L'appel de Sa Majesté aux établissements financiers vient suite à un constat et à des chiffres qui mettent en exergue le financement comme une entrave à l'investissement. Les détails. Dans son dernier discours à l'occasion de l'ouverture de la session parlementaire, soit le 11 octobre 2019, les propos du Souverain étaient on ne peut plus clairs : dans un contexte où le Maroc se prépare à un grand changement en matière de développement économique, le secteur bancaire est exhorté à jouer pleinement son rôle dans le financement de l'économie. Le but ultime recherché est d'accorder plus de crédits aux TPE exportatrices en Afrique, aux porteurs de projets... pour in fine aboutir à une amélioration de l'inclusion économique et faire profiter l'ensemble des citoyens des richesses générées. « ...Aussi exhortons-Nous le secteur bancaire national à un engagement plus ferme, à une implication positive plus vigoureuse dans la dynamique de développement que connaît notre pays. Cet effort doit porter spécifiquement sur le financement de l'investissement, l'appui aux activités productives, pourvoyeuses d'emplois et génératrices de revenus. A cet égard, outre l'engagement des banques auprès des grandes entreprises en termes d'appui et de financement, Nous les incitions à s'acquitter de la mission prépondérante qui leur échoit en matière de développement » Extrait du Discours. L'appel de Sa Majesté aux établissements financiers vient suite à un constat et à des chiffres qui mettent en exergue le financement comme une entrave à l'investissement. Toutes les études réalisées aussi bien en interne qu'en externe convergent vers un seul point : le financement bancaire est le talon d'Achille de la petite et moyenne entreprise. Le Souverain dans son discours annonce la couleur du nouveau modèle de développement économique, un modèle Schumpeterien où son fondateur Joseph Schumpeter met l'accent sur l'acteur principal du capitalisme : la personne emblématique de l'entrepreneur. D'après son analyse, l'entrepreneur innovateur prend des risques et veut être rémunéré en retour ! Tout ce qui vient d'être dit ne peut se réaliser sans le rôle fondamental des banques, de leur création monétaire par le crédit. L'épargne seule ne suffit pas. Donc contrairement aux classiques et néo-classiques, avec Keynes, Schumpeter montre le rôle fondamental de la monnaie, en fait du crédit (et donc de l'endettement). Ces deux mots entrepreneur et banques sont les mots clés utilisés par le Souverain dans une large partie du discours. Haro sur les erreurs du passé ! Toutefois, combien même le financement joue un rôle déterminant dans le développement d'une entité de production, il reste sans réel impact si le projet n'est pas porteur ou si le business model n'est pas viable. Nous avons encore frais dans nos mémoires à juste titre d'ailleurs le flop des crédits jeunes entrepreneurs des années antérieures. Sans vouloir remuer le couteau dans la plaie, le crédit jeune promoteur était un mort-né qui non seulement n'a pas réussi à améliorer le taux de l'emploi, mais a coûté des millions de DH et à l'Etat et aux banques. Pis encore, la société s'est retrouvée avec de jeunes au bord de la déprime à cause des projets de vie qui malheureusement se sont soldés par un échec. Sans omettre ceux qui de bonne ou de mauvaise foi se sont retrouvés derrières les barreaux parce qu'ils ne se sont pas acquittés de leurs dettes. Ce n'est que dans le cadre de la Loi de Finances 2019 que l'Etat avait renoncé aux créances afférentes aux prêts accordés aux jeunes promoteurs, demeurées impayées au 31 décembre 2018. L'amnistie a concerné également les intérêts de retard et les frais de recouvrement. Mais quid de la partie revenant aux banques ? Une chose est sûre: au Maroc nous manquons cruellement d'études et d'indicateurs à même d'évaluer les actions passées en l'occurrence le crédit jeune promoteur. Pourquoi a-t-il échoué ? Pourquoi une telle médiocrité des résultats ? C'est en tirant les enseignements nécessaires et évitant les erreurs du passé que nous pouvons sortir des sentiers battus et partir sur de nouvelles bases. Le grand problème au Maroc est que dans une large propension, nous n'avons pas la fibre entrepreneuriale et nous manquons d'éléments sur les compétences que le jeune est censé avoir pour réussir l'entrepreneuriat. Personne ne peut s'improviser entrepreneur du jour au lendemain. Des formations dans ce sens seraient d'une grande utilité pour le tissu économique. Revenons en aux banques. Il est temps que les banques qui ont fructifié leurs revenus au cours des dernières décennies en se permettant d'investir massivement en Afrique et dans d'autres contrées partagent les fruits de la richesse avec les TPME et les jeunes entrepreneurs. Assurément, en tant que gérantes de l'argent de tiers, les banques ne peuvent prêter à tout va. Une sélection poussée des dossiers demeure quand même importante au risque de se retrouver avec des créances en souffrance et des litiges juridiques. Aujourd'hui, l'enjeu pour ces dernières est justement de trouver le juste équilibre entre la rentabilité et la prise de risque inhérente au métier de la banque. Nombreuses d'entre-elles, se déclarant citoyennes (sic) demeurent sceptiques quant à l'octroi de crédits et ne prêtent qu'aux grandes entreprises ou aux clients très solvables. Et bien entendu, last but not least, l'accompagnement des porteurs de projets revêt une importance cruciale. La mission devrait être accordée à des cabinets dotés de moyens humains et matériels nécessaires pour mener l'appui et le soutien de ces jeunes à bon escient. Ces deniers ne pourraient réussir leurs projets que s'ils investissent dans les nouveaux relais de la croissance économique notamment les NTI, le développement durable, les services… autrement dit, les secteurs qui aujourd'hui ont le vent en poupe.