Les négociations agricoles sont déterminantes à la fois pour l'avenir des échanges et de la coopération entre les deux partenaires, marocain et européen. À l'heure actuelle, quelques avancées ont été enregistrées dans ce sens. Les derniers rounds des négociations agricoles entre le Maroc et l'Union Européenne (UE) se sont toujours terminés en queue de poisson. Chaque fois que les deux partenaires n'arrivent pas à se mettre d'accord sur les concessions réciproques en matière d'échanges agricoles, les responsables européens et marocains reportent les négociations sur ce volet à une échéance ultérieure. Le volet agricole reste, ainsi, le maillon faible de l'Accord d'association Maroc-UE. Il est aussi celui où l'interférence entre les clauses de l'Organisation Mondiale du Commerce (l'OMC) et les règles communautaires a une grande influence sur l'économie marocaine. En effet, le différend entre le Maroc et l'Union Européenne est dû au fait que les priorités ne sont pas les mêmes d'une rive à l'autre de la Méditerranée. Ces derniers souhaitent un plus grand accès des céréales, des produits laitiers et de la viande européens au marché marocain. Des produits largement subventionnés qui viendraient concurrencer fortement une production locale en mal de compétitivité. Aujourd'hui, le Maroc et l'Union Européenne viennent de parapher l'accord sur la libéralisation mutuelle et progressive des échanges agricoles qui entrera en vigueur à partir du 1er décembre 2003. Globalement, les deux parties ont convenu de s'octroyer mutuellement un meilleur accès à leurs marchés respectifs. Cet accord est conforme au processus de Barcelone sur la libéralisation progressive des échanges agricoles. Aujourd'hui, le présent accord stipule que la quasi-totalité des exportations agricoles traditionnelles, soit 96%, bénéficieront d'un accès préférentiel au marché de l'UE. De même, la part des exportations agricoles traditionnelles de l'Union Européenne qui bénéficient d'un traitement préférentiel augmenteront pour atteindre 62%. Avant d'entrer en vigueur, cet accord devra être approuvé formellement par la Commission et le Conseil. A cet égard, le Commissaire européen à l'Agriculture, Franz Fishler, se félicite que les deux parties aient pu enfin s'entendre. De l'avis des responsables, cette ouverture mutuelle des marchés profitera aux deux parties. Certes, elle sera synonyme d'augmentation des débouchés pour les agriculteurs de l'UE, mais en parallèle, les producteurs de tomates auront enfin une perspective claire en ce qui concerne les conditions et les volumes d'importation dans l'UE. Cette dernière a ainsi offert au Maroc un meilleur accès à son marché tout en tenant compte de la sensibilité de ce produit dans l'Union Européenne et en respectant le mandat que lui a donné le Conseil. Cet accord prévoit des quotas fixes d'importations mensuelles en franchise de droits représentant 175.000 tonnes par campagne (octobre-mai) et un quota supplémentaire global (15.000 tonnes) pouvant être utilisé entre novembre et mai. Ce quota additionnel sera augmenté durant chacune des trois premières campagnes postérieures à 2003/2004 pour atteindre ainsi 45.000 tonnes au terme de la période. Toutefois, si le volume total des exportations marocaines de tomates durant une campagne dépasse la somme des contingents en vigueur, une quantité de 20.000 tonnes sera déduite de ce contingent additionnel. Le Maroc est aussi disposé à ouvrir son marché du blé tendre en provenance de l'UE. Ces exportations européennes bénéficieront d'une réduction de droits de 38% pour une quantité égale à 1.060.000 tonnes. Toutefois, si la production marocaine dépasse 2,1 millions de tonnes pour une campagne donnée, la quantité soumise à un taux préférentiel sera réduite de manière linéaire. En ce qui concerne les droits de douane, un principe d'adoption du pourcentage de concession est mis en place pour compenser les effets d'éventuelles variations du droit à l'importation. L'accord prévoit aussi des réductions de droits et une augmentation des quotas d'importation pour de nombreux produits agricoles. Appréhensions Une telle ouverture du marché marocain risque de ne pas faire l'affaire de l'agriculture marocaine et surtout des petits et moyens agriculteurs marocains. Ces derniers craignent plus que jamais une ouverture qui peut remettre facilement en cause les maigres résultats acquis dans un secteur qui souffre de tous les maux : sécheresse structurelle, coût du foncier inadapté, dimensionnement des exploitations, surendettement chronique, faible productivité et autres. Ils ne cessent de faire valoir le poids de l'agriculture dans l'économie nationale et le rôle socio-économique qu'elle joue. La population rurale représente encore la moitié de la population marocaine, et le secteur horticole, par exemple, assure à lui seul 500.000 emplois permanents ou saisonniers. Le secteur agricole rapporte au Royaume plus de 6 milliards de dirhams de recettes d'exportation par an, pour 75% en provenance de l'Union Européenne. Certes, en adhérant à l'OMC, le Maroc n'a pas manqué de soumettre "une proposition de négociation pour les produits agricoles. Proposition dans laquelle il confirme son adhésion au principe de la libéralisation des échanges", avec cependant ce corollaire incontournable, qu'il va falloir tenir compte des conditions spécifiques des pays en voie de développement, notamment dans le secteur agricole. Une baisse des barrières tarifaires et non tarifaires irréfléchie et hâtive ferait perdre au Maroc le peu d'atouts dont il dispose dans une guerre commerciale sans merci. Contrairement aux croyances habituelles, les pays européens n'ont pas développé leur agriculture en s'appuyant sur les recettes qu'ils prescrivent aujourd'hui aux pays en développement. Presque tous ont usé de protections tarifaires et de subventions pour favoriser, non seulement la croissance de leur secteur industriel, mais également de leur secteur agricole. Les Européens sont les mieux à même de comprendre que plus les pays de la rive sud de la Méditerranée ont la latitude d'adopter les politiques commerciales les mieux appropriées à leurs conditions spécifiques, plus ils seront capables de s'en sortir plus rapidement. Il s'avère donc indispensable de clarifier les objectifs et d'identifier les instruments qui permettent de concilier l'ouverture au commerce international de notre agriculture et la restructuration du tissu rural sur l'ensemble du territoire.