■ Dans la loi 32-09, le notariat est considéré explicitement comme une profession libérale tout en conservant au notaire le statut d'officier public délégataire. ■ L'Ordre des notaires assurera la mission de régulation et établira un code de déontologie et des règlements intérieurs. ■ Amine Zniber, président de la Chambre régionale du notariat moderne de Rabat, explique que le texte est à présent publié au BO et entrera en vigueur dans une année. ✔ Finances News Hebdo : Quelles sont les nouveautés apportées par la loi 32-09 ? ✔ Amine Zniber : D'abord, il faut signaler que c'est une loi marocaine faite par des Marocains et qu'elle consacre la place du notariat dans le processus de réforme de la Justice et met fin à un texte ambigu et controversé datant du siècle passé. Les nouveautés apportées par cette nouvelle loi sont nombreuses. J'en citerai quelques-unes, principalement celles liées au renforcement du niveau de compétences du notaire, à l'organisation de la profession et à sa moralisation. Le nouveau texte a en effet prévu un concours d'accès à la profession, ce qui n'existait pas auparavant. Le candidat titulaire d'une licence en droit remplissant les conditions de probité et de rectitude devra désormais passer un concours d'accès, suivre un cursus de formation d'une durée de 4 années dont la 1ère sera effectuée à l'Institut de Formation Professionnelle de Notariat ; durant cette période, le candidat devra passer avec succès des examens dont les matières et les modalités seront précisées par voie réglementaire. Sur le plan organisationnel, la loi prévoit la création d'un Ordre professionnel composé d'un Conseil national et plusieurs conseils régionaux. Il aura de nouvelles attributions dont la participation aux délibérations de la commission chargée de donner avis sur la nomination, le transfert du notaire et de prendre des mesures disciplinaires à l'encontre du notaire ou du stagiaire notaire en cas de manquement au devoir professionnel. Le Conseil de l'Ordre sera également présent pour assister le notaire et lui garantir son honorabilité, il l'accompagnera dans l'exercice de sa mission par le contrôle préventif qui sera assuré soit unilatéralement, soit conjointement avec le parquet général. Sur le plan de la moralisation de la profession, nous sommes conscients que la profession a beaucoup à faire ; de ce point de vue, la nouvelle loi a créé un nouveau dispositif qui faisait défaut auparavant. En effet, l'Ordre des notaires assurera la mission de régulation, établira un code de déontologie et des règlements intérieurs et se chargera d'harmoniser la pratique notariale au niveau national en vue d'instituer un meilleur cadre de confraternité et de transparence vis-à-vis de nos concitoyens. ✔ F.N.H. : Le statut de notaire a-t-il été clarifié dans le texte final ? ✔ A. Z. : La loi 32-09 a mis fin à une controverse qui n'a que trop duré à mon avis. A présent, le notariat est considéré explicitement comme une profession libérale ; de ce point de vue, le notaire exercera son activité dans un cadre libéral mais gardera le statut d'officier public délégataire d'une partie de la puissance de l'Etat, pour conférer le caractère authentique aux actes qu'il reçoit. Ce statut hybride accorde au notaire des droits et privilèges mais lui impose également des obligations : le notaire pourra dorénavant percevoir des honoraires dont la grille sera fixée par voie réglementaire, il bénéficiera désormais de la protection juridique et légale accordée au magistrat dans l'exercice de sa fonction. Le notaire sera en mesure de demander la cessation provisoire d'exercer pour des raisons de santé mais devra également manifester, de façon expresse, sa volonté de continuer à exercer au-delà de l'âge de 70 ans. ✔ F.N.H. : En attendant la création effective de l'Institut du notariat, qu'en sera-t-il des conditions d'accès à la profession qui prévoit que la 1ère année s'effectuera au sein de cet institut ? ✔ A. Z. : La loi 32.09 entrera en vigueur une année après sa publication au BO. Elle prévoit également qu'un Institut de formation sera créé en vertu d'un décret d'application ; la Chambre nationale du notariat a soulevé cette question à plusieurs occasions dans la perspective de mieux gérer cette période transitoire. Je pense que c'est l'un des premiers dossiers que devra gérer le nouveau ministre de la Justice. ✔ F.N.H. : Maintenant que la loi est entrée en vigueur, qu'en est-t-il de la mise en place d'un Ordre national qui serrera les rangs des notaires ? ✔ A. Z. : L'Ordre national des notaires sera doté de la personnalité morale, il aura pour objet, entre autres, la sauvegarde des principes qui constituent le fondement de l'honorabilité de la profession ainsi que la défense des intérêts moraux des notaires. De même, l'Ordre représentera la profession auprès de l'Administration. Par ailleurs, l'Ordre national exercera ses attributions par l'intermédiaire d'un Conseil national et des conseils régionaux. Ainsi, sa mise en place se déroulera en deux phases. La première