise soutenue des mises en chantier constatée ces derniers mois confirme l'orientation positive des activités du secteur après le ralentissement enregistré durant l'exercice précédent. Le secteur tertiaire, dont le niveau d'activité demeure tributaire de la dynamique de production des activités primaires et secondaires, afficherait globalement une légère progression par rapport à l'exercice précédent. Quant au scénario prévisionnel pour 2012, il fait ressortir une nette tendance au ralentissement de la demande globale. La consommation des ménages, qui constitue la principale composante de la dépense intérieure, devrait enregistrer une hausse de 7,2%. Les dépenses d'investissement afficheraient également la même orientation avec un accroissement nominal de 5,8%. Au chapitre des équilibres financiers, la configuration de croissance en 2012 prévoit que devant la forte expansion des charges de compensation, la situation des finances publiques pourrait connaître des dérapages importants en l'absence de mesures correctrices adéquates. «Il en est de même des faibles performances à l'export qui devront subir les conséquences de la poursuite de la tendance au renchérissement de l'énergie et des matières premières», concluent les conjoncturistes. Enfin, pour ce qui est de l'inflation, les prix à la consommation devraient subir des pressions à la hausse. Ces tendances devraient être exacerbées par les retombées sur les coûts et les prix à la production des dernières hausses des produits pétroliers. Au vu de la structure des coûts, ces hausses devraient avoir une incidence cumulée sur les prix estimée à 1,4%. Une telle perspective pourrait, en l'absence de mesures de régulation des marchés, annoncer le retour d'une spirale inflationniste.