CDG Capital énumère les difficultés rencontrées dans l'élaboration du PLF 2021 tout en faisant le zoom sur certains principes de la Loi organique des finances qui n'ont pas été respectés. Les analystes de CDG Capital se sont penchés sur l'analyse du PLF 2021. De prime abord, ils rappellent le contexte ô combien contraignant et empreint d'incertitudes dans lequel a été élaboré ce projet. Il s'agit d'un contexte marqué par la propagation accélérée de la pandémie Covid-19 avec des répercussions néfastes sur les plans sanitaire, économique et social conjugué à une forte détérioration de la récolte céréalière et un affaiblissement du taux de remplissage des barrages à un niveau historiquement bas. Dans ce cadre, l'équilibre des finances publiques a été fortement déstabilisé aussi bien du côté des recettes avec le recul des rentrées fiscales, que celui des dépenses, essentiellement d'ordre économique, sociale et sanitaire. Cette crise inédite s'est d'ailleurs traduite par la création de deux fonds. Un Fonds spécial pour la gestion de la pandémie Covid-19 visant la maîtrise de la situation épidémiologique du Royaume et soutenir les classes sociales fragiles inédite et un Fonds d'investissement de 120 Mds de DH dans l'économie dont 20 Mds de DH en provenance de l'Etat, avec 15 Mds de DH du budget général et 5 Mds DH du fonds spécial Covid19. D'après les dernières prévisions du Ministère de l'économie et des finances, le déficit public pour l'année 2020 devrait atteindre 7,5% du PIB contre 3,5% prévu initialement par la Loi de finances et l'endettement public devrait s'établir à 75,5% du PIB contre 64,8%, soit un dérapage à la hausse de 10,7 points de pourcentage. Partant de cette situation, les analystes de CDG Capital résument la difficulté rencontrée dans l'élaboration de la Loi dans trois points : (1) maintenir l'équilibre entre les charges et les recettes courantes comme stipulé dans le cadre de la Loi organique des finances (LOF) de 2015, qui interdit l'endettement pour financer de la partie ordinaire des dépenses, (2) financer les chantiers sociaux aussi bien l'élargissement de la couverture médicale que la hausse des dépenses en termes de santé et d'éducation, consolider le rythme d'accroissement des investissements en vue de relancer l'économie à travers une politique budgétaire contracyclique et (4) restaurer l'équilibre budgétaire via une réduction graduelle du déficit et de l'endettement publics après les niveaux historiquement hauts estimés pour fin 2020. Des hypothèses optimistes Pour ce qui est des hypothèses d'élaboration, les analystes estiment que le PLF 2021 s'articule autour d'une reprise en « V » aussi bien au niveau national que chez nos partenaires commerciaux, avec un retour de la demande étrangère adressée à notre économie de 12,6%, en glissement annuel, contre un recul historique de -22,4% estimé pour l'année 2020. Et ce malgré les incertitudes qui entourent le redressement économique de la Zone Euro compte tenu de la forte propagation de la pandémie et du reconfinement décidé dans plusieurs états, particulièrement chez nos principaux partenaires commerciaux à savoir l'Espagne et la France. Parallèlement, au niveau national après la forte contraction du PIB, de -5,8% en 2020, principalement sous l'effet de la pandémie Covid-19, le rebond attendu en 2021 s'élève à +4,8% avec +11% pour l'agriculture et +3,8% pour les secteurs non agricoles contre -4,5% et -11% estimés pour l'année en cours. Ce scénario de reprise en « V » est basé sur deux hypothèses principales, en l'occurrence (i) une campagne agricole moyenne avec une production céréalière de 70 millions de quintaux et (ii) une reprise de la consommation finale intérieure, représentant le moteur de la croissance nationale, de 3,6% en 2021 après la hausse limitée à 0,7% estimée pour 2020, bien que le marché de l'emploi devrait connaitre une légère détérioration à cause de la crise sanitaire. En effet, la reprise aussi bien de l'investissement que de la demande est fortement tributaire du plan de relance économique et son succès. S'agissant des prix des matières premières et énergétiques, l'orientation des prix en 2021 semble globalement favorable avec une légère hausse du prix du pétrole et du cours de la tonne de gaz