■ Les inégalités croissantes entre pays ont été à l'origine de l'avènement de la crise, les subprimes représentant juste un moyen de transmission. ■ Un modèle de croissance réajusté, une bonne gouvernance et une union solidaire sont les principaux axes pointés du doigt par Dominique Strauss Kahn. Comparée très souvent à un ouragan, la crise financière mondiale n'épargné sur son passage aucun pays ; les plus développés ont été touchés directement, contaminant ceux qui sont émergents ou en développement. De ce fait, l'équilibre des relations internationales s'est trouvé profondément bouleversé du fait de l'intensité des crises et leur simultanéité. Un besoin urgent de réguler la finance internationale, premier responsable de la crise économique mondiale, se fait sentir. Par le passé, l'épargne des ménages collectée par les compagnies d'assurance, caisse de retraites et fonds d'investissements, a été mal orientée pour comprendre des actifs extrêmement risqués, mais dont le rendement prévu est largement attirant. Aujourd'hui, on mesure mieux ce que l'appât du gain peut avoir comme conséquence sur l'équilibre des finances mondiales et même sur les ménages qui se sont retrouvés sur la paille. Un retour de bâton qui se fait encore sentir Dominique Strauss Kahn n'est pas de cet avis-là puisqu'il impute la raison de la crise à une accumulation de régulations financières. Par ailleurs, l'ancien Directeur du FMI précise que «la crise financière ne provient pas de la nullité des régulateurs. L'ingénierie financière va tellement vite que la régulation n'arrive pas à suivre le rythme». Une chose est sûre, la sortie de crise pour l'Europe est conditionnée par un nécessaire assainissement des finances publiques d'une part et, d'autre part, par une politique de croissance adéquate. «L'Europe n'arrive pas à combiner ces deux éléments», se désole pour sa part Hubert Vedrine, ancien ministre français des Affaires étrangères. En chiffres, la dette globale de l'Europe est évaluée à 8.000 Mds d'euros et le taux de chômage avoisine les 10,4% et la seule porte de sortie, selon Serge Marti, vice-président de l'Association des journalistes économiques et financiers, est que «la Banque centrale européenne s'occupe également de la dette et pas seulement de l'inflation». Qualifiant ce processus de longue haleine, il n'a pas manqué de rappeler que les USA avaient mis à l'époque 12 à 15 ans pour sortir de la crise de 1929. Cela ne saurait se faire sans l'apparition de risques de tensions entre pays de la même zone, ou même entre deux pays appartenant à deux mondes différents, mais aussi des alliances éventuelles à condition de réinventer ces convergences sous forme de cogestion avec une définition des termes et des conditions. Tout reste à négocier dans ce nouveau tournant mondial ou ordre mondial, comme chacun aime à le définir. De ces chamboulements économiques et financiers mondiaux, le monde est en train de vivre un choc majeur se matérialisant par la remise en selle de plusieurs pays dits émergents qui se distinguent par leur croissance forte et leurs avancées technologiques. Ceci dit, ces pays sont confrontés à un certain nombre de défis, dont celui de la dépendance de leur ouverture aux marchés internationaux, devenus instables et aussi de la montée de la marginalité et des inégalités dans leur processus de croissance économique. DSK donne des leçons Des leçons sont à tirer de l'ensemble des difficultés financières et économiques que nous vivons et dont souffrent tous les pays ; surtout ceux qui sont dépendants dans leur croissance à l'international. À cet effet, Dominique Strauss Kahn a décliné une panoplie de conclusions logiques suite à l'avènement de la crise. La première d'entre elles tient au fait que les inégalités nuisent inévitablement à la stabilité et à la croissance économique. En effet, la montée des inégalités des revenus, entre hommes et femmes ou de tout autre type, a poussé nombre de personnes à courir vers le crédit afin de maintenir la consommation ; le système financier mal régulé aidant, les subprimes sont apparues. Ces produits toxiques constituent alors un moyen de transmission, l'origine est bien plus profonde. «Nous avons un modèle de croissance fondé sur le déséquilibre», constate DSK, qui n'a survécu que par des capacités d'endettement. Par ailleurs, la mondialisation n'a pas manqué d'ajouter son grain de sel à l'accroissement des inégalités entre personnes d'une part, et entre pays, d'autre part. DSK ajoute que «les pays qui ont les pires indicateurs sociaux sont aussi les pays qui ont la plus grande instabilité économique». Selon l'ex-FMIste il est dans l'intérêt du monde entier de revenir à une croissance fondée sur la demande interne, plus égalitaire, mieux répartie et moins basée sur l'export. Une croissance plus favorable à la classe moyenne à travers une revue de la redistribution des richesses par des allocations ou la fiscalité, ou tout autre type d'instrument. La gouvernance est un élément non négligeable à la source d'un grand nombre de problèmes. DSK accuse la faiblesse de la gouvernance et l'incapacité de la zone euro à avoir un fonctionnement permettant de prendre des décisions, d'être la cause directe de la situation actuelle. Selon lui, il existe trois temps. Celui des marchés qui est visiblement très rapide pour les politiques, celui de l'économie qui est, pour sa part, très lent pour les politiques et celui des politiques qui devrait prendre les rênes. DSK est d'ailleurs favorable au retour du politique dans la prise de décisions. Donnant comme contre-exemple le Maroc, «la nouvelle Constitution représente un pas décisif pour l'amélioration des principes de gouvernance». ■ Dossier réalisé par I. Bouhrara & I. Benchanna UE : Union seulement monétaire ou également solidaire ? «Il n'y a pas d'union sans solidarité». Tel a été le slogan de la dernière leçon de la crise financière donnée par DSK. En effet, malgré les divers efforts fournis par le «Merkozy» (Merkel et Sarkozy) pour sortir de la crise, et les nombreuses solutions trouvées, qui ses sont finalement avérées vaines, il est clair que depuis un an la Grèce se trouve dans l'incapacité de rembourser ses dettes. Pour DSK, l'Union européenne se veut essentiellement solidaire, et pas seulement monétaire. À ce titre, réfutant la thèse de la disparition de l'euro, il estime qu'il faut mettre en œuvre des transferts budgétaires vers la Grèce afin qu'elle puisse se remettre debout.