consistera en la création des conseils régionaux, dans un délai maximum de 9 mois à compter de l'entrée en vigueur de la loi, la formation des conseils et l'élection de leurs membres se dérouleront sous la supervision d'une commission composée de magistrats et de notaires non candidats. Quant à la 2ème phase, elle connaîtra l'élection du président et des membres du conseil de l'Ordre national des notaires. ✔ F.N.H. : Comment sera financé le fonds d'assurance des notaires et de combien sera-t-il doté ? ✔ A. Z. : De prime à bord, il faut rappeler que le fonds de garantie des notaires existe déjà depuis 1946, son financement fut assuré jusqu'à la fin de l'année 2006 par un prélèvement sur la ristourne accordée au notaire au titre de la taxe notariale. Le nouveau texte qui vient d'être adopté s'est inscrit heureusement dans la continuité, et c'est tout à l'honneur du législateur puisqu'il est prévu que ce fonds continuera d'exister sous sa forme actuelle. La sagesse du législateur ne s'est pas arrêtée là, il lui a, en outre, assuré une nouvelle source de financement pour garantir sa pérennité et son fonctionnement. En effet, le fonds de garantie sera réalimenté, dès l'entrée en vigueur de la loi, par deux sources distinctes : d'une part ce sera les intérêts qui seront générés par les fonds des tiers confiés au notaire et, d'autre part, par une contribution versée par chaque notaire au titre des actes qu'il recevra et dont le montant sera fixé par le conseil de l'Ordre des notaires. Tout porte à croire, que ce fonds aura une assise financière extrêmement importante. ✔ F.N.H. : L'une des réserves des professionnels sur le texte avant validation concerne les peines jugées trop sévères par rapport aux faits reprochés. Cette doléance a-t-elle été prise en compte ? ✔ A. Z. : Je rappelle que la première mouture du projet de loi tel qu'elle a été proposée par le gouvernement considérait, à juste titre, que le notaire engage sa responsabilité civile et disciplinaire dès lors qu'il contrevient aux fondamentaux de l'acte notarié. J'entends par là le respect par le notaire des règles de forme de l'acte qu'il reçoit et du devoir de conseil qui lui est imparti. Une fois que le projet a atterri entre les mains des parlementaires à la première Chambre, cette responsabilité a augmenté d'un cran, elle est devenue également pénale. Ce changement de cap est sans doute lié aux évènements qui ont éclaboussé la profession au moment de la discussion du texte. Nous avons tenté de rectifier le tir à la deuxième Chambre du Parlement mais en vain. En réalité, ça ne sert à rien de mettre un notaire en prison juste parce qu'il a commis une faute professionnelle. Il aurait été plus judicieux de mettre l'accent sur les conditions d'accession à la profession, sur la formation et la formation continue obligatoire, et se contenter de dédommager la partie lésée. Quoi qu'il en soit, le texte est à présent publié au BO, il entrera en vigueur dans une année, la profession n'a plus le choix, elle doit resserrer ses rangs et harmoniser sa pratique en vue d'atténuer le risque des interprétations extensives ou abusives. ✔ F.N.H. : Comment la loi 32-09 régule-t-elle désormais l'accès de certaines catégories professionnelles au notariat ? ✔ A. Z. : Je pense que vous faites ici allusion à l'article 8 de la loi qui ouvre l'accès d'office à la profession, à une catégorie professionnelle de par son statut : ce sont outre les conservateurs et les receveurs de l'administration qui bénéficiaient de cet avantage sous le coup de l'ancienne loi, les avocats près la Cour suprême, les magistrats et les universitaires. Permettez-moi de dire que toute la profession émet une grande réserve au sujet de cette disposition, et ce pour une double raison. D'abord, parce que nous considérons que le droit de passerelle institué en faveur des professions n'a de sens que lorsqu'il respecte le principe de la permutation et favorise le passage d'une profession à une autre. Or, dans notre cas, il est à sens unique et c'est vraiment regrettable. La deuxième raison, et c'est la plus importante : nous considérons que le fait d'ouvrir la voie à une catégorie professionnelle assurée d'une fin de carrière avantageuse au détriment d'une jeunesse en chômage contrevient explicitement au principe de la justice sociale consacrée par la nouvelle Constitution. Certes, le nouveau texte a apporté des gardes-fous mais ils restent insuffisants. ✔ F.N.H. : Enfin, quelle appréciation faites-vous globalement, en tant que Chambre nationale, de la loi adoptée ? ✔ A. Z. : En réalité, nous attendons que la plus haute instance, en l'occurrence l'Assemblée Générale des notaires, statue sur la question lors de sa réunion qui se tiendra dans les prochains jours. D'ici là, les membres du Conseil d'Administration qui ont participé à l'élaboration des propositions des amendements, tiendront régulièrement des réunions avec les notaires de base pour leur expliquer les tenants et aboutissants des nouvelles dispositions. ■ Propos recueillis par I. Bouhrara