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Entretien : «Il est temps d'engager les vraies réformes qui s'imposent»
Publié dans Finances news le 17 - 03 - 2011

L'agriculture, pour certains, est devenue une sorte de secteur refuge.
Pour les grands exploitants, c'est la moindre des équités qu'ils s'acquittent des impôts dont ils sont redevables.
Il est indispensable de fiscaliser l'agriculture dans les plus brefs délais, sans attendre jusqu'à 2014.
Tour d'horizon avec Najib Akesbi, économiste, professeur à l'Institut agronomique et vétérinaire Hassan II de Rabat.
- Finances News Hebdo : Est-ce qu'il n'est pas temps d'ouvrir le débat sur la fiscalité agricole ?
- Najib Akesbi : Je pense qu'il est plus que temps non seulement d'ouvrir un débat, mais d'engager les vraies réformes qui s'imposent. Je vous rappelle que l'agriculture est maintenant quasiment mise hors du champ de l'impôt depuis le début des années 80, il y a trente ans de cela.
La première fois, c'était suite à la sécheresse de 81. La situation était tellement mauvaise qu'il a fallu suspendre momentanément l'impôt agricole. Puis, sur décision de Hassan II, l'agriculture était tout simplement exonérée de tout impôt jusqu'en 2000.
Puis, en 2000, alors que l'exonération prenait fin, les lobbies agricoles s'étaient à nouveau mis en branle et avaient réussi à imposer une prorogation de l'exonération jusqu'en 2010. Ensuite, c'est le Roi, dans l'un de ses discours, qui a annoncé que les revenus agricoles continueraient à bénéficier de l'exonération jusqu'au 31 décembre 2013. Donc, en principe, l'agriculture est encore en situation d'exonération jusqu'en 2014.
Aujourd'hui, il est effectivement temps d'ouvrir le débat sur la fiscalité agricole pour une raison très simple : c'est que maintenant, après 30 ans d'exonération, nous avons une expérience suffisamment longue et les moyens d'apprécier et d'évaluer les effets de cette exonération.
Je vous rappelle que même le Plan Maroc Vert, qui a été mis en place, il y a deux ans, a pu dresser un tableau quasiment noir de la situation de l'agriculture à tous les niveaux. Cela veut dire que pendant 30 ans, on a exonéré les revenus, surtout les gros revenus dans l'agriculture, sans pour autant obtenir les effets et bénéfices attendus : c'est-à-dire le développement de l'investissement, la modernisation des exploitations, l'accroissement des performances, la compétitivité de l'agriculture... On n'a quasiment réalisé aucun de ces objectifs, et donc c'est une exonération complètement contre-productive. Elle ne se traduit pas simplement par un manque à gagner pour l'Etat, mais aussi par un enrichissement assez scandaleux de gros agriculteurs qui ont réalisé des profits faramineux sans pour autant être des contribuables.
Au-delà de cela, cette exonération est nocive dans la mesure où elle peut conduire à l'agriculture des «capitaux»…. Avec principalement la fin des investissement de développement, car l'agriculture, pour certains, est devenue une sorte de secteur refuge parce qu'on n'y paye pas d'impôt.
- F. N. H. : N'est-il pas opportun de penser à un système fiscal plus équitable et plus efficace, par exemple, imposer par filière agricole ou par type d'exploitation ?
- N. A. : D'abord, dans le système actuel, l'exonération est une décision souveraine, si je puis dire. Mais, en vérité, dans le droit fiscal marocain, c'est-à-dire dans le droit commun, tous les mécanismes sont aujourd'hui prévus pour l'imposition de l'agriculture. Les modalités d'imposition des revenus agricoles sont précisées dans leur moindre détail dans la loi sur l'impôt sur les sociétés…
Donc, il existe bel et bien un texte qui prévoit un certain nombre d'exonérations et de modulations pour tenir justement compte de certaines particularités. Par exemple, les revenus provenant des cultures céréalières, légumineuses et oléagineuses ne sont imposés qu'à hauteur de 50%. Il existe ainsi déjà une exonération de 50% qui est prévue, puisque les revenus de la production des aliments de bétail sont déjà maintenant dans les textes exonérés. Et ils le seront même lorsque le secteur est fiscalisé en gardant l'actuelle loi. Ce qui veut dire en réalité qu'il n'y aura pas de changement pour cette catégorie-là.
Par ailleurs, il est choquant de constater que, dans notre système fiscal, un salarié qui touche 3.000 DH paye l'impôt sur le revenu, alors qu'un agriculteur qui peut, en une seule récolte, ramasser des milliards ne contribue à rien. c'est quand même choquant, simplement parce qu'il est agriculteur alors que l'autre est artisan, ou commerçant, ou industriel, ou salarié. Au nom de quoi faut-il admettre une telle disparité ? Aussi, il est important que ceux qui gagnent beaucoup contribuent plus que ceux qui gagnent très peu.