butane, bien que ça reste largement en dessous des niveaux enregistrés au cours des années 2017 et 2018. Parallèlement, la parité euro-dollar devrait rester quasi-stable comparativement à la moyenne enregistrée au cours des dix premiers mois de l'année 2020, soit dans une fourchette de 1,12 à 1,13. Dans ces conditions, et sur la base d'une croissance nominale du PIB de 5,8%, dont 4,8% de croissance réelle et 1% d'inflation, l'Etat vise à réduire le déficit budgétaire de 1% à 6,5% du PIB en 2021. Les principales réformes proposées Elles tiennent principalement à protéger l'industrie locale particulièrement pour certains articles à faible apport technologique, améliorer les recettes de l'Etat compte tenu des circonstances particulières du Covid-19, ayant induit une réduction du potentiel d'encaissement sous l'égide du régime actuel, et ce à travers aussi bien la hausse des taxes sur certains produits de luxe, y compris le Tabac et les boissons alcoolisées, que la suppression de certaines exonérations et l'instauration d'une taxe de solidarité. Elles visent également à exonérer le cadre fiscal pour les entreprises et établissements publics en vue de faciliter la restructuration du secteur public et l'amélioration de la gouvernance et encourager le recrutement, particulièrement des jeunes diplômés. Il ressort également que les efforts importants entrepris par l'Etat en vue de restaurer les équilibres des finances publiques depuis 2013, notamment la baisse du déficit public de 7,2% du PIB à 3,5% en 2019 et le maintien du niveau d'endettement autour de 65% ont été fortement chamboulés. Les répercussions de la pandémie Covid-19 ont fortement déstabilisé la structure des comptes de l'Etat particulièrement les recettes fiscales ayant connu une baisse drastique comparativement aux niveaux d'avant la pandémie. Face à une poursuite de la hausse tendancielle des dépenses aussi bien ordinaires que d'investissements, les recettes fiscales ont baissé, générant ainsi un déséquilibre entre les ressources et les dépenses ordinaires et la création d'un besoin de financement pour couvrir les investissements. Cet état de fait a poussé à violer le principe instauré par la Loi de Finances Organique de 2015, en l'occurrence d'interdire l'endettement pour la couverture de l'accroissement des charges courantes. Parallèlement, les besoins importants en investissement aussi bien de certains secteurs prioritaires en cette période difficile, particulièrement la santé et l'éducation, que pour relancer l'économie à travers une politique budgétaire contracyclique, devrait pousser l'Etat à recourir de plus en plus vers l'endettement. Du côté des recettes, bien que les ressources fiscales soient prévues en légère amélioration pour l'année 2021 de 5,3% comparativement aux chiffres de la LFR 2020, principalement les impôts directs avec +21,6% pour la TVA et +5,1% pour la TIC, contre un recul des impôts directs de -11% pour l'IS et -0,7% pour l'IR, les chiffres sont en forte baisse, comparativement aux Lois de finances d'avant la pandémie, démontrant ainsi, le début d'un cycle de faibles recettes pour le Trésor public. Dans ce cadre, et en vue de combler partiellement ce décalage, l'Etat a intensifié le recours aux recettes non fiscales, qui sont prévues en augmentation de respectivement 12,8% et 90% par rapport à la LFR 2020 et la LF 2020. Dans ces circonstances particulières, la maîtrise des dépenses reste néanmoins difficile avec un accroissement des charges globales de 2,2% par rapport à la LFR 2020 et 13,9% comparativement à la LF 2020. Cette hausse découle particulièrement de l'augmentation des charges courantes, notamment de fonctionnement de 5,3% et la masse salariale de 2,9%. Pour ce qui est de l'investissement du budget général, les prévisions d'émission au titre de l'exercice 2021 sont en faible recul de -3,8%, en glissement annuel, comparativement à la LFR 2020 et -3,3% par rapport à la LF 2020, pour s'établir à 68,1 Mds de DH. Toutefois, il est à rappeler que cette légère baisse sera largement compensée par le Fonds Mohammed IV pour l'investissement dont le budget s'élève à 45 Mds de DH. Lire également : PLF 2021 : LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA LOF SACRIFIES SUR L'AUTEL DE LA RELANCE !