Les souks hebdomadaires sont devenus si nombreux à travers les Doukkala et Oulad Bouaziz que presque chaque commune a le sien, alors que parfois seuls quelques kilomètres les séparent.
Les marchands étalent leurs marchandises où bon leur semble. Pour ne citer qu'un exemple, les communes urbaines ou rurales Tlat Sidi Bennour, Had Ouled Frej, Tnin Sidi Smail, Arbaa Aounat, Arbaa Oulad Amran ont chacune un souk hebdomadaire, alors qu'elles ne sont séparées l'une de l'autre que par 25 à 40 km de distance. Malgré les changements et l'évolution des modes d'achat des doukkalis, les souks ont toujours autant de succès et surtout une place privilégiée, notamment chez les catégories sociales modestes, du fait de l'ambiance qui y règne et surtout les bonnes affaires que ces gens peuvent y réaliser. C'est pourquoi le jour du souk est devenu un rendez-vous incontournable pour des clients fidèles qui viennent d'horizons divers et parfois de régions lointaines pour s'approvisionner en produits alimentaires, électroménagers et fournitures diverses.
Qu'il pleuve ou qu'il vente, les ménagères habituées à ces souks ne ratent jamais le rendez-vous qu'elles attendent impatiemment pour faire leurs emplettes hebdomadaires. On dirait que c'est un grand centre commercial provisoire où des commerçants, des artisans, des marchands des quatre saisons viennent dresser leurs tentes pendant une journée pour écouler leurs marchandises. Cependant, ces espaces, malgré les services rendus, demeurent mal organisés, mal gérés par les responsables, à qui il incombe de veiller au bon déroulement de ces souks hebdomadaires.
Les commerçants ambulants doivent se tenir généralement sur des terrains vagues ou dans des espaces verts situés aux portes des villes et loin des zones d'habitation. Mais avec l'expansion des communes, certains souks s'implantent au centre des bourgades, occupant les trottoirs des grandes artères, même les petites ruelles et les impasses sont conquises par les vendeurs qui étalent leurs marchandises à même le sol. Inutile de parler du calvaire vécu chaque semaine par les centaines de riverains pour sortir de chez eux ou y rentrer, la circulation des voitures étant bloquée. Fethi, habitant des Ouled Frej, à l'endroit même où vient s'installer chaque dimanche le souk hebdomadaire, exprime son ras-le-bol : «Chaque semaine, nos enfants vivent un calvaire, ils doivent aller à pied pour accéder au collège ou au lycée situé de l'autre côté de la commune, car ni la voiture, ni le bus ne peuvent circuler le jour du souk.
Les habitants motorisés doivent faire un long détour pour rejoindre leur maison ! Le choix de cet endroit pour un souk est arbitraire !» se plaint-il. Toutefois, le malheur des uns fait le bonheur des autres. L'installation des stands et des étalages devant les maisons ne semble pas gêner certains habitants qui trouvent l'occasion de transformer leurs garages ou une partie de leur jardin en dépôts pour les commerçants de fripes et de produits d'exportation ou, par la force des choses, ils deviennent à leur tour des commerçants occasionnels exposant sur le seuil de leurs portes. Parfois même, une certaine connivence tacite s'établit entre les riverains et les vendeurs. Comme l'indique Ahmed, un habitant d'un quartier populaire où se tient chaque samedi le souk de Sebt Maarif caidat Ouled Amrane : «Il n'y a aucun problème avec les marchands, la plupart des riverains coopèrent avec ces vendeurs. Ils sont là pour gagner leur pain, pourquoi les en empêcher. Et puis, c'est une animation de notre quartier populaire qui ne connait aucune autre activité, à part ce rassemblement commercial !»
Mais là où le bât blesse, c'est lorsque le brouhaha de la foule s'élève : les vendeurs qui poussent leurs cris hystériques en même temps pour vanter leurs produits et attirer plus de chalands, les disputes éclatant entre vendeurs et clients et le son strident des chansons populaires émanant des haut-parleurs, tout cela crée, certes, de l'ambiance, mais pourrait nuire aux habitants du voisinage, surtout aux malades ou aux personnes âgées.
De plus, l'état dans lequel sont laissés les trottoirs après ces souks est une calamité. Un amas de déchets, de cartons et de sachets éparpillés ça et là et il faut attendre le lendemain pour que les employés viennent nettoyer les lieux, sans compter que ces souks ne sont pas dotés de blocs sanitaires. Chacun y fait donc ses besoins comme bon lui semble. Quid de la sécurité sanitaire On trouve de tout dans les souks : des vendeurs occasionnels de casse-croutes sous forme de «poissons grillés» et d'autres petits commerces de «gâteaux» qui échappent à tout contrôle sanitaire. Tibari, un habitué des souks, remarque : «Aucun contrôle sur les produits exposés ; les marchands de produits cosmétiques se permettent de vendre des médicaments importés (pommades et lotions pour beauté) qui, à force d'être exposés au soleil, deviennent nocifs ou sont tout simplement périmés. Il en est de même pour les articles électroniques : le client peut en acheter, attiré par le bas prix, mais à ses risques et périls ! Pourquoi ces souks échappent au contrôle des organisations de défense du consommateur ou de celle de la santé publique ! Pourtant, des milliers de clients fréquentent ces souks. Pourquoi le rôle des communes urbaines ou rurales se borne-t-il à la location des lieux qui restent à la merci d'une poignée de “Fnadkias” sans scrupules qui n'arrêtent pas de harceler les commerçants et de faire la loi ?» Il incombe aux autorités locales d'intervenir pour organiser ce secteur, ô combien vital, pour des milliers de familles modestes qui en vivent.