Le secteur des assurances vient de poser un jalon important en vue de la réalisation des engagements pris dans la feuille de route pour la finance climat lors de la COP22. Etant directement impacté par les risques environnementaux, le secteur est en première ligne dans la lutte contre les changements climatiques.
Souvenez-vous, il y a un an à Marrakech, les banques, les compagnies d'assurances ainsi que les différents régulateurs déployaient une feuille de route visant l'émergence d'un marché de capitaux verts, avec comme dessein de contribuer à l'engagement historique du Royaume d'arriver à une part de 52% d'énergies renouvelables à l'horizon 2030. Le secteur des assurances en particulier avait placé la barre très haut en s'engageant, entre autres, à placer sur un horizon de cinq ans pas moins de 6 milliards de DH dans des actifs verts. Les compagnies d'assurances s'étaient par ailleurs engagées à élargir l'offre de couverture des risques climatiques et développer des solutions d'assurances des risques environnementaux. Un an plus tard donc, les choses semblent se concrétiser. En effet, 2 conventions-cadres importantes ont été signées mercredi 6 décembre à Rabat, lors de la première édition du Moroccan Sustainable Insurance Day co-organisée par l'Acaps et la Fmsar.
La première convention porte sur la promotion des investissements dans le domaine de l'environnement et du développement durable. Elle réunit le ministère de l'Energie et du Développement durable, l'Acaps et la Fmsar. Elle est d'une importance cruciale pour permettre aux compagnies de placer sans contrainte les fameux 6 milliards de dirhams dans des actifs verts. «Cette convention permet une admission automatique de l'ensemble des projets qui entrent dans le cadre de la stratégie nationale du développement durable dans la représentation des provisions techniques des compagnies», nous explique Hassan Boubrik, président de l'Acaps. «La compagnie peut faire des placements sur ces actifs sans avoir à chaque fois demander une autorisation préalable de la part du régulateur», nous précise Bachir Baddou, Directeur général de la Fmsar. Pour que cette convention puisse porter ses fruits, il faut davantage de «projets verts qui soient intéressants du point de vue du rendement et des risques», ajoute Boubrik. Il faut également plus d'actifs et d'instruments financiers verts, comme le souligne Mohamed Hassan Bensalah, président de la Fmsar : «le secteur des assurances ne peut pas entièrement déployer sa feuille de route sans trouver en face les actifs nécessaires pour atteindre ses ambitions. D'où l'intérêt de créer un écosystème avec l'implication de l'ensemble de la chaîne qui constitue le secteur financier». Faut-il rappeler qu'à ce jour les banques marocaines et Masen ont déjà montré la voie en lançant les tout premiers green bonds du pays. Il en faudrait plus désormais pour apporter la profondeur nécessaire à ce marché. La deuxième convention, non moins importante, réunit le Programme des Nations unies pour l'environnement (UNEP), la Fmsar et l'Acaps autour de l'adhésion des compagnies d'assurances marocaines aux PSI (Principles for sustainable insurance, soit les principes pour une assurance durable). En adhérant aux PSI, les entreprises d'assurances et de réassurance s'engagent à mettre en oeuvre 4 principes : intégrer les problématiques environnementales, sociales et de gouvernance dans leurs processus de décision; sensibiliser les partenaires et assurés aux enjeux environnementaux; travailler avec les gouvernements, les régulateurs ou les ONG, par le soutien aux actions publiques en faveur de la réduction des risques climatiques, l'innovation et l'éducation sur ces sujets; et enfin, rendre compte de façon transparente de l'application des ces principes et de l'état d'avancement de leur mise en œuvre. A noter que les assurances Axa et Allianz sont déjà signataires, au niveau mondial, de ces principes.
«Pas un effet de mode»
Cet engagement des assureurs marocains revêt un intérêt stratégique, selon Hassan Boubrik. «Ce n'est pas un effet de mode», assure-t-il, car «le secteur des assurances est l'un des plus impactés par les risques catastrophiques, de plus en plus fréquents et de plus en plus intenses». Le président de l'Acaps cite quelques chiffres pour s'en convaincre : le nombre de catastrophes naturelles dans le monde est passé d'une moyenne d'une cinquantaine de catastrophes par an dans les années 70, à près de 170 au cours de la dernière décennie. Les dommages assurés en moyenne-glissante sur 10 années sont passés de moins de 25 milliards de dollars au cours des années 80, à une fourchette entre 50 et 70 milliards de dollars au cours de la dernière décennie. Les dommages économiques incluant les dommages non assurés atteignent des montants astronomiques. Ils se sont élevés, selon le dernier rapport Sigma 2017 de SwissRe, à 175 milliards de dollars en 2016. Sans parler des risques de dépréciation des actifs inscrits dans les bilans des compagnies, actifs dont l'empreinte carbone est très élevée ou qui peuvent causer des dommages à l'environnement. «Et les prévisions n'incitent pas à l'optimisme», prévient Boubrik. C'est donc tout naturellement que les régulateurs d'assurances ont pris la mesure des risques et des enjeux liés à l'environnement en coordonnant leurs actions au niveau de l'Association internationale des superviseurs d'assurance, équivalent du Comité de Bâle pour les banques. «Nous nous dirigeons probablement vers des exigences réglementaires supplémentaires à la charge des opérateurs, d'une part les obligeant à mieux apprécier et quantifier ces risques, et d'autre part à mieux les intégrer dans le cadre des calculs prudentiels». ■