Le dossier de la décharge de Médiouna continue de susciter la polémique et de diviser l'opinion publique. Entre la Commune de Casablanca et le délégataire chargé depuis 2008 de la décharge, les Casablancais ne savent plus qui croire. Qui est responsable de l'état actuel de la décharge ? Quelles sont les vraies raisons de la tension entre les deux parties ? Quels sont les dessous de cette affaire qui n'a pas encore livré tous ses secrets ? Quelles sont les mesures urgentes à mettre en place pour remédier à la situation alarmante de la décharge ? Autant de questions et de zones d'ombre à éclaircir autour d'une affaire qui a fait couler beaucoup d'encre et causer beaucoup de dégâts. Aujourd'hui, cette bataille juridique entre les deux parties prenantes risque de prendre une nouvelle tournure. Et pour cause, dans un «avis d'intention» publié par un confrère, Ecomed menace le Maroc d'un recours devant le CIRDI, organisme d'arbitrage rattaché à la Banque mondiale. Le délégataire, joint-venture entre Edgeboro et GESI (sociétés américaines), réclame à la Commune 75 millions de dollars de dommages et intérêts pour rupture unilatérale du contrat. Dans cet avis, l'entreprise explique les raisons de la décision de porter l'affaire devant un tribunal américain. Après cette sortie médiatique d'Ecomed, la Commune de Casablanca est enfin sortie de son mutisme. Elle veut tirer les choses au clair en dévoilant à l'opinion publique les dessous de ce conflit qui ne date pas d'aujourd'hui mais depuis l'arrivée de l'actuel Conseil. Ce dernier avait constaté des manquements graves en matière de gestion de la décharge dont les conséquences environnementales et sanitaires sont drastiques. Pour donner un ordre de grandeur, plus de 220.000 m2 de lixiviat sont déversés directement dans le site. Selon les responsables, pendant 10 ans, le délégataire a laissé cumuler du lixiviat sans aucune raison sachant que le traitement du lixiviat n'a aucun lien ni avec le terrain ni avec autre chose si ce n'est un manquement des engagements du délégataire. «Depuis que nous avons pris en charge ce dossier, nous avons constaté un laisser-aller irresponsable de la part du délégataire que nous avons rappelé plusieurs fois à l'ordre, mais en vain », nous explique Mohamed Haddadi, 3ème vice-président de la Commune de Casablanca chargé de la propreté. C'est une question de d'urgence écologique et sanitaire Face à une situation sans issue et afin de stopper les dégâts, les autorités communales ont décidé de résilier le contrat, censé prendre fin en 2024. Après plusieurs mises en demeure adressées à Ecomed, la Commune a sollicité l'ordre du Juge des référés auprès du tribunal administratif de Casablanca, pour ordonner la reprise de la gestion de la décharge, en attendant que les deux Parties se mettent d'accord sur les modalités de la résiliation du CGD. « Cette décision émane d'une réelle prise de conscience du danger de l'enfouissement qui ne peut durer et des défiances en matière de gestion. Nous avons choisi de mener ce combat pour sauvegarder notre environnement et celui des générations futures », précise Mohamed Haddadi. Ce que dénonce Ecomed qui attribue, dans son avis d'intention, cette situation au non-respect de la Commune de ses engagements en matière d'octroi de terrain pour la construction de la nouvelle décharge. Rappelons que la superficie dudit terrain a été revue à la baisse passant de 82 hectares (premier contrat) à 35 hectares après la signature de plusieurs avenants. Chose que Mohamed Haddad ne nie pas. Mais il rappelle que ceci n'est pas une raison pour ne pas respecter le cahier des charges et ne pas exécuter le travail sur lequel Ecomed était rémunérée. Le vice-président du Conseil affirme que le délégataire percevait 6 DH/tonne qui incluent l'enfouissement (dans les normes), le tri des déchets (en investissant dans une unité de tri) ainsi que le traitement du lixiviat et du biogaz. «Ce qui n'a pas été fait comme le confirme la mission de contrôle de la gestion déléguée, effectuée par la Cour Régionale des Comptes de Casablanca en 2013. Un rapport qui a établi un écart de 50 MDH qu'Ecomed percevait pour le tri sans qu'elle effectue cette tâche. Un montant qu'elle doit d'ailleurs restituer à la Commune », nous précise Mohamed Haddadi. Dans ce feuilleton judiciaire et en plus du gel des paiements depuis un an, la Commune de Casablanca qui avait saisi, il y a quelques mois la justice, a eu gain de cause sur deux procès. Outre le jugement autorisant la Commune de Casablanca à reprendre le service de la mise en décharge de Mediouna d'une manière provisoire à la place d'Ecomed jusqu'à la résolution de la situation dans un délai de 2 mois, soit à l'amiable ou à travers la déchéance du contrat. Le tribunal administratif a également jugé en faveur de la Commune dans un procès ou il a été décidé qu'Ecomed doit verser à la Commune 104 MDH, nous précise Mohamed Haddad. Mais ce n'est pas tout, un audit financier interne que la Commune avait mené entre 2015 et 2016 a relevé plusieurs autres irrégularités financières. A titre d'exemple, un virement d'environ 70.000 dollars/mois aux Etats-unis pour assistance d'expertise technique. Or, selon le rapport d'audit, aucun justificatif dudit expertise n'a pu être fourni par le délégataire (nous reviendrons plus en détails sur cet audit). Mohamed Haddadi a précisé tout de même que cette rupture du contrat est venue en dernier recours après l'échec des négociations. Et d'assurer: «Ecomed a même été appelé à soumissionner pour le nouveau appel d'offre lancé par la Commune pour la gestion de la décharge». A suivre ! Lire également : DECHARGE DE MEDIOUNA : LES ELUS OPTERONT-ILS POUR LA SOLUTION DE FACILITE ?