La crise sanitaire mondiale déclenchée par la pandémie du Covid 19 nous interpelle aujourd'hui avec acuité sur le degré de responsabilité sociétale de tous les agents économiques par rapport à son impact économique, financier et social. Dans ce débat, l'entreprise est interpellée en tant que partie intégrante du processus de croissance, pouvant parer contre la dégradation des conditions de croissance verte et inclusive dans la résolution de la récession économique engendrée par ladite crise. En effet, à la déclaration du Prix Nobel d'économie M.Friedman en 1970[1] : « l'unique responsabilité sociale de l'entreprise est d'accroître ses profits », l'homme d'affaire a répondu aujourd'hui par la mise en place de dispositifs de responsabilité sociétale résidant dans le contrôle des conséquences de ses activités vis-à-vis de son environnement, car le management de l'entreprise est tournée vers la satisfaction de ses partenaires selon la théorie des parties prenantes[2]. Pourtant, la firme fut représentée comme un simple rouage dans la transformation des quantités de facteurs de production en biens produits, soit une fonction de production dans la pensée économique classique du 19ième siècle. Alors, de nombreux économistes tenteront de reformuler le concept de production en y introduisant les services de l'entrepreneur, à la source d'innovations et de progrès technologiques. Et c'est à ce niveau, que la firme peut jouer pleinement son rôle dans la dynamique du développement durable transposée à l'entreprise. De J.B Say[3], à W. Baumol[4] en passant par J.A. Schumpeter[5], le thème de l'entrepreneuriat sera repris sous différents angles, avec comme point central, celui de l'attribution à l'entrepreneur de la fonction de promoteur d'innovations. J.B Say sera parmi les premiers économistes relevant de l'école de pensée économique classique à mettre l'accent sur le rôle décisif de l'entrepreneur. Quant aux travaux de Baumol, ils souligneront que les innovations des entrepreneurs sont essentielles à l'économie capitaliste. Davantage, Joseph Schumpeter distinguera plusieurs formes d'innovations attribuées à l'entrepreneur passant de l'innovation de procédés, de débouchés, de production, de matières premières, à celle de l'innovation de produits. Ces innovations auront pour objectif l'amélioration de la productivité et la satisfaction d'une demande non encore révélée. En l'occurrence, l'entrepreneur est considéré comme un preneur de risque innovateur, au centre d'un processus permanent de création, destruction et de restructuration des activités économiques. Face aux capacités innovatrices allouées à l'entreprise, la question à soulever serait celle du devenir de son modèle actuel de Responsabilité Sociétale placé dans son contexte fondamental de développement durable. Notamment, l'après Covid 19 se traduira-t-il par une refonte du modèle de RSE au profit d'initiatives sociétales plus audacieuses, au-delà du respect par l'entreprise de sa conformité légale ? Ou bien, verrons – nous l'entreprise se recentrer sur sa fonction classique de production pour assurer sa relance, et s'écarter alors de la pratique managériale de développement durable, chantre d'un mode de production résilient, peut – être coûteuse ou non prioritaire à son sens? En tous les cas, l'entreprise sera certainement acculée d'urgence à s'adapter à cette situation de crise. A la recherche de l'équilibre entre ses objectifs de rentabilité financière et ses objectifs optimaux de gestion des conditions de travail de sa ressource humaine, de bonne gouvernance, d'un système de management qualité tournée vers la satisfaction de ses parties prenantes, de contribution à l'emploi, du développement territorial, et de protection de l'environnement, l'entreprise devra faire preuve d'engagement citoyen pour devenir le porteur d'un mode de production durable qui profite à tous. En conclusion, il est appelé à l'audace créative des entreprises, demain plus qu'hier ou aujourd'hui, afin de repenser un modèle de management anticipant le risque de nouvelles crises sanitaires, en s'engageant volontairement sur la voie d'initiatives stratégiques de responsabilité sociétale. Dr. Jihane BAKKALI, Enseignante – chercheur, Université Abdelmalek Essaadi [1] M. Friedman « The social responsability of business is to increase its profits », The NY times magazine ,1970 [2] E.Freeman R. E, « Strategic Management : A Stakeholder Approach », éditions Pitman, 1984 [3] J.B Say , célèbre économiste français (1767-1832) [4] W.Baumol, économiste américain (1922-2017) [5] J.Schumpeter, économiste autrichien (1883-1950)