* Les introductions en Bourse se multiplient et les taux de satisfaction de la demande tendent vers zéro. * Les investisseurs risquent d'être découragés lors des prochaines OPV. * Les tenants et les aboutissants d'un phénomène qui inquiète de plus en plus. Lintroduction en Bourse de Matel PC Market a été une fois de plus une démonstration claire de l'abondance de liquidité dans le marché et du déficit de l'offre de papier. Les résultats de l'introduction en Bourse du grossiste de matériel informatique ont dépassé de loin les prévisions des plus optimistes, y compris celles de ses conseillers, comme l'a bien reconnu, en off, un cadre d'Upline Securities, conseiller et coordinateur global de l'opération. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Pour un montant maximal de l'offre d'un peu plus de 139 MDH, le montant souscrit a atteint la somme astronomique de près de 9,5 milliards DH, soit une sursouscription de plus de 68 fois. Ce qui a engendré un record d'insatisfaction des souscripteurs, avec un taux moyen de satisfaction de la demande d'uniquement 1,46%, sachant bien que la période de souscription n'est pas allée jusqu'au bout. Elle a été en effet interrompue à la deuxième journée pour éviter justement un faible taux de satisfaction, comme ce fut le cas pour la quasi-totalité des introductions, nombreuses rappelons-le, de l'année précédente. Il faut dire que depuis la reprise du marché boursier en 2003, les taux de sursouscription ont varié, à titre indicatif, de 10 à 12 fois pour IAM, BCP, Sothema, Dari Couspate Ils ont atteint près de 20 fois pour des opérations comme celles d'Addoha ou de Mediaco, voire 33 fois pour Distrisoft Soif des investisseurs Ce phénomène peut avoir plusieurs explications. En premier lieu, il y a la surliquidité qui prévaut sur le marché et qui ne cesse d'accroître le déséquilibre entre l'offre et la demande de papier. Ensuite, étant une source de gain rapide, les OPV connaissent un engouement hors-pair de la part des investisseurs, et surtout des spéculateurs en quête d'opportunités de placement à court terme. De même, depuis quelque temps, la demande dépassant systématiquement l'offre lors des OPV, et le nombre d'actions demandées étant rarement attribuées, les investisseurs ont tendance à souscrire un volume important d'actions, si toutefois ils appréhendent que la demande sera supérieure à l'offre : cela consiste simplement à demander par exemple 100 actions pour espérer en avoir 10, d'autant plus que l'allocation se fait au prorata. L'on se retrouve ainsi dans un cercle vicieux où les demandes sont artificiellement gonflées. Par ailleurs, on constate une certaine inadéquation entre le réseau placeur (ou le syndicat de placement) et la taille des opérations. Les intermédiaires du marché boursier, composant les syndicats de placement, n'épargnent aucun effort pour attirer le maximum de souscripteurs au vu des retombées financières que peut avoir ce type d'opérations sur leurs comptes. Rappelons qu'une commission de 0,6% est prélevée à chaque souscripteur sur le montant attribué, ce qui est considérable au vu des sommes en jeu. Chose qui peut constituer une bouffée d'oxygène pour ceux qui arrivent à attirer le plus grand nombre de souscripteurs. D'ailleurs, c'est pour parer aux souscriptions fictives ou démesurées que le CDVM, nous confie son Directeur général adjoint, Hicham Alami, était intervenu l'année dernière, via une circulaire, pour limiter, sans pour autant interférer dans le libre jeu du marché, les abus qu'on relevait auparavant. Ainsi, plusieurs mesures ont été prises par le gendarme du marché. Il s'agit d'abord du contrat de placement ou de la convention de placement, conclu entre la société qui s'introduit et les intermédiaires en Bourse. Ensuite, le CDVM a précisé les modalités de la garantie financière du souscripteur afin de s'assurer que la demande est réelle et bien fondée. Il peut s'agir d'un dépôt en espèces, en titres, voire en parts d'OPCVM ou de tout autre titre financier. Il peut s'agir également d'une caution bancaire garantissant la couverture du montant demandé lors de la souscription au moment de l'allocation. Autre mesure : les conseillers des émetteurs peuvent à tout moment intervenir pour une clôture anticipée des souscriptions s'il s'avère que l'on se dirige vers un taux de satisfaction de la demande faible, voire nulle. Enfin, l'instauration d'un plafond par tranche de souscripteurs destinée à freiner l'inflation des souscriptions. Toutes ces mesures réglementaires avaient pour objectif de limiter la problématique des sursouscriptions. Mais rien qu'au regard de la dernière OPV, l'on se rend compte que le dispositif mis en place n'arrive pas pour l'instant à produire les effets escomptés. Cela pour dire que cette problématique, qui semble ne pouvoir être résolue par des circulaires, encore moins par des mesures restrictives, a des soubassements plutôt structurels, car elle émane en premier d'une réalité d'un marché étroit, noyé dans la surliquidité et pris d'assaut ponctuellement par un grand nombre d'investisseurs en soif de papier frais. Mais, comme le dit si bien Alami, «nous sommes dans un marché libre et on ne peut rien changer au jeu de l'offre et de la demande». Le revers de la médaille La conséquence de ces taux de sursouscription impressionnants est que les taux de satisfaction de la demande leur sont inversement corrélés, passant de 13,79 et 11,48% respectivement pour Sothema et la BCP à 5,72% pour Addoha, 4,65% pour Maroc Télecom, 4,06% pour Risma, et seulement 2,98% pour Distrisoft Cette situation inquiète plus d'un. Certes, cela signifie, d'une part (tant pour les sociétés introduites que pour leurs conseillers financiers), un grand succès de l'opération et garantit, d'autre part, le bon comportement du titre sur le marché secondaire (au vu de la ruée des investisseurs insatisfaits vers les titres nouvellement introduits). Néanmoins, comme le savent si bien les bons commerciaux, «un client insatisfait, c'est dix clients perdus». En effet, d'aucuns craignent un découragement des investisseurs insatisfaits lors des prochaines OPV. «Participer à une opération pour n'avoir que 1 ou 2% de ce que j'ai demandé. Cela ne rime à rien !», nous dit un petit porteur qui gère un portefeuille actions de près de 500.000 DH. Un sentiment que partagent beaucoup d'autres investisseurs. L'on se demande alors si ce phénomène qui tend à devenir récurrent ne risque pas de provoquer une certaine désaffection pour les futures introductions en Bourse. Selon Hicham Alami, «des taux de satisfaction faibles, résultat d'un excès de la demande sur l'offre, peuvent certes décourager les investisseurs, mais le plus important est que cela soit le résultat d'une demande réelle». Vrai. Mais n'empêche qu'une demande excessive peut tuer la demande !