Le bilan de la semaine du 01/06 au 07/06 confirme les bonnes nouvelles de la semaine précédente puisque, pour l'essentiel des indicateurs vont dans la bonne direction (nouvelle augmentation des tests à hauteur de près de 13.000 par jour et dépassé 1% de la population testée, maintien des nouveaux cas à l'échelle de quelques dizaines par semaine, stabilisation du nombre de décès, augmentation des rétablis et baisse des cas actifs que sont les personnes en cours de soin). La mauvaise nouvelle, c'est que nous n'aurons pas un taux de progression au niveau attendu (0,7) par le Chef du Gouvernement pour le 10 juin. Nous refaisons une mise à jour de « l'horizon sanitaire » qui se profilerait avec des conditions de confinement maintenues. Toutes les données ont été quotidiennement mises à jour auprès du site du Ministère de la Santé du Maroc[1]. LES TESTS ET LEURS RESULTATS Détails de l'actualité hebdomadaire Le Maroc continue à ne tester que les cas « fortement suspects« , même s'il est vrai que l'on vient de « libéraliser partiellement » les tests. Toutefois, comme nous l'avons déjà dit, la définition des cas « fortement suspects » a changé depuis la semaine du 18/05 puisque, enfin, le nombre de tests avait quasiment doublé. L'évolution des tests réalisés chaque semaine (bleu clair) ainsi que celle de leur total (bleu roi) sont montrées en Figure 1. Le nombre de nouveaux tests hebdomadaires effectués est passé de 66'257 à 96'814. Assurément, ce ne sont plus les mêmes profils que l'on testait avant le 20/05 puisque le nombre de personnes infectées continue à baisser bien que l'on ait continué à augmenter le nombre de tests hebdomadaires. Le graphique de gauche de la Figure 2 montre l'évolution historique du nombre de tests et de leurs résultats alors que le graphique de droite montre la structure des résultats. La courbe bleue se rapportant à l'échelle de droite du graphique de droite montre l'évolution du pourcentage de la population marocaine testée qui a maintenant dépassé 1%. Le Directeur de l'Epidémiologie au Ministère de la Santé a évoqué un programme de 1,8 millions de tests. LA SITUATION DES CAS TESTES POSITIFS Détails de l'actualité hebdomadaire La Figure 3 montre l'évolution hebdomadaire du nombre de tests positifs, de décès de personnes infectées, de patients rétablis et de ceux en soin (les nouveaux dans le graphique de gauche et leur cumul à droite). Selon une déclaration du Directeur de l'Epidémiologie au Ministère de la Santé du lundi 18 mai, environ 5.5 fois le nombre de cas testés positifs faisant partie de l'entourage en contact avec les personnes précédemment testées positives au COVID-19 ont été suivis par les services du Ministère de la Santé ; 85% à 90% des nouveaux positifs font justement partie de cet entourage. Le maximum du nombre d'infectés est déjà dépassé, et, bien que le nombre de nouveaux testés positifs hebdomadaires ait légèrement augmenté de 374 à 417 (à cause du nombre de tests qui a littéralement explosé), il reste toute de même dans la baisse tendancielle. Le nombre de personnes en soin a diminué (-1'491) à 652 a carrément libéré les soignants et leur infrastructures de soin. Même si ce nombre avait dépassé la capacité d'accueil en lits mis en service pour COVID-19 (3'000) dès la fin de la septième semaine[2], une très large majorité des personnes infectées sont asymptomatiques et ne nécessitent qu'un isolement sans hospitalisation (70 à 80% des cas selon les déclarations du Directeur de l'Epidémiologie au Ministère de la Santé). Ceci fait que la capacité du Maroc en lits dédiés est restée loin d'être saturée jusqu'à présent et que nos médecins n'ont encore jamais été mis devant le difficile choix de priorité des patients à traiter. Le pourcentage des personnes rétablies (89.7%) continue à s'éloigner du pourcentage des personnes en soin (7.9%). Au stade actuel, la Figure 4 combinée aux autres