Plongé dans une léthargie chronique depuis plusieurs années, le Conseil de la concurrence (CC) renaît enfin de ses cendres. Quelques semaines après que le Roi a nommé à la tête de ce Conseil Driss Guerraoui, les noms de ses autres membres ont été publiés au Bulletin Officiel. Guerraoui peut donc d'ores et déjà commencer le job, ce que ne pouvait faire son prédécesseur Abdelali Benamour depuis 2013, date à laquelle le mandat des membres avait expiré. Cette instance, après avoir été réduite à une coquille vide pendant cinq ans, va donc enfin pouvoir jouer son rôle. Un rôle éminemment important, rappelé d'ailleurs par le Souverain à l'occasion de la nomination de Guerraoui : assurer la transparence et l'équité dans les relations économiques, notamment à travers l'analyse et la régulation de la concurrence sur les marchés, le contrôle des pratiques anticoncurrentielles et des opérations de concentration économique et de monopole. Sur ce registre, il y a du boulot à faire. Surtout que Benamour a souvent laissé entendre dans la presse que le Conseil de la concurrence n'était pas vu d'un bon œil par certains lobbies qui s'activent dans certains secteurs. Dans une interview qu'il nous avait accordée en avril 2017, il le soutenait sans prendre de gants. «(…) Il y a peut-être aussi des lobbies qui s'activent dans l'ombre, parce que même si officiellement tout le monde souscrit à la mise en place du Conseil de la concurrence, officieusement certains ne voient pas d'un bon œil qu'il émerge», disait-il pour tenter d'expliquer le retard pris dans l'élection de ses membres. Aujourd'hui, lobbies ou pas, il faudra s'y faire : le CC va s'acquitter de sa mission. En toute indépendance surtout. Et l'un des dossiers saillants auquel il devra faire face reste sans aucun doute celui des hydrocarbures. Surtout que les variations des prix à la pompe touchent directement les poches des consommateurs. Le CC a déjà reçu une saisine dans ce sens il y a plus d'un an de cela. D'autant que depuis la libéralisation des prix des hydrocarbures, c'est le jackpot pour les distributeurs qui ont sensiblement augmenté leurs marges. Car il y a comme un flou artistique autour des procédures de fixation des prix et des marges qu'ils dégagent, en l'absence notamment de contrôle et de sanctions. A tel point que ce problème s'était invité au Parlement. D'ailleurs, même le verdict du Comité de vigilance du secteur des hydrocarbures a été sans appel : il a constaté la hausse de la marge bénéficiaire de certaines sociétés en comparaison avec la situation avant la «libéralisation». Bref, il va falloir que le CC mette de l'ordre dans tout cela et que Guerraoui soit à la hauteur de la tâche qui lui a été confiée. Citoyens, acteurs économiques et entreprises attendent en tout cas de voir son premier dossier sur la table et, surtout, la réponse qu'il y apportera. Une réponse qui pourra conforter ou, au contraire, entamer sa crédibilité. ■