La flambée des prix a sensiblement progressé ces dernières années et un SMIG de 2.000 DH ne peut assurer une vie correcte actuellement au Maroc. La compétitivité des entreprises ne doit pas se faire au détriment des salariés. Abdelhamid Fatihi, secrétaire général de la Fédération démocratique du travail (FDT), explique. - Finances News Hebdo : Est-ce que le SMIG fera l'objet de discussions entre les syndicats, le gouvernement et le patronat ? - Abdelhamid Fatihi : Absolument, le SMIG figure toujours dans notre agenda. Il faut rappeler que la dernière augmentation a été décidée en 2004 lors du gouvernement Jettou et n'a été appliquée qu'en 2008 et sur plusieurs étapes. Cette hausse n'a pas dépassé les 10%. Pour le secteur privé, le relèvement a été appliqué sur 2 ans, pour le secteur du textile sur 4 ans. Aujourd'hui, il est temps de se pencher sur la question. Car il y a plusieurs bouleversements qui ont impacté sensiblement le pouvoir d'achat des salariés. Le SMIG reste en inadéquation avec la flambée des prix de ces dernières années. A part quelques produits de base, tous les autres produits de large consommation ont connu une nette hausse. La crise économique a été, pendant un certain temps, évoquée pour justifier la stagnation du SMIG, mais actuellement on constate une véritable relance qui touche pratiquement tous les secteurs, surtout ceux liés à l'export. Je peux dire qu'avec 2.000 DH par mois, il est difficile de vivre correctement au Maroc, surtout dans les grandes agglomérations. Je crois qu'avec le nouveau dynamisme sur le plan social que connaît le Maroc, enclenché après le discours royal du 9 mars, la révision des salaires, en général, et du SMIG en particulier, est devenue une priorité nationale et pas seulement celle des syndicats. Pour que le salarié soit rentable et actif, il doit avoir un revenu décent. - F. N. H. : Quelles sont vos revendications dans ce cadre ? - A. F. : Nous ne cherchons pas à placer la barre au plus haut, nous sommes plutôt pragmatiques et réalistes. Dans le contexte actuel, le salaire minimum doit atteindre au moins les 3.000 DH. Mais pour les secteurs les plus dynamiques ou les entreprises qui ont des capacités plus grandes, le SMIG doit être encore plus élevé pour accompagner l'évolution de ces entités. - F. N. H. : Mais le patronat estime que l'augmentation des salaires, surtout du SMIG, est dangereuse pour la compétitivité de l'entreprise, surtout dans la conjoncture actuelle. - A. F. : C'est un discours classique qui a commencé à perdre de sa crédibilité. Je crois qu'il faut plutôt améliorer la bonne gouvernance des entreprises, car la vulnérabilité de ces sociétés est liée à des éléments occultes et non économiques. Une bonne partie des entreprises ont un caractère familial qui biaise le plus souvent leurs résultats et impacte leur transparence. Il faut démocratiser les relations professionnelles dans ces entités et faire participer le personnel dans leur résultat pour l'intéresser. La compétitivité des entreprises ne doit pas se faire au détriment des salariés. C'est un argument dépassé et qui n'a plus de raison d'être. Une bonne répartition des richesses est la meilleure façon de lutter contre les inégalités sociales. Les entreprises doivent s'inscrire, à leur tour, dans la nouvelle démarche que le Maroc a prise. A part le textile qui reste toujours à la merci de aléas, je crois que les autres secteurs peuvent appliquer un SMIG à 3.000 DH. Néanmoins, il peut y avoir des exceptions pour éviter de pénaliser des branches vulnérables. Mais le plus important est que le salarié ne soit pas le parent pauvre du dialogue social. - F. N. H. : Vous avez évoqué des mesures exceptionnelles, notamment pour des secteurs comme le textile ; est-ce que l'idée du SMIG régional ou sectoriel est pertinente ? - A. F. : Cette idée a été évoquée lors du gouvernement Jettou. Nous, en tant que syndicat, nous ne sommes pas contre, mais encore faut-il qu'on soit d'accord sur les fondements et les mécanismes d'une telle option. Je crois qu'une régionalisation avancée peut également toucher le système fiscal ou social, selon les capacités et les aptitudes de chaque zone. - F. N. H. : Pensez-vous que le panier de la ménagère sur lequel repose le SMIG reflète la réalité ? - A. F. : Les besoins ont beaucoup changé. L'Internet et le téléphone qui étaient un certain moment facultatifs, sont devenus nécessaires. On ne parle pas uniquement du pain, du sucre, de l'huile, de l'école ou de la santé, il y a d'autres besoins plus urgents. Même pour les besoins alimentaires, les habitudes et les dépenses ont changé. La voiture pour la classe moyenne est devenue une nécessité et non un luxe. Je crois qu'il faut réviser de fond en comble les statistiques du Haut Commissariat au Plan (HCP) dans le calcul de l'indice du coût de la vie (ICV) qui devient biaisé. Ce sont ses compositions qu'il faut revoir pour qu'elles soient en adéquation avec la réalité.