- Absence totale de participation et d'implication des citoyens au processus budgétaire. - Parlement, Exécutif et Cour des comptes pointés du doigt.
Après le rapport cinglant de la Cour des comptes qui a pointé du doigt le budget 2016 dans sa phase d'exécution, la 6ème édition de l'enquête réalisée par Transparency Maroc et IBP International met en exergue, à son tour, les limites de la transparence budgétaire à travers l'IBO (Indice du budget ouvert) dans sa phase de préparation. C'est dire que notre budget reste sujet à plusieurs critiques dans ses différentes étapes d'élaboration. En guise de rappel, le Maroc participe à cet indice depuis 2006. L'exercice mené par l'organisation International Budget Partnership, basée à Washington, porte sur 115 pays. Il nécessite 18 mois de travail et les résultats sont publiés tous les deux ans. L'IBO évalue la quantité et la pertinence des informations budgétaires mises à la disposition du public à temps. Cette évaluation se réfère à des standards internationaux qui permettent un suivi des budgets. D'après lesdits standards (OCDE, FMI…), huit documents budgétaires clés doivent être rendus publics : pré-budget, projet du budget (PLF), budget adopté, budget citoyen, rapport en cours d'année, rapport en milieu d'année, rapport de fin d'année et enfin le rapport d'audit. «La publication et l'accès à l'information sont censés se faire tout le long du processus budgétaire : de l'élaboration à l'audit», explique Azeddine Akesbi, sous sa casquette de membre de Transparency Maroc. Sur un plan global, le score dégagé au niveau des 115 pays ayant participé à l'exercice 2017 est de 43 sur 10 contre 45 en 2015. Ce qui signifie que dans plusieurs pays du monde, l'offre de l'information au public n'est pas satisfaisante. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : trois pays sur quatre enquêtés ne fournissent pas une information suffisante. Ils affichent ont un score de 60 ou moins. Par ailleurs, 40% des documents du budget qui devaient être disponibles ne le sont pas. Ils sont non produits, non publiés ou publiés tardivement.
Au Maroc, la participation du public est nulle
En matière de documents budgétaires à la disposition du public, le Royaume ne fournit que 5 documents sur 8. «Le Maroc a fait quelques progrès depuis le début de sa participation à cette enquête. En 2006, il avait un score de 19. Ce dernier a été amélioré à 38 en 2012 et 2015, surtout grâce à la publication du budget citoyen. Et cette année, il est passé de 38 à 45», commente A. Akesbi. En dépit des progrès réalisés, le Maroc est situé dans la catégorie des pays qui fournissent une information limitée à leurs citoyens. Et pour cause : trois documents essentiels n'ont jamais été publiés. Il s'agit du rapport préalable au budget, du rapport de milieu d'année et du rapport de fin d'année. Ajoutons à cela le document du budget citoyen qui, certes respecte la forme, mais dont la qualité de l'information est très limitée. Comme expliqué par A. Akesbi, l'Indice du budget se compose de trois éléments : l'indice de la transparence budgétaire, dont le score est de 45. Le second indice mesure la participation du public aux différentes phases du cycle budgétaire et le troisième correspond à l'évaluation du contrôle exercé par les institutions. En 2017, le score de la participation du public est de … zéro (2 en 2015). «Autrement dit, il y a une absence totale de la participation et de l'implication des citoyens au processus budgétaire au niveau du Parlement, de l'Exécutif et de la Cour des comptes», alerte Akesbi, qui exhorte les institutions à changer fondamentalement d'attitude et à ériger en principe cardinal la transparence pour combler ce déficit majeur. On ne cessera jamais de le dire : les finances publiques concernent le public et les contribuables (citoyens et entreprises).
Interrogé dans la foulée sur la pertinence et la valeur des nouveaux documents (rapport sur le foncier pour mobiliser l'investissement, rapport sur la répartition régionale de l'investissement, ect.) accompagnant la LF depuis 2016, A. Akesbi estime que «c'est une bonne chose. Cependant, ils ne fournissent pas des informations essentielles, la comparaison n'est pas toujours possible et des détails cruciaux manquent. Ils ne peuvent se substituer à ce qui n'est pas publié».
Le contrôle budgétaire est faible
Concernant le contrôle, l'indice du budget ouvert examine la performance de deux institutions : le Parlement et la Cour supérieure des comptes (CSC). Le score moyen obtenu est de 31 sur 100. «Ceci correspond à un niveau de contrôle budgétaire faible. Le Parlement enregistre un score de 52 en ce qui concerne la phase de l'élaboration/approbation et 13 sur l'exécution du budget et l'audit. La CSC a obtenu un score de 22 sur 100, ce qui la situe à un niveau de contrôle qualifié de faible», commente A. Akesbi. Les limitations qui ressortent de l'enquête en ce qui concerne cette institution portent essentiellement sur la nomination de son président sans la consultation du Parlement et le fait qu'il puisse être démis par l'Exécutif sans consultation. Ce qui porte atteinte à l'indépendance de l'institution. Aussi, ses moyens humains et ses ressources financières fortement limités affectent-ils la capacité financière de la CSC. Les résultats, que ce soit en termes de transparence ou de contrôle budgétaire, sont décevants. Dire que la donne changerait avec la Loi organique des Finances (adoptée en juin 2015) qui se veut un remodelage profond des finances publiques serait fortuit. Akesbi trouve difficile de se prononcer sur ce qui sera fait de certaines dispositions de la Loi organique des Finances, ou de celles de la loi relative à l'accès à l'information. «Malgré les limitations intrinsèques de cette loi, qu'est-ce qui sera fait de la provision de «publication proactive ?», s'interroge-t-il. Ceci étant, la société civile et Transparency Maroc en particulier appellent de leurs vœux les responsables à une discussion précise et détaillée des résultats de cette enquête, avec l'objectif d'un meilleur accès des citoyens à l'information pertinente et pour assurer une meilleure redevabilité des pouvoirs publics dans le domaine des finances publiques. ■
Ce que l'on attend de la LOF La réforme structurante de la Loi organique des Finances a pour toile de fond la sincérité des comptes publics, l'introduction de la comptabilité patrimoniale, l'efficience dans l'action publique, l'évaluation de la performance et la reddition des comptes. A cela s'ajoute le renforcement du contrôle parlementaire qui demeure encore faible. Pour atteindre les objectifs escomptés, la loi organique précitée, qui prévoit la réforme de la comptabilité publique basée sur les droits constatés, octroie à la Cour des comptes une nouvelle mission de taille, celle de la certification des comptes de l'Etat. Rappelons tout de même que la réforme de la comptabilité publique, qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 2018, devrait donner une vision fidèle, exhaustive et plus transparente de la situation financière et patrimoniale, tout en permettant de mieux appréhender les richesses, les dettes et les engagements de l'Etat.
Les recommandations de l'enquête de l'IBO 1. Veiller à ce que les commissions parlementaires examinent et publient leurs analyses sur le projet de budget (sur Internet). 2. Assurer que le Parlement soit consulté avant que le gouvernement procède à des transferts de fonds du budget approuvé entre unités administratives. 3. Exiger l'approbation du Parlement avant la nomination du président de la CSC. 4. Envisager la mise en place d'une institution financière indépendante…