Le jumelage avec la ville marocaine d'El Jadida, lancé il y a 20 ans, se consolide. L'occasion de se pencher sur le profil de ses habitants, des Marocains au caractère bien trempé, réputés pour être de bons vivants au gabarit solide... La légende veut que lorsque, dans la région de Doukkala, un étranger demande où se trouve El Jadida, le “Doukkali” interrogé lui montre la ville non du doigt mais en soulevant puis en pointant… un âne dans cette direction ! Et il n'y a pas de fumée sans feu : les habitants de cette province (Doukkala-Abda), avec laquelle Sète est jumelée via l'un de ses chefs-lieux, El Jadida (l'autre est Safi), sont effectivement dotés d'un gabarit assez singulier pour le merveilleux royaume. Carrure qu'ils doivent à leur génétique, certes, mais aussi à leur région, généreuse en terme agricole, et à leur mode de vie. À quelques jours de la “Semaine du Maroc à Sète” (elle débute mercredi soir), petit focus sur le profil, les goûts, les passions et le “pays” de ces cousins de l'autre rive… Le Doukkali est gourmand… La région de Doukkala-Abda, qui s'étend autour d'El Jadida, à une centaine de kilomètres de Casablanca, sur la côte Atlantique, est réputée pour son agriculture et son élevage. Courges, tomates, raisin, fraises et primeurs en général y sont très largement produits. Mais on y trouve aussi du miel, des coquillages (les huîtres de Oualidia sont réputées être "les meilleures du monde") et des viandes de qualité (bovine, ovine). Quant à la variété des poissons que l'on y déguste, elle ferait pâlir un Sétois d'origine italienne : bars, saint Pierre, poulpes, sardines, encornets, thon, etc., sont quotidiennement débarqués à la criée d'El Jadida et consommés par toutes les classes de la population. Surtout sur les côtes (Doukkala-Abda en compte 140 km !). La gourmandise des Doukkali, réputés pour faire plusieurs repas par jour, est ainsi assez “excusable”. Carrément même quand on sait qu'à la cuisine marocaine, dont les Doukkali sont bien sûr friands, s'ajoutent des influences espagnoles qui enrichissent encore ce patrimoine culinaire : chez les “locaux”, la paella est ainsi un plat assez commun. Enfin, sur une partie du territoire flirtant avec le terroir Boulaouane, on produit des vins délicieux, que les Doukkali se laissent paraît-il parfois aller à déguster. Ce qu'on leur reproche forcément çà et là, comme leur propension à faire la fête dès qu'une bonne occasion se présente. Une passion : le cheval Dans la région de Doukkala-Abda, on voue un véritable culte au meilleur ami de l'homme. Que les foyers soient modestes, et utilisent encore le cheval pour se déplacer (voire dans l'agriculture) ou qu'ils soient plus aisés et possèdent un cheval pour agrémenter leurs loisirs. "Un père de famille préférera se priver de nourriture que négliger l'alimentation ou les soins apportés à son cheval", vous répète-t-on à l'envi. Outre l'activité des haras nationaux (d'El Jadida), des écuries de chevaux de course, l'année est rythmée par les rendez-vous à l'hippodrome et les fameux “Moussem du cheval”. Parmi les autres passions répandues dans la province, celle pour la fauconnerie, que les Doukkali partagent occasionnellement avec d'autres amateurs venus des pays du Golfe. Enfin, le tableau des sports et loisirs serait incomplet si l'on omettait de citer le sacro-saint football, et plus précisément le beach-soccer (foot de plage), que des centaines d'enfants et d'adolescents pratiquent quotidiennement sur les vastes plages d'El Jadida. Un Eldorado à trois heures de Sète ? El Jadida, 250 000 habitants aujourd'hui, cumule bien des atouts. Ceux d'une cité historique, Mazagan, créée par les Portugais, dont les remparts s'avancent encore dans l'océan et dont la citerne du XVIe siècle est classée au Patrimoine mondial de l'Unesco. Ceux d'une station balnéaire au climat doux et aux plages vastes. Ceux, aussi et surtout, d'une ville dynamique où un centre d'affaires avait été créé dès les années 1910. Aujourd'hui, à trois heures de Sète (ou plutôt de l'aéroport de Montpellier), les artères de la ville nouvelle ont un petit air de Barcelone, alors que de la province émane comme un parfum de “movida”. Comme en Espagne au début des années 1980, l'autoroute et les voitures de luxe (la vente de marques premium a fait un bond de 41 % cette année au Maroc) voisinent avec des villages très ruraux. Le tout ne manque pas de charme. Du reste, ni trop riche, ni trop pauvre, la région d'El Jadida ne souffre pas d'un chômage endémique, celui-ci n'excédant pas 12 % de la population active. Il faut dire que comme l'agriculture (on se met aussi au “bio”), la pêche occupe encore des milliers de professionnels (là-bas, ils font “les marées”, à savoir qu'ils ne rentrent pas au port tous les jours) qui ne souffrent pas trop de la cherté des carburants, la caisse de compensation du Royaume permettant d'atténuer l'inflation du prix du pétrole. Toujours sur la côte, le port de Jorf Lasfar (à 17 km d'El Jadida) traite 12 millions de tonnes de marchandises, et notamment des phosphates. 240 millions de dollars y ont été investis en 2012 ! Enfin, le roi Mohammed VI a inclu cette région dans son “plan Azur” de développement des infrastructures. En favorisant par exemple l'implantation du Mazagan Beach, un “resort” du groupe sud-africain Kerzner, qui a permis de créer 3 000 emplois, directs et indirects. En 2009, le patron de la Banque Populaire El Jadida-Safi évoquait "un dragon aux portes de Casablanca". Dragon du reste "accueillant pour les investisseurs français, a fortiori sétois", assure Mohammed Hakari, du comité de jumelage Sète-El Jadida, "les portes du Doukkala étant toujours ouvertes". À bon entendeur…