Montée en gamme des véhicules et de l'expérience client, généralisation du digital, optimisation des coûts financiers, redéfinition du modèle de distribution, partenariat avec l'Usine PSA, etc. : Tarafa Marouane, président-Directeur général de Sopriam, importateur/distributeur exclusif au Maroc des marques du groupe PSA, nous apporte son éclairage sur la nouvelle et ambitieuse stratégie de la filiale du groupe Al Mada (ex SNI). Entretien.
Finances News Hebdo : L'un des piliers de la stratégie 2020 que vous avez présentée récemment et qui vise à faire passer la part de marché de Sopriam de 10 à 18%, est le partenariat avec l'usine du Groupe PSA à Kénitra. En quoi consistera concrètement ce partenariat ?
Tarafa Marouane : Sopriam est une société de distribution automobile qui a pignon sur rue depuis plus de 40 ans sur le marché marocain. Nous avons également fait du montage automobile, pour évoluer progressivement en rachetant tout le réseau de nos concessionnaires. Aujourd'hui, nous avons un réseau en propre et une usine PSA va voir le jour à Kénitra, qui fabriquera des véhicules pour le marché marocain et pour l'international. Le constructeur PSA va proposer une importante gamme de produits et prévoit des lancements importants durant les trois prochaines années. Pour nous, il est essentiel d'abord de redonner la place qu'il faut à Sopriam, dont les parts de marché ont baissé ces derniers temps. En tant que distributeur, nous sommes conscients qu'il faut améliorer certaines choses, à travers la mise à niveau des installations, des succursales, etc., mais aussi à travers une montée en compétence de nos ressources humaines pour être capables d'assurer un service de qualité. Il est aussi nécessaire de proposer davantage de services à travers le digital. Le concept de la distribution devra également être revu, parce que nous arriverons avec des véhicules hybrides et électriques qui ne consomment pas les pièces de rechange comme pour les véhicules thermiques. Le businessmodel va donc changer; il faudra ainsi être vigilant sur les investissements à venir pour s'adapter à ce type de véhicules. C'est la raison pour laquelle nous allons travailler sur un modèle de distribution davantage basé sur les concepts-stores, avec des points de vente. Avec PSA, nous comptons également lancer Eurorepar, qui est une franchise de pièces de rechange multimarques. Tout cela pour vous dire qu'il y a aussi bien une préoccupation sur la qualité, la montée en gamme et la montée en compétence, qu'une réflexion sur la distribution en termes de coûts pour être compétitifs.
F.N.H. : Ce partenariat et les synergies qui en découleront auront-ils un effet bénéfique sur vos marges ? Les marques Sopriam seront-elles moins chères ?
T. M. : Le but n'est pas d'être moins cher. La politique du constructeur PSA aujourd'hui est plutôt de monter en gamme. Quand on regarde l'évolution de la demande du marché, les acquéreurs veulent des véhicules mieux équipés, contrairement à une certaine époque où l'achat d'une voiture était essentiellement lié à la motorisation. Aujourd'hui, au-dessus d'un prix de 200.000 dirhams, les gens vous réclament davantage d'équipements. La boîte automatique, les rétroviseurs électriques, la climatisation, etc., sont aujourd'hui des équipements standard. Les clients en veulent plus et sont beaucoup plus exigeants. Nous ne pouvons pas les traiter comme on le faisait par le passé. Ils sont plus sensibles à l'accueil, à la politesse et à la manière avec laquelle on traite leurs demandes….
F.N.H. : La stratégie accorde une place proéminente au service relation client, l'expérience client, le digital... Le marché marocain, qui est encore un marché relativement petit, est-il, selon vous, mature et réceptif à ce genre d'innovations ?
T. M. : L'expérience client a beaucoup changé. Les Marocains sont branchés sur les chaînes de télé françaises et voyagent de plus en plus. Par ailleurs, avec le développement de l'hôtellerie et de la distribution au Maroc et la présence de toutes les grandes marques mondiales, la clientèle CSP A et B est désormais habituée à des expériences clients haut de gamme. Cette clientèle ne vous compare plus au concessionnaire du coin.
F.N.H. : D'où toutes les innovations et autres applications que Sopriam a présentées pour justement capter cette clientèle ?
