Le ton est presque agressif, voire menaçant. De ma mémoire de journaliste, c'est la première fois que je vois le CDVM aussi tranchant envers une société cotée. On dirait d'ailleurs que le patron du gendarme du marché est sorti de ses gonds. Dans son viseur, Mediaco Maroc à qui le CDVM reproche les retards de paiement des échéances de son emprunt obligataire et des omissions dans l'exécution de ses obligations d'information vis-à-vis du public. Coup d'œil dans le rétroviseur. Le 24 juin 2010, sur demande expresse du CDVM, Mediaco publie un business plan mis à jour au contenu pour le moins optimiste : un résultat prévisionnel de 17 MDH au titre de l'exercice 2010 et l'engagement de rembourser la 3ème tranche de l'émission obligataire au plus tard le 15 août 2010. Ce qui n'a pas été fait. Huit mois plus tard, soit le 24 février dernier, coup de théâtre : la société spécialisée dans le levage, la manutention et les services industriels, émet un profit warning, car les résultats devraient s'inscrire en très forte baisse par rapport à l'exercice 2009 déjà déficitaire. Suffisant pour que le gendarme du marché remette en cause «la sincérité et l'exactitude des prévisions publiées en juin 2010, alors que le contexte n'a pas connu de changements majeurs depuis le 1er semestre 2010». Surtout, à l'analyse du profit warning, le CDVM dénonce «le caractère incomplet et imprécis de l'information communiquée au public, en particulier au sujet de la proportion des pertes attendues, ainsi que des facteurs endogènes et exogènes chiffrés ayant été à l'origine de la forte baisse annoncée». Partant de ce constat, le CDVM a exigé de Mediaco, depuis le 1er mars courant, «la publication, sans délai, d'informations complémentaires précisant le niveau des pertes attendues et expliquant les causes de cette baisse, notamment par rapport aux prévisions publiées le 24 juin 2010, ainsi que les éléments sur la base desquels il est affirmé dans le profit warning qu'une reprise est attendue sur le moyen et le long termes». Et en attendant que la société communique aux investisseurs une information «exacte, précise et sincère sur l'état de santé financière de la société», le titre a été suspendu de la Bourse depuis lundi dernier. Voilà pour les faits. Visiblement, Mediaco est empêtrée dans des difficultés de trésorerie. Mais, dans sa communication du mois de juin, la société a-t-elle volontairement omis des informations, induisant les investisseurs et l'opinion publique en erreur ? On y verra clair plus tard. Quoique le ton utilisé par le gendarme du marché reste plein de sous-entendus. Au-delà, la réaction du CDVM nous renseigne sur deux choses essentielles : * Primo, le fait d'émettre un profit warning n'exonère nullement d'être comptable des résultats réalisés, particulièrement pour une société qui a revu son business plan quelques mois avant la publication des résultats. Surtout, cela ne dispense pas de sanctions éventuelles. Car, absent il y a peu du marché boursier, le profit warning (Managem a été l'une des premières sociétés à en émettre un sur ses résultats annuels 2008), est devenu actuellement monnaie courante depuis les dernières injonctions du CDVM en la matière (www.financenews.press.ma). Au titre de 2010, presqu'une dizaine de sociétés cotées en a émis. Ce qui, aux yeux du gendarme du marché, ne suffit plus : il faut, certes, se soumettre aux obligations légales, mais encore faut-il une certaine cohérence entre prévisions et réalisations. • Secundo, les notes d'information sur lesquelles se basent les investisseurs tendent de plus en plus à perdre de leur pertinence, voire de leur crédibilité. Si, souvent, les écarts entre prévisions et réalisations sont effectivement légitimés par les aléas de la conjoncture, parfois les différences sont tellement importantes que cela suscite de la suspicion. Faut-il continuer à s'y fier ? En tout cas, le cas Mediaco n'est pas sans rappeler celui de la Samir (www.financenews.press.ma) dont les résultats annuels au titre de l'exercice 2008 ont laissé investisseurs et analystes pantois. Reste maintenant à savoir quelle sera la sanction du CDVM au cas où les investigations prouvent une volonté délibérée de flouer les investisseurs. Sera-t-elle à la hauteur des préjudices subis ? Pas sûr.