Le Maroc parviendra-t-il enfin à se doter d'un texte sur le droit de grève, lequel est garanti par la Constitution ? La mouture finale du projet de loi est toujours en discussion. La Fédération démocratique du travail (FDT) a élaboré une étude concernant le droit de grève et les libertés syndicales. Depuis 2009, le projet de loi portant réglementation du droit de grève repose entre les mains des syndicats, du patronat marocain et des deux Chambres. Mais la loi en question tarde à émerger. Pourtant, il y a urgence à clarifier le Code du travail, notamment le droit de grève. Il en va de l'avenir d'un climat de travail serein et de l'équilibre de la société. Malheureusement, le droit de grève reste un concept toujours aussi flou au Maroc. Jusqu'à présent, il n'y a pas de texte qui légifère à ce niveau. Le retard pris par les décrets d'application n'est pas pour arranger les choses. Il y a bien eu des propositions, certes, mais aucune n'a abouti jusqu'à aujourd'hui. Tout est encore au stade des propositions et d'étude. C'est à croire que ce fameux droit fait peur au Maroc. D'autant qu'une tension a toujours subsisté, depuis la mise en place du code du travail, entre salariés et patronat, et au fil du temps ce problème n'a pas l'air de bien vouloir s'arranger. La Constitution garantit le droit de grève, avec toutefois certaines restrictions. Les fonctionnaires sont passibles de sanctions s'ils prennent part à des débrayages ou à des actes collectifs d'insubordination. En outre, en vertu de l'article 288 du Code pénal, quiconque aurait recours à la force, aux menaces ou à des activités frauduleuses visant à provoquer un arrêt de travail afin d'obliger à une modification salariale, ou mettrait en péril le libre exercice du travail, encourt des peines de prison allant de un mois à deux ans. Par contre, le code du travail ne contient aucune disposition relative au droit de grève. La matière reste donc régie par la Constitution (art. 14) et limitée par le dahir de juillet 1957 relatif aux syndicats professionnels et l'article 288 du Code pénal qui réprime l'incitation à l'arrêt du travail. Un projet de loi organique est en discussion, mais les tensions entre les partenaires (notamment sur la question du préavis de grève et de la réforme de l'article 288 du Code pénal) rendent difficile le dialogue. Les conflits sociaux connaissent une baisse depuis quelques années en nombre et dans leur durée, ce qui peut être imputé en partie au rôle préventif accru de l'inspection du travail. A cet effet, la Fédération Démocratique du Travail (FDT) a élaboré une étude concernant le droit de grève et les libertés syndicales et a conclu, au terme de cette étude, qu'il fallait réduire le nombre de conditions exigées pour pouvoir pratiquer le droit de grève, puisqu'elles n'ont pour autres finalités qu'entraver sa pratique. D'ailleurs, Abdelaziz Iouy, secrétaire général de la FDT, précise qu'«on ne peut accepter que la pratique du droit de grève soit entravée par un texte de loi, alors que c'est un droit garanti par la Constitution». Il rappelle aussi que depuis l'Indépendance, aucun texte de loi n'a vu le jour. Pire encore, certains syndicats refusent toujours les propositions de loi soumises en ce qui concerne le droit de grève. «Il est tout à fait inadmissible que les salariés s'engagent seuls, une participation de l'Etat et du patronat est tout aussi nécessaire afin de mettre fin à l'anarchie qui régit ce domaine», souligne Iouy. A cet effet, la mouture finale du projet de loi organique réglementant la grève, sur laquelle se penche le ministère de l'Emploi et de la Formation professionnelle, prendra enfin en compte les observations et les propositions des partenaires sociaux et économiques. Ce projet de loi porte notamment sur le champ d'application de la grève, les parties habilitées à appeler à la grève, le délai de la grève, et les mouvements de grève dans le secteur public, outre la définition des secteurs fondamentaux où l'exercice de ce droit est interdit, compte tenu de leur obligation de dispenser le minimum de services aux citoyens. Il s'agit notamment des gardiens de la paix, du personnel de l'administration pénitentiaire ou encore des agents administratifs. D'ailleurs, le projet a été remis début 2009 aux syndicats, à la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et aux chambres professionnelles, en application de l'approche de concertation préconisée à chaque fois qu'il s'agit de projets à caractère social. Cette démarche nécessite plus de temps, car elle requiert de larges concertations avec l'ensemble des partenaires. En effet, le texte prévoit également une procédure de recours à l'autorité judiciaire qui devra se prononcer sur toute infraction aux dispositions de loi réglementant le droit de grève, que ce soit à la demande de l'employeur ou des syndicats et des salariés. Il faut préciser que les dispositions de ce texte sont conformes aux normes de l'Organisation internationale du travail en matière d'emploi. La question est de savoir maintenant quelle suite le ministère de l'Emploi compte donner à ce projet.