Abdelatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib (photo : Sohaib Zefri) C'est l'un des sujets les plus ardus sur la table de Bank Al-Maghrib : réussir à convaincre le Fisc que les règles de provisionnement élaborées et régies de manière stricte par la Banque centrale à travers la circulaire n°19-G, ne doivent pas faire l'objet de redressements fiscaux de la part des agents de la DGI. Il faut savoir que le Fisc et les banques ont une interprétation très différente de la question des provisions. En effet, la circulaire 19-G oblige les banques à passer en charges un certain pourcentage de leurs créances selon l'importance du risque d'impayé (créances pré-douteuses dès la troisième échéance impayée, douteuse à partir du sixième impayé, compromise au-delà). Les créances pré-douteuses, douteuses et compromises doivent donner lieu à la constitution de provisions égales au moins à 20%, 50% et 100% de leurs montants respectivement. Or, la DGI juge que seules les provisions qui ont donné lieu à un contentieux (une procédure judiciaire) dans les 12 mois qui ont suivi la constitution de la provision sont fiscalement déductibles. Cette divergence d'interprétation a donné lieu parfois à des redressements fiscaux douloureux pour les banques. CIH Bank en effet d'ailleurs l'amère expérience durant l'exercice écoulé. «Nous ne lançons des procédures judiciaires contre un client que lorsqu'il n'y a plus aucun espoir ni discussion. Par ailleurs, pour des petits montants d'impayés, nous n'avons pas recours à la voie judiciaire étant donné que les coûts des poursuites sont plus importants que la créance à récupérer», avait expliqué récemment Ahmed Rahhou, PDG du CIH Bank. «C'est là précisément sur ce sujet de la déduction ou pas de ces charges que se situe le débat avec le Fisc», avait-il ajouté. La négociation entre BAM et la DGI vont bon train pour trouver un terrain d'entente et que les deux entités puissent accorder leurs violons.
«Nous travaillons la DGI au corps»...
L'argumentaire de la Banque centrale est le suivant : si une banque fait une provision c'est qu'elle estime qu'il y a un risque. Et elle le fait conformément au classement des créances en souffrance établi par une circulaire de BAM. Si le risque se confirme, la provision est affectée, dans le cas contraire, la provision est reprise et l'impôt est payé. Par ailleurs souligne la Banque centrale, les banques n'ont pas intérêt à surestimer ces provisions, «car elles sont suivies au niveau de la Bourse, des actionnaires, du dividende distribué, etc.» Hier en conférence de presse post-Conseil de BAM, Abdelatif Jouahri a semblé indiqué que les négociations avec les hommes de Omar Faraj ne sont pas faciles. «Nous continuons de militer pour faire converger les règles prudentielles avec les règles fiscales, et nous travaillons au corps la DGI», affirme Jouahri. Les choses ne sont pas simples, car le Fisc se pose toujours la question de savoir ce qu'il va perdre au niveau recettes fiscales. «Les banques suivent les règles du régulateur qui sont reconnues au plan international. Ce ne sont pas des règles propres à nous», argumente Jouahri. «Un benchmark a d'ailleurs été présenté au Fisc, qui montre clairement que les règles prudentielles priment sur les règles fiscales», a-t-il par ailleurs ajouté. Le Fisc saura-t-il se montrer réceptif ? Rien ne semble l'indiquer pour l'instant. Cela fait presque 10 ans que le secteur bancaire tente de le convaincre du bien fondé de sa position, en vain.