Lagriculture semble ne plus avoir deffet « psychologique » sur la croissance au Maroc. En dépit des années agricoles satisfaisantes, ce secteur majeur de léconomie marocaine narrive plus à influencer de façon notable lévolution du PIB. Selon les années, le secteur agricole a souvent représenté de 12% à 20% du PIB national. Pendant les années de sécheresse, le discours officiel est constamment conditionné par lapport des maigres récoltes agricoles. Durant les années pluviométriques positives, le discours change de ton et fait jouer dautres paramètres - qui demeurent cruciaux - pour minimiser leffet dune bonne saison agricole sur léconomie marocaine. Autrement dit, le coût énergétique, le marché de change international ou encore le tourisme sont autant déléments quil faut prendre en considération, chaque fois quil sagit de mesurer les perspectives ouvertes par le taux de croissance au Maroc. Il faut remarquer que la corrélation entre le PIB et le PIB agricole reflète lancrage important de ce dernier dans notre économie. Cest ainsi que lévolution des récoltes céréalières, conditionnée par les précipitations, détermine le chiffre daffaires des exportations marocaines globales. Les années 1995, 1997, 1999 et 2000 ont été jugées « catastrophiques », alors que lannée 1996 sest révélée être « la récolte du siècle » avec plus de 10 millions de tonnes de céréales. Pourtant, par la suite, le secteur agricole na bénéficié que de 10% des investissements globaux, et ce malgré son impact «psychologique» sur la stimulation des capitaux nationaux et étrangers. Le résultat direct de cet état de fait est que notre secteur agricole est resté archaïque, ou du moins opérant avec des moyens rudimentaires dans sa majeure partie. Cest ainsi que sur les 8,7 millions dhectares de surfaces agricoles utiles (S.A.U), seulement 14,3% de cette superficie sont irrigués ; cest-à-dire que les 75,7% des terres bour dépendent directement des aléas climatiques. Les enquêtes réalisées par le département de lAgriculture, en collaboration avec des organismes internationaux spécialisés, révèlent dun autre côté des résultats assez frappants. Le Maroc sera classé « pays à stress hydrique » en 2005. Cette conclusion alarmante est due au fait que lEtat reste incapable de relever le défi de lirrigation. Les forages sont de plus en plus coûteux, surtout quand la profondeur atteint quelques fois les 220 mètres, comme cest le cas dans la vallée riche du Souss. Lagriculture et son impact sur le PIB marocain est aussi une affaire de «ressources humaines» du monde rural. Le recensement, que le ministère du Plan entend réaliser en septembre prochain, devrait normalement dresser une nouvelle physionomie des dernières projections démographiques du monde rural. 40% de la population active au Maroc dépendent du secteur agricole, lequel représente 78% de lemploi en milieu rural. Cest dire que lenjeu est énorme non seulement pour la détermination du PIB marocain, mais aussi pour optimiser le rendement des populations concernées. Conscients de cette problématique délicate, les responsables marocains ont mené depuis 3 ans un vaste mouvement dalphabétisation de la main duvre rurale afin quelle puisse « rester chez elle » et ne plus provoquer dexodes nuisibles à leurs terres bours et au marché de lemploi urbain. Ceci étant, lambivalence de linfluence de lagriculture sur le PIB marocain paraît plus une question politique que purement économique. Actionner le levier agricole pour le soustraire de la dépendance des aléas climatiques, ne pourrait jamais être résolu à défaut dune volonté réelle. Les campagnes agricoles se succèdent sans pouvoir se ressembler à chaque fois. Dans le cas dune mauvaise récolte, lEtat a pris cette habitude de jeter tous ses déboires et échecs sur le dos des aléas climatiques. Dans un pays où le mode dexploitation des terres agricoles demeure familial, il serait illusoire de prétendre à une quelconque fonction « économique » de lagriculture. Du moment quune grande part des cultures est consacrée à lauto-consommation et à lalimentation du bétail, on ne peut que sétonner de voir persister ce vieux discours, inlassablement remâché, sur la dépendance de léconomie marocaine de la générosité du ciel.