L'accélération du rythme des investissements depuis 2007 fait que l'épargne couvre de moins en moins le rythme de l'investissement. L'épargne nationale, en plus d'être insuffisante, souffre d'une faiblesse du mécanisme de transformation en investissements productifs. Le renforcement de l'épargne longtermiste est le seul mécanisme apte à remédier à la sous-liquidité bancaire au Maroc. Or, les plans d'épargne restent inatractifs sur le plan fiscal. Contrairement aux décennies précédentes, où la croissance économique évoluait en dents de scie et les phases de dynamisme étaient rapidement interrompues, l'activité économique s'est inscrite depuis 2001 dans une phase de croissance continue. Ce dynamisme est le fruit d'une série de réformes initiées depuis le début de la dernière décennie. La crise qui a secoué le monde au cours des trois dernières années a mis en exergue la résilience de l'économie marocaine. Cette résilience était certainement due, en premier lieu, à un système financier fortement réglementé, mais cela n'occulte pas le fait que des performances sont à l'actif de certains secteurs à forte croissance comme le BTP, le tourisme et le transport. Aussi, certains secteurs émergents tels que les télécommunications, les nouvelles technologies de l'information, l'électronique et l'agroalimentaire ont fait preuve de diversification progressive, voire d'une contribution à forte valeur ajoutée. Toutefois, il est à noter que la crise n'est pas exempte d'incidences sur le déficit public qui a augmenté en valeur absolue. Mais le volume de la dette publique reste à un niveau inférieur à 50% du PIB. Le dernier emprunt international de 1 milliard d'euros dont a bénéficié le Maroc, à des conditions optimales, est une preuve tangible que sa crédibilité sur les places financières n'a pas été impactée. L'argentier du Maroc a voulu ainsi démontrer que le souci de son département était de permettre au Maroc de tirer le meilleur parti d'une telle sortie sur le FMI et, par ricochet, assurer le financement du déficit budgétaire au meilleur coût pour les deniers de l'Etat. Pour rappel, cette levée de fonds s'est effectuée en date du 28 septembre suite à une tournée qui a conduit l'équipe marocaine, dans 9 places financières, à la rencontre d'une centaine d'investisseurs. Dans un contexte en pareille évolution, les analystes de l'Observatoire de l'Entrepreneuriat ont essayé de faire le point sur le financement du développement économique. Pour y parvenir, il est toujours intéressant de se pencher sur les raisons qui sont sous-jacentes à la sous-liquidité. Une liquidité sous pression D'après eux, la dynamique de l'investissement à l'œuvre depuis une dizaine d'années, est désormais confrontée à un véritable problème de financement. En effet, l'accélération du rythme des investissements depuis 2007 fait que l'épargne couvre de moins en moins le rythme de l'investissement. Ce qui s'est traduit au fil des ans par un déficit structurel de financement. Ce déficit, conjugué au besoin grandissant du Trésor, se matérialise par un renforcement de la tension sur la liquidité que connaît déjà le secteur bancaire. «Cette situation résulte d'une progression continue du rythme de crédits par rapport aux dépôts. Le taux d'emploi a évolué de 76,5% en 2002 à 87,3% en 2009, et à 94% au premier trimestre 2010», a annoncé M. Benchâaboun, PDG du Groupe Banques Populaires à l'occasion de la publication des résultats semestriels du Groupe. Parmi les raisons de sous liquidités, on peut citer également la baisse des recettes de privatisation qui, il y a quelques années, était la source d'abondance de liquidités. Ajoutons à cela la consommation des ménages et des entreprises qui s'accroissent plus rapidement que le PIB et dont près de la moitié porte sur les produits importés. Ce qui dénote qu'une partie des investissements financés par les banques se retrouve sur les marchés financiers et non plus en épargne au travers des salaires. Le puzzle se trouve ainsi au complet avec la baisse des transferts des MRE, les recettes touristiques et les IDE. Comparativement à la moyenne des autres régions, le Maroc enregistre l'écart épargne/investissement (en pourcentage du PIB) le plus élevé. À ce rythme et si rien n'est fait pour y remédier, les équilibres macro-économiques mis en place depuis une dizaine d'années risquent d'être rompus. Le Maroc pourrait encore recourir à un emprunt international pour faire face à cet assèchement de liquidités. À rappeler que le Maroc s'est engagé dans différents projets de mise à niveau (Plan vert, Pacte national pour l'émergence industrielle, Vision 2010…) et les besoins de financement ne pourraient être que grandissants. «Le montant nécessaire à la réalisation de ces projets est estimé à plus de 300 Mds de DH, ce qui nécessite une meilleure mobilisation de l'épargne», apprend-on au niveau de l'ODE. Or, en y regardant de près, on constate que le type d'épargne mobilisé est incompatible avec le financement de projets étalés sur le long terme (10 à 20 ans). 70% de l'épargne au Maroc sont constitués de placements liquides à court terme qui ne permettent pas le financement d'investissements structurants. L'épargne de moyen et long termes (bons de Trésor, OPCVM, obligations, fonds d'investissement…) reste limitée. Les mesures mises en place par le gouverneur de BAM pour remédier à cette problématique de la sous-liquidité bancaire, comme la baisse du taux de la réserve monétaire ou encore le maintien du taux directeur à 3,25%, sont plus des réponses conjoncturelles et ne constituent pas des solutions à long terme. D'autres mesures pourraient donc être envisagées afin d'encourager l'épargne longtermiste. La première est de veiller à une rémunération réelle positive et intéressante de la petite épargne. Les taux créditeurs servis sont aujourd'hui faibles et non incitatifs pour la petite épargne. La seconde mesure consiste à développer des Plans d'Epargne Organisés (PEO) s'adressant à des classes socio-professionnelles larges et, par conséquent, offrant des taux de rémunération croissants en fonction de la durée de blocage des fonds (plans d'épargne-logement, plan d'épargne-action, plan d'épargne-entreprise…). Reste que sur le plan fiscal, ces PEOs demeurent relégués au second rang. C'est ce qui fait que leur développement est toujours à ses premiers balbutiements. Enfin, last but not least, une meilleure mobilisation de l'épargne étrangère serait également la bienvenue, mais cela nécessite aussi une politique de change souple et adaptable.