informations enseignent les choses suivantes : * Les statistiques actuelles indiquent que les porteurs de COVID-19 du Maroc ont 2.53% de chance d'en mourir, en moyenne et abstraction faite de toute faiblesse qui causerait une aggravation de ce risque. Ce taux de décès de tous les testés positifs décroît de façon lente mais monotone depuis sept semaines même à l'échelle journalière, comme montré par la courbe rouge du graphique de droite de la Figure 4. * Dès lors qu'il y a suffisamment de critères que les protocoles hospitaliers considèrent comme « fortement suspect » (pour entourage ou pour symptômes), vous avez : o environ 2.79% de chance d'être porteur de COVID-19 mais ce chiffre hebdomadaire décroît lui aussi régulièrement depuis la première semaine d'avril (de 21.1 à 2.69%), et nous présentons une évolution prospective de ce pourcentage qui est montrée par la courbe verte dans le graphique de droite de la Figure 4 et il n'est pas impossible qu'elle bute à un plancher de 2.4%, o environ 0.07 % de chance d'en mourir, ce chiffre a, lui aussi, une tendance à baisser depuis la première semaine d'avril (de 1.44 à 0.07%). Cette forte baisse de la mortalité est sans doute due à un certain succès des protocoles de soin qui a été présenté et justement défendu par le Ministre de la Santé devant la Commission Parlementaire. * Tout en ayant un nombre de tests journaliers élevé, le pourcentage des personnes testées positives chaque jour a une tendance baissière depuis fin mars, comme montré par la courbe bleue du graphique de gauche de la Figure 5 (l'échelle bleue de gauche est logarithmique de sorte que chaque carreau correspond à une multiplication par 10). Nous désespérons complètement de voir zéro nouvelle infection dans les prochaines journées. * Le graphique de droite de la Figure 5 montre le taux de progression du virus qui permettrait, théoriquement, de connaître le nombre moyen de personnes qu'un porteur contagieux pourrait infecter. Ce taux se calcule par le ratio des nouveaux infectés des 7 derniers jours à ceux des 7 précédents glissés d'un jour. Ce taux dépend des conditions « offertes » à la propagation de l'épidémie durant la dernière semaine : lorsque le plus probable passe en-dessous de 1, on dit qu'il devient probable que l'infection soit en train de reculer mais dès que la partie haute de l'intervalle de confiance passe en-dessous de 1, on a alors 98% de chance pour que l'infection soit en train de reculer. Même si le taux de progression calculé sur les valeurs de simulation en fonction Gamma (courbe noire) est en-dessous de l'unité depuis le 27 avril, la moyenne de ce taux de progression (en ronds bleus) continue à fluctuer autour de l'unité. Le nombre de testés positifs n'a pas suffisamment baissé pour atteindre le niveau requis par le Chef du Gouvernement à 0,7 ! Le HCP3, a estimé que nous serions passés en dessous de l'unité début Mai 2020 mais sans intervalle de confiance. Il convient toutefois de relativiser l'usage du taux de reproduction en vertu de ce qu'en dit l'Encyclopédie Wikipédia[3]: « La relation entre le taux de reproduction et le seuil d'immunité collective repose sur un calcul qui n'est valide que dans une population bien mélangée. En revanche, les relations au sein de populations importantes sont mieux décrites par des « clusters », dans lesquels la maladie ne peut se transmettre qu'entre pairs et voisins. » C'est ce comportement en « cluster » de COVID19 qui impose le suivi de dizaines de milliers de personnes qui ont été en contact avec les sujets infectés. En effet, Le Directeur de l'Epidémiologie a annoncé que 5 à 5.5 fois le total des nouveaux infectés sont été suivis par les services du Ministère de la Santé, sans doute aidés par la Direction Générale de la Sûreté Nationale... pour vaincre les résistances inciviques. Evolution globale et prévisions avec maintien des conditions de