Une enquête du HCP sur les revenus des ménages, leurs sources et leur répartition sociale a démontré que l'inégalité du revenu, estimée par l'indice de Gini, est de 46,4%, relativement élevée et dépassant le seuil socialement tolérable (42%). Cette inégalité du revenu est de 45% en milieu urbain et de 44,5% en milieu rural. Dans les pays où le registre fiscal est disponible, la fiscalité des revenus constitue la source par excellence des études sur leur répartition. Au Maroc, en dehors du revenu comptable qui permet d'avoir le niveau du revenu par habitant, sans permettre d'en connaitre la répartition, le Haut-Commissariat au Plan (HCP) a jusqu'à présent essayé d'appréhender la répartition sociale des revenus à travers celle de la consommation des ménages avec tous les biais que cette approche pourrait comporter, notamment en ce qui concerne l'observation des revenus les plus élevés. Cette limite sera illustrée dans la 3ème section de cette note. Pour la première fois, le HCP a essayé d'appréhender cette question à travers une enquête directe auprès des ménages en s'inspirant, dans ce domaine, de l'expérience de l'Institut National de Statistique d'Italie. Cette enquête, qui couvre l'ensemble du territoire national et des couches sociales, a été réalisée du premier décembre 2019 à fin mars 2020 auprès d'un échantillon de 3 290 ménages, échappant ainsi aux effets de la pandémie COVID-19 et renseignant aussi bien sur les sources sectorielles que sur la répartition sociale des revenus des ménages. L'un des enseignements de cette enquête est que le revenu total des ménages marocains est ainsi estimé annuellement à 767.142 millions de dirhams. Les ménages urbains disposent d'un revenu total 2,8 fois celui de leurs homologues ruraux, respectivement 564 024 millions de dirhams pour les premiers et 203 118 millions de dirhams pour les seconds. Par ménage, le revenu annuel moyen s'établit à 91 933 DH, ce qui équivaut à un revenu mensuel moyen de 7 661 DH. Il est de 98 483 DH en milieu urbain, (8 207 DH par mois) et 77 600 DH en milieu rural (6 467 DH par mois). Et compte tenu que certains revenus, très élevés, tirent la moyenne vers le haut l'écartant des niveaux les plus fréquents, la médiane serait un meilleur indicateur pour renseigner sur le niveau de répartition de revenus. Ainsi, * 50% des ménages à l'échelle nationale ont un revenu mensuel moyen supérieur à 5 133 DH ; * 50% des ménages en milieu urbain ont un revenu mensuel moyen supérieur à 5 609 DH ; * 50% des ménages en milieu rural ont un revenu mensuel moyen supérieur à 4 237 DH. Par personne, le revenu annuel moyen est de : * 21 515 DH au niveau national, équivalent à 1 793 DH par mois ; * 24 992 DH en milieu urbain, ou encore 2 083 DH par mois ; et * 15 560 DH en milieu rural, ou encore 1 297 DH par mois. A cet égard, l'analyse de la concentration des revenus par tête en 2019 selon les différentes catégories socio-économiques permet de faire les constatations suivantes : * Au niveau national, les 20% de la population les plus aisés détiennent plus de la moitié (53,3%) des revenus des ménages contre 5,6% pour les 20% les moins aisés. * Avec un revenu annuel moyen par tête de 57 400 DH, les 20% de la population les plus aisés disposent d'un revenu environ 10 fois (9,6) celui des 20% de la population les moins aisés (6 000 DH). * En milieu urbain, le revenu annuel moyen par tête est de 65 070 DH pour les 20% les plus aisés contre 7 286 DH pour les 20% les moins aisés et le rapport inter-quintile est de 8,9 fois. Au total, la part des 20% les plus aisés dans la masse totale des revenus est de 52,1% contre 5,9% pour les 20% les moins aisés. * En milieu rural, les 20% de la population les plus aisés ont un revenu annuel moyen par tête de 40 700 DH et détiennent plus de la moitié du revenu total (52,3%), alors que les 20% les moins aisés, avec un revenu annuel moyen par tête de 4 900 DH, en disposent de 6,3%, soit un rapport inter-quintile de 8,3. Cette concentration des revenus est plus accentuée parmi les 10% de la population les moins aisés et les 10% les plus aisés : * Les 10% de la population les moins aisés vivent avec moins de 6 270 DH par personne et par an (7 756 DH en milieu urbain et 5 157 DH en milieu rural), alors que les 10% les plus aisés disposent de plus de 41 705 DH (48 440 DH en milieu urbain et 28 090 DH en milieu rural). * Le milieu urbain concentre les revenus les plus hauts: les 10% de la population les plus aisés vivent avec un revenu annuel moyen par tête supérieur à 48 440 DH, soit 72,4% de plus que celui des 10% des ménages ruraux les plus aisés. * Les 10% de la population les plus aisés concentrent 37,8% du total des revenus contre 2,2% pour les 10% les moins aisés, ce qui correspond à un rapport inter-décile de 17,2. Ces indices sont respectivement de 36,5%, 2,3% et 15,9 en milieu urbain et de 37,9%, 2,6% et 14,6 en milieu rural. Dans ces conditions, l'inégalité du revenu, estimée par l'indice de Gini, est de 46,4%, relativement élevée et dépassant le seuil socialement tolérable (42%). Cette inégalité du revenu est de 45% en milieu urbain et de 44,5% en milieu rural. Sur un autre registre, l'enquête souligne que le niveau d'inégalité associé à la répartition des dépenses est de 38,5%, par référence à l'indice de Gini, contre 46,4% pour le niveau d'inégalité des revenus. Par milieu de résidence, ces indices sont respectivement de 37,9% contre 45% en milieu urbain et 30,1% contre 44,5% en milieu rural. En 2019, la part des personnes à faible revenu est de 12,7% à l'échelle nationale, 6,8% en milieu urbain et 22,9% en milieu rural. Au total, 4,5 millions de personnes sont pauvres à titre de pauvreté relative, dont les deux tiers (66,4%) résident en milieu rural.