Pour un besoin d'équité d'abord, mais aussi pour un besoin d'efficacité, je pense qu'il est indispensable de fiscaliser l'agriculture dans les plus brefs délais, sans attendre jusqu'à 2014, afin qu'elle assume son rôle de secteur qui attire des investissements productifs et non pas des investissements spéculatifs.
Aujourd'hui, on a surtout besoin d'action; ce qui suppose une réelle volonté politique. Les études, elles, peuvent toujours être les bienvenues, mais ne peuvent servir de prétexte pour se substituer à l'action.
- F. N. H. : Près de 80% des agriculteurs sont des petits exploitants. Est-ce que vous pensez qu'ils seront exclus du champ d'application ?
- N. A. : Bien évidemment, pour une raison toute simple : c'est que leurs revenus ne leur permettent même pas d'atteindre le seuil légal commun à tous les contribuables. Le seuil minimal d'imposition est de 30.000 DH par an. Mais la grande majorité des agriculteurs dans ce pays n'atteint pas ce seuil, et cette majorité sera donc exonérée. Mais ce ne sera pas en vertu d'un privilège qu'on lui accorderait : c'est un droit qui revient à tous les contribuables de ce pays.
- F. N. H. : La fiscalité tant annoncée pour 2014 ne risque-t-elle pas d'impacter le Plan Maroc Vert ?
- N. A. : Je ne crois pas que cette fiscalité puisse impacter le Plan Maroc Vert. Pas plus qu'elle ne pourra impacter le commerce, l'industrie ou les services. Je vous rappelle que le PMV inonde déjà l'agriculture de subventions, et le budget du Fonds de développement agricole (qui distribue les subventions à l'agriculture) a été multiplié par trois ces deux ou trois dernières années.
Je vous rappelle aussi que le système, tel qu'il est prévu dans la loi, présente un certain nombre de précautions pour éviter justement que les petits exploitants ne soient imposés. Je vous rappelle également que même ceux qui gagnent beaucoup, mais qui vont s'adonner à un certain nombre de productions comme les céréales, le sucre… bénéficient déjà d'avantages et d'abattements fiscaux.
La production de bétail représente, d'une année à l'autre, 35% de la valeur ajoutée agricole. Et il est déjà prévu quelle ne soit pas fiscalisée, ni totalement exonérée. Dans le texte, il est prévu un certain nombre de dispositifs pour éviter justement ce prétendu effet décourageant de l'agriculture.
- F. N. H. : Dans tous les pays du monde, surtout les plus développés, l'agriculture est très subventionnée au niveau de la production, la commercialisation et aussi de la consommation. Au Maroc, l'exonération n'est-elle pas une sorte de subvention ?
- N. A. : Il est vrai que l'agriculture marocaine, il y a quelques années de cela, ne bénéficiait pas d'aides publiques conséquentes. Mais cet état de fait n'était pas seulement spécifique à l'agriculture marocaine; c'était le cas dans la plupart des agricultures des pays du tiers monde.
Mais cette situation a changé, précisément depuis 2008, au niveau des volumes globaux ou des subventions du Fonds de développement agricole qui ont considérablement augmenté.
Même si on ne dispose pas de statistiques précises, on peut sans risque de se tromper en conclure qu'elles bénéficient d'abord assez largement et toujours aux mêmes, c'est-à-dire aux grands exploitants.
Le nouveau dispositif de subvention du Fonds de développement agricole offre des subventions extrêmement généreuses aussi bien aux investissements pour les équipements, l'irrigation, l'aménagement que pour l'acquisition de matériel. Il faudrait donc que les agriculteurs contribuent en conséquence de leur gain et leur revenu.
Pour les grands exploitants, ce n'est que justice. C'est la moindre des équités qu'ils s'acquittent des impôts dont ils sont redevables, d'autant plus que, par ailleurs, ils bénéficient de subventions conséquentes.
- F. N. H. : Ces derniers temps, on a assisté à une forte spéculation sur les terres agricoles pour des objectifs immobiliers. Comment peut-on remédier à cette situation ?
- N. A. : C'est, en effet, l'un des effets pervers de l'exonération de l'agriculture depuis 3 décennies. L'agriculture est devenue une sorte de secteur refuge pour des spéculateurs du foncier. On achète des terres et on attend que le prix monte pour les revendre par la suite. Evidemment, c'est autant de terres qui sont perdues pour la production agricole elle-même et, en même temps, cela crée des situations de rentes.
La solution, au-delà de la fiscalisation des revenus agricoles, est d'instituer une imposition du foncier plus générale, c'est-à-dire appliquée à l'ensemble du pays tant en milieu rural qu'en milieu urbain, sous forme d'impôt sur les grandes fortunes. C'est un impôt sur le capital, au-delà de son aspect redistributif, dans la mesure où il met à contribution ceux qui ont de grandes fortunes pour ensuite les redistribuer à travers le budget de l'Etat dans la société.
Dossier réalisé par C. J. & W. M.


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