La crise sanitaire actuelle a mis en évidence les vulnérabilités du secteur informel et l'importance des aides publiques à déployer pour soutenir le pouvoir d'achat de ses effectifs employés. Le HCP examine son évolution au cours des dernières années, en introduisant un indicateur composite de l'informalité. Bien que le secteur informel soit une solution alternative au chômage et au manque de revenus, sa structure de fonctionnement et sa productivité ne permettent pas son développement économique et n'assurent pas une protection sociale face aux crises économiques. Le HCP s'est penché dans une récente étude sur l'évolution de l'informel au fil des ans. Il ressort que les créations d'unités de production informelles (UPI) ont été plus soutenues au cours de la période 1999-2006, affichant une progression de 2,9% en moyenne par an. Cette dynamique s'est essoufflée entre 2007 et 2013, avec un rythme de croissance ne dépassant pas 1,3% en moyenne par an. Ce sont particulièrement les activités industrielles, notamment le textile, qui ont été les moins attractives en termes de créations d'UPI. C'est ainsi que la part de l'emploi informel dans l'industrie du textile, de l'habillement, du cuir et de la chaussure est passée de 12,49% à 7,3% seulement en 2013. « Sachant que plus des deux tiers des ventes du secteur informel sont destinés aux ménages, cette réduction traduit les pertes de parts de marché de ce secteur dans les produits du textile, sur fond du renforcement du positionnement des produits chinois sur le marché local », explique le HCP. Et d'ajouter: « les créations des UPI se sont développées, par contre, dans les secteurs des services, particulièrement la branche des transports et communications et aussi la restauration, confirmant la tertiarisation de ce secteur. Le commerce représente toujours le principal vecteur de l'économie informelle au Maroc, avec une part de 50,6% des effectifs employés en 2013. La part du commerce de détail dans l'emploi informel n'a pas subi de grands changements. Lire également : Secteur informel : sentiment d'impunité vs vœu d'impuissance Par branche d'activité, les travailleurs informels semblent se tourner plus vers le BTP et les services, toujours en vue d'augmenter leurs revenus tout en préservant leur statut d'indépendant. Le salariat est resté également faible au sein du secteur informel. La part des salariés informels n'a pas dépassé 9% de la population active totale des salariés en 2013. Quant aux travailleurs non rémunérés, leur poids est resté faible dans l'informel, s'établissant à 0,59% en 2007 puis à 0,44% en 2013. Les actifs employés dans l'informel ont également conservé leur statut d'emploi. En 1999, l'emploi permanent représentait 86,2% de l'emploi total dans l'informel. Cette proportion avait atteint 96,57% en 2007, puis avait connu un faible recul en 2013 pour se situer à 94,62 % de l'emploi total. L'emploi permanent dans la branche du BTP en milieu rural a connu la plus grande progression, passant de 63,44% en 1999 à 92,21% de l'emploi total informel en 2013. Ces tendances démontrent que les personnes qui intègrent ce secteur le choisissent comme principale source de revenu. Les caractéristiques sociodémographiques des travailleurs informels montrent que ces derniers ont en général le profil de chef de famille, la part des célibataires étant plus faible. L'emploi informel a été principalement masculin, avec une part de 89,5 %, attirant de moins en moins les jeunes de moins de 35 ans. En 1999, leur part s'élevait à 49,1% contre seulement 38,2% en 2013. Afin de mieux cerner les fluctuations du secteur informel, le HCP procède à la confection d'un indicateur composite de l'informalité au Maroc. La collecte des informations liées aux facteurs incitant à la création des UPI a permis de retenir 23 variables, dont les évolutions seront comparées à celle d'une variable PROXY qui capte les fluctuations de la population active occupée dans l'informel. Cette dernière est définie par rapport à la population active occupée dans le privé, hors agriculture, et ne disposant pas de couverture médicale. L'analyse couvre la période 2007-2020. L'indicateur composite de l'informalité est influencé positivement par le développement de l'auto-emploi et par une augmentation de la TVA et du SMIG. En revanche, une amélioration de la croissance du RNB par habitant et de la qualité de la réglementation permet de réduire l'informalité. Les évolutions de l'indicateur composite de l'informalité et du proxy de la population informelle sont synchrones sur plusieurs points. En effet, elles sont pratiquement parallèles et affichent une similitude quant aux périodes de retournement. En 2020, les 2 indicateurs ont connu une baisse notable, dans le sillage des restrictions mises en vigueur pendant la période de confinement et de la faible reprise de la demande des ménages en période post-confinement. Dans une conjoncture différente de celle de la crise sanitaire, cette baisse de la population informelle aurait été synonyme d'une stratégie efficace de renforcement de l'attraction du secteur organisé et d'une transition soutenue vers la « formalité ». Cependant, compte tenu de la nature de la crise, cette baisse ne peut traduire qu'un basculement des actifs de l'informel dans le chômage ou l'inactivité. Pour renforcer la résilience de ce secteur et améliorer sa performance économique, les analystes du HCP plaident pour une stratégie nationale dédiée aux activités informelles reposant sur une approche intégrée et cohérente est indispensable. Elle doit tenir compte pour cela de plusieurs dimensions dont notamment l'accès au financement et au marché, la formation, la sécurité sociale, la réforme du dispositif fiscal, notamment celui qui concerne le mécanisme de la TVA, et l'amélioration de la gouvernance, surtout en matière d'allègement et d'adaptation de la réglementation en vigueur.