T. M. : Nous allons développer encore d'autres applications, de façon à ce que les services soient digitalisés, que le client puisse suivre le kilométrage de sa voiture, la maintenance, la remise de la facture, etc. Cela revêt également un aspect économique. Toutes ces applications qui peuvent améliorer le service à la clientèle permettent également d'automatiser certains process, d'éliminer la paperasse, de réduire les temps de réponse...
F.N.H. : Revenons au réseau. Comment évoluera-t-il dans les prochaines années, que ce soit sur le plan qualitatif ou quantitatif ?
T. M. : L'idée est que tous les clients doivent être traités de la même façon à Rabat, Casablanca ou Oujda. C'est essentiel pour créer cette image de marque et pour la montée en gamme. Il faut donc d'abord améliorer l'accueil dans les concessions et développer un service après-vente qui fasse les choses de manière professionnelle. Nous ouvrirons également de nouvelles succursales, une à Meknès et une autre à Fès, et nous procéderons à la mise à niveau de tout le réseau de distribution. Par ailleurs, nous ouvrirons des concepts-stores DS, Peugeot et Citroën à Casablanca et à Rabat. Ce sont des stores nouvelle génération qui s'appuient sur le digital. Il faut savoir que le foncier coûte très cher, et faire une concession de type «grande cathédrale» demande énormément d'argent et il est difficile de la rentabiliser. L'objectif est ainsi de mettre en avant dans ces showrooms une voiture phare et permettre au client de concevoir sa voiture et de l'équiper à travers le digital ou encore en faisant appel à la réalité augmentée. Cela donne une expérience intéressante au client. Ces concepts-stores, très cossus, très à la page en termes d'accueil et d'expérience client, auront aussi l'avantage d'être situés en centre-ville, et donc d'avoir la proximité.
F.N.H. : Pourquoi avoir choisi de réduire le nombre de versions des modèles qui seront commercialisés de 46 à 21 ? Quelle est la logique derrière ce choix ?
T. M. : C'est une logique qui découle de l'analyse. En effet, sur 5 versions différentes d'un modèle, nous n'en vendons réellement que 2 (80% des ventes d'un modèle portent sur deux versions). Avoir autant de versions d'un même modèle n'est pas une bonne chose pour la rentabilité financière de l'entreprise. Quand on a 5 versions sur un même modèle, on se retrouve avec 46 versions en stock, ce qui est énorme, avec toutes les problématiques de trésorerie que cela pose. Nous avons donc ciblé les modèles qui marchent sur le plan commercial et nous les avons «benchmarkés» face aux concurrents directs. Aujourd'hui, nous avons une gamme qui est parfaitement alignée sur nos concurrents directs et qui nous permet de faire de l'optimisation financière en réduisant les coûts de distribution de manière importante.
F.N.H. : Sopriam est présent au Salon Auto Expo qui vient d'ouvrir ses portes à Casablanca. Quelle appréciation faites-vous de ce Salon qui en est à sa 11ème édition ?
T. M. : Je suis agréablement surpris. L'Aivam fait un excellent travail. Quand on regarde le Salon de Casablanca, il n'a rien à envier à d'autres. Tous les constructeurs et les importateurs y investissent considérablement. Un stand comme ceux que l'on trouve à Auto Expo nécessite un investissement de l'ordre de 5 millions de DH, ce qui est quand même lourd à amortir. Ces stands sont dignes de ceux que l'on voit dans certains salons en Europe. Le nôtre est identique à celui que nous avons réalisé au Salon de Genève; il a juste été customisé pour l'adapter au Maroc. Par ailleurs, à notre niveau, nous avons prévu une offre de financement pour 4 ans, qui permet d'avoir une avance de 30%, 40% et 50%, avec comme partenaire Wafasalaf.
F.N.H. : Les ventes automobiles ont affiché ces derniers mois une baisse. Est-ce lié à la période d'attentisme pré-Salon, ou les causes sont-elles plus profondes selon vous ?
T. M. : Il y a un peu des deux. Il y a d'abord l'effet pré-Salon; et deuxièmement il est nécessaire de relancer l'économie de manière générale. Aujourd'hui, le moral des entreprises, des investisseurs n'est pas au beau fixe. Il faut relancer la machine, l'investissement, financer les entreprises, etc. La question du financement est une vraie problématique au Maroc, que ce soit en termes de capacité d'investissement de l'Etat, de financement des entreprises en général et de la PME en particulier, ou de capacité de financement des ménages. ■