confinement Le graphique de gauche de la Figure 6 montre l'évolution historique et prospective numérique des testés positifs et de leur segmentation en décès, rétablis et en cours de soin alors que le graphique de droite montre l'évolution de la segmentation des ces testés positifs. Le graphique de droite montre aussi l'évolution du pourcentage des tests positifs (échelle de droite). Si l'on avait pu maintenir le confinement jusqu'au terme de l'épidémie, nos nouvelles prévisions nous portent à croire que l'on cumulerait environ à 8'550 cas d'infection (7'831 selon le dernier rapport du HCP[4]) et 210 décès. Le maximum calculé des rétablissements aurait été passé le 16 mai 2020 et celui des infections trois semaines avant, le 24 avril. La curiosité réside dans un maximum des décès qui, le 10 avril, aurait précédé celui des infections mais cela pourrait s'expliquer par un agenda particulier de mise en œuvre de protocoles de traitement. Les graphiques de simulation des nombres journaliers sont montrés dans la Figure 7. Figure 7 Nombres hebdomadaires réels et estimés de contaminés (vert), et de cas actifs (orange). Les prévisions (en fonction Gamma pour les nouveaux cas et Gaussiennes pour les cas actifs) sont limitées aux deux prochaines semaines. Depuis notre premier rapport hebdomadaire, nous rappelons qu'« une hirondelle ne fait pas le printemps » et les évolutions relatives des autres pays nous enseignent que l'on peut même avoir un taux de reproduction en-dessous de l'unité tout en ayant encore des centaines ou même des milliers de nouveaux cas par jour qui pourraient faire repartir l'épidémie en cas de relâchement. Doit-on rappeler qu'on peut être porteur asymptomatique du COVID-19 (sans aucun symptôme) et le transmettre à toutes les personnes approchées sans précautions, or, à l'instar de beaucoup d'autres pays, le Maroc n'a aucune connaissance du nombre réel de personnes infectées. Les bons chiffres du Maroc de cette quatorzième semaine après le début de l'infection ne sont là que parce les onze semaines de confinement ont fortement ralenti la transmission du virus. Les chercheurs nous répètent que la peau de ce virus est faite d'une huile qui est diluée par les savons, qu'il se transmet à la bouche, au nez et aux yeux par la salive ou les postillons qui, sans projection (toux), se projettent à moins d'un mètre tout en sachant qu'il ne dure pas plus de quelques heures sur une surface inerte. En comprenant bien ceci, on saura ce qu'il reste à faire si l'on veut éviter de s'exposer et surtout exposer autrui au risque de mortalité et on passera sereinement cette période de confinement. Maintenant, « sortir du hammam (du confinement) n'est pas aussi simple que d'y rentrer » dit le dicton marocain mais on trouvera bien comment nous en sortir puisque le proverbe ne dit pas que c'est impossible ! Dans le concert des Nations, les chiffres marocains sont souvent à la traîne et nous voudrions ne pas changer nos habitudes en nous en sortant avec de plus faibles de cas positifs et de décès par million d'habitant. Ainsi, nous pourrons pour une fois, une fois seulement, paraphraser Jacques Brel : « Être une heure, rien qu'une heure durant, Beau, beau, beau et con à la fois !« Par Amin BENNOUNA [email protected] [1] Ministère de la Santé, Portail Officiel du Coronavirus au Maroc, http://www.covidmaroc.ma/Pages/AccueilAR.aspx [2] Amin BENNOUNA, "Sept semaines de COVID-19 au Maroc", Ecoatcu, 20 Avril 2020, https://www.ecoactu.ma/sept-semaines-de-covid-19/ [3] Les taux communément indiqués pour atteindre une immunité collective (ou grégaire) dépassent allégrement les 50%, voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Immunit%C3%A9_gr%C3%A9gaire [4] Haut Commissariat au Plan, "Pandémie COVID19 dans le contexte national", 9 Mai 2020, https://www.hcp.ma/Pandemie-COVID-19-dans-le-contexte-national-Situation-et-scenarios_a2504.html