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OPV : Les mécanismes de souscription sont-ils sains ?
Publié dans Finances news le 28 - 02 - 2008

• Jamais les opérations d’introduction en Bourse n’ont attiré autant de monde. Motivée par le gain rapide, la demande des souscripteurs atteint des niveaux sans précédent.
• La demande est dopée souvent par les banques qui accordent des crédits-leviers . La dilatation des syndicats de placement, constitués souvent des principales banques de la place, serait aussi derrière cette inflation des souscriptions.
• Résultats des courses : personne n’est satisfait et le sentiment de frustration chez les souscripteurs est général. Tout le proccess est remis en question et les mécanismes de souscription sont, aujourd’hui et plus que jamais, pointés du doigt.
21.500 souscripteurs pour Addoha, 55.OOO pour CGI, 111.800 pour Atlanta, plus de 120.000 pour la Snep… Jamais les offres publiques de ventes n’ont été tant plébiscitées par le grand public qu’aujourd’hui. Les particuliers n’ont jamais porté un aussi grand intérêt à ce qui se passe dans la tour de verre du boulevard des FAR. Des dizaines de milliers d’entre eux ne ratent plus aucune IPO et n’hésitent pas à mettre toutes leurs économies dans le marché des actions. Bon nombre d’entre eux vont jusqu’à s’endetter pour ne pas passer à côté de la cagnotte… Et pour cause : un marché boursier devenu populaire, des fortunes qui se font en un rien de temps, et des mécanismes de souscription facilitant la tâche aux prétendants… Les émetteurs et leurs conseillers, aidés en cela par des établissements bancaires peu scrupuleux et une réglementation aux abonnés absents, font tout pour attirer le maximum de gens. Tous les moyens possibles et imaginables sont utilisés. Financement pouvant couvrir jusqu’à 10 fois le montant souscrit, syndicat de placement tiré à l’extrême, procurations illimitées… Résultat des courses : une frustration générale ! Les taux de satisfaction de la demande peinent à dépasser le 1%. Une personne qui demande 100 titres n’en reçoit in fine que 2 ou 3 au meilleur des cas. Une opération comme celle de Stokvis Nord Afrique, pour ne pas la citer, n’a servi qu’une (pauvre petite) action par tête! Personne n’y gagne in fine…Et tout le process est aujourd’hui remis en question. A quoi bon participer à une introduction en Bourse si l’on est (très) mal servi au bout du compte ? Le marché, dans toutes ses composantes, commence à se poser de réelles questions quant à la crédibilité et l’efficience des opérations d’introduction en Bourse. Qu’est-ce qui ne va pas alors au juste ? Les mécanismes de souscription utilisés sont-ils sains? Les banques y sont-elles pour quelque chose? Comment lutter contre cette inflation (démesurée) des souscriptions ? Faut-il peut-être réglementer la question ? Que fait alors le CDVM…? Autant de questions qu’il est aujourd’hui important de soulever dans un contexte d’euphorie généralisée… D’autant que l’année en cours promet monts et merveilles en termes de nouvelles introductions en Bourse. Le marché se fait déjà écho d’une quinzaine de nouvelles IPO. C’est dire que le problème est aujourd’hui encore plus d’actualité qu’avant. Faudra alors réagir avec célérité.
D’où provient le cash?
Mais avant d’apporter des éléments de réponse, il faudra rappeler quelques chiffres pour donner une idée de l’ampleur du phénomène. Pour l’OPV des titres de l’assureur Atlanta intervenue en octobre dernier, le montant des souscriptions a dépassé la barre des 125 milliards de Dirhams pour seulement 1,2 milliards de DH d’actions offertes. Les particuliers, à eux seuls, ont demandé un peu plus de 66 milliards de DH, soit plus de la moitié de la demande globale! La demande moyenne par souscripteur a atteint ainsi quelque 600.000 DH et le taux de satisfaction n’est ressorti qu’à 0,97% seulement. Autre exemple parlant : la CGI. Ici, la demande s’est élevée, tenez vous bien, à plus de 500 milliards de Dirhams. La filiale immobilière de la vieille dame de Rabat (CDG) n’en a proposé au public que 3,5 milliards! 54.000 particuliers ont pris part à l’opération demandant, chemin faisant, plus de 170 milliards de dirhams, soit un peu plus de 35% de la demande globale. Chaque souscripteur a demandé en moyenne 3 millions de Dirhams… Ils ont déchanté puisque le taux de satisfaction de la demande s’est limité à seulement 0,71%.
S’il s’agit-là de deux grosses opérations, par leur taille et par la nature et la qualité de leurs initiateurs, il faut savoir que même les petites opérations menées par quelques PME, pas trop connues du grand public, n’ont pas dérogé à cette règle. Des IPO telles que Matel PC Market ou m2m, pour ne citer que celles-là, n’ont pas en effet dérogé à cette règle. Ces deux opérations ont drainé des demandes respectives de 9,4 milliards et 13 milliards de DH pour des montants offerts de seulement 138 et 141 millions de dirhams. Plus de 13.000 personnes physiques ont souscrit aux deux opérations pour une demande moyenne (par tête) de 400.000 DH! Question : d’où provient tout ce cash? Les particuliers marocains sont-ils aussi riches qu’ils sont prédisposés à mettre tout cet argent en Bourse? Pas si sûr. «La demande des particuliers n’est pas réelle. Elle est souvent biaisée par le crédit de levier que mettent en avant les banques dans chaque opération d’introduction en Bourse. C’est de la création inflationniste pure et dure», s’alarme ce professionnel du marché.
Les banques dopent la demande
En effet, les banques ont joué un rôle très important dans l’amplification de ce phénomène. La majorité des particuliers qui lorgne les opérations d’introduction en Bourse n’a pas accès aux services des sociétés de Bourse, élitistes dans le choix de leur clientèle. Du coup, seule issue : ils se rabattent sur les agences bancaires comme des mouches.
Les critiques virulentes à l’encontre des banques foisonnent de toute part. D’abord, concernant le fameux effet de levier. Les banques n’hésitent pas en effet à proposer aux souscripteurs des crédits allant jusqu’à dix fois les montants réels qu’ils sont prêts à miser. Les chargés de clientèle, censés porter conseil aux particuliers, vont parfois jusqu’à imposer cet instrument de financement. L’argumentaire de vente mis en avant est aussi insensé qu’improbable. «Vous avez juste à signer le contrat du crédit. Vous n’aurez d’ailleurs pas besoin de l’utiliser. Le nombre d’actions offertes est un peu faible et la demande est trop importante. L’opération ne vous coûtera rien, en plus», avance-t-on au client, souvent pas trop averti. Cette pratique gonfle substantiellement les chiffres de la demande et génère une situation inflationniste vu que les taux de satisfaction tendent souvent vers zéro. Mal servis, les investisseurs souhaitant remplir leurs emplettes de titres, se rabattent sur le marché de détail, poussant le cours des valeurs à des niveaux astronomiques au point de se déconnecter complètement de leurs fondamentaux économiques. D’ailleurs, un phénomène qui est devenu courant ces derniers temps : tous les nouveaux titres introduits passent (souvent et forcément) par, au moins, trois séances successives de réservation à la hausse avant de traiter sur le marché central.
Autre pratique pointée du doigt : le surdimensionnement des syndicats de placement. Dans certaines opérations, presque toutes les banques, avec leur armada et leurs réseaux d’agences, sont associées. Résultat des courses : la demande explose. «Souvent, la taille du syndicat de placement n’est pas en adéquation avec la taille de l’opération, ce qui fait croître la demande conduisant à des taux d’attribution très faibles», indique ce professionnel du marché. Il faut dire que les banques font des pieds et des mains pour se tailler une place dans le réseau placeur de l’opération. «Le lobbying est poussé à son comble. Certains usant même de certains moyens de pression à leur disposition face aux émetteurs, au vu des intérêts croisés qui existent souvent entre eux. Tout le monde se sert. Et on se renvoie l’ascenseur mutuellement, puisque les conseillers financiers sont souvent des filiales de banques», martèle-t-il.
La réglementation est muette…
Solution ! «Tant que les règles du jeu ne sont pas explicitement édictées, les choses n’évolueront pas. Le CDVM doit en effet réagir rapidement en imposant des règles invariables à toute opération d’introduction en Bourse», explique ce patron de société de Bourse. Intérrogé par Finances News Hebdo sur la question (voir Interview en page VII), Hicham Elalamy, Directeur Général Adjoint du CDVM, reconnaît que «les mécanismes de souscription utilisés, sans être irréguliers ou illégaux, ne sont pas à 100% sains», mais précise au même moment, que «le CDVM ne peut en aucun cas imposer les règles de souscription aux émetteurs». A ce stade, le gendarme du marché se contente de «conseiller fortement» l’émetteur et son conseiller d’exiger le maximum de dépôt initial lors d’une souscription et de se doter d’un syndicat de placement en adéquation avec la taille de l’opération. «Nous avons émis une circulaire sur le placement où nous le recommandons, mais nous ne pouvons cependant pas l’imposer», indique Hicham Elalamy. Selon plusieurs sources concordantes, les banques, sous la coupole de Bank Al-Maghrib, seraient en train de réfléchir sur une sérieuse solution à ce phénomène. «Le GPBM est en train de travailler sur une charte d’éthique visant à clarifier les modalités de financement des valeurs mobilières». Est-ce suffisant ? Seul le temps nous le dira !


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