La pandémie Covid-19 s'est répercutée, sans état d'âme, sur l'emploi. Du jour au lendemain des milliers d'emplois sont réduits ou carrément détruits, mais cela ne doit occulter que la politique de l'emploi souffre de plusieurs dysfonctionnements. Les conjoncturistes tirent la sonnette d'alarme sur l'effectif des actifs (actifs occupés et chômeurs) qui s'est inscrit tendanciellement dans une baisse avérée. Après avoir culminé deux décennies auparavant, soit en 1999, aux seuils de 54,5%, il a atteint en 2019 le plancher de 45,8%. Attribuant en partie cette baisse à l'insuffisante participation de la femme, les analystes du CMC restent pour autant convaincus que cette détérioration est celle ayant frappé les hommes et dont le taux est passé de 79,3% à 71% sur la même période. « Un phénomène qui semble conforter l'idée de la Banque mondiale qui explique que la croissance économique, au Maroc, s'appuie davantage sur les progrès réalisés par les gains de productivité que sur l'augmentation du taux d'emploi », annonce le CMC. L'organisme international va même jusqu'à dire que l'élévation de la productivité relevée au niveau des secteurs agricole et industriel est largement tributaire de la réduction des emplois. A ce titre, il est utile de rappeler que le taux de chômage suscite régulièrement le débat essentiellement en ce qui concerne son mode calcul qui ne fait pas l'unanimité chez les analystes et économistes. Outre la baisse des taux d'activité et d'emploi, on observe une hypertrophie du chômage des jeunes, des femmes et des diplômés. Parallèlement, le chômage de longue durée et de première insertion reste préoccupant. Les statistiques du HCP, pour l'année 2019, font ressortir que plus de six chômeurs sur 10 sont à la recherche de leur premier emploi, deux chômeurs sur trois sont à la recherche d'un emploi depuis une année ou plus et que plus de 36 % des chômeurs ont été versés dans ce statut à la suite d'un licenciement ou d'un arrêt de l'activité de l'établissement employeur. Covid-19 : le virus qui grippe la machine emploi Au-dessus le marché, depuis le mois de mars 2020, la menace pandémique du Covid-19 dont l'effet dévastateur sur le marché du travail n'est pas à exclure, plane. Elle frappe sans aucune distinction entre les pays sans exception. Les préjudices sont d'autant plus ravageurs, dans les pays en quête d'émergence, que les populations les plus concernées sont constituées de jeunes et de femmes qui, de surcroît, pourrait être diplômés. Au Maroc, la CNSS a recensé 810.000 salariés du secteur privé (un tiers des travailleurs déclarés) éligibles à l'indemnisation prévue pour être servi par le Fonds spécial pour la gestion des effets du Coronavirus. « Cette population additionnelle des «sans travail» mais non chômeurs (ne répondent pas à la définition BIT) doit être étendue pour inclure les postes perdus par les travailleurs non déclarés et ceux du secteur informel », tiennent à préciser les analystes du CMC. Selon les estimations du ministère de l'Economie et des finances et de la réforme de l'administration, la perte d'emplois concernerait plus de 4 millions de ménages. La précarité ainsi impulsée est d'autant plus grave que seul 24,1% des actifs occupés disposent d'une protection sociale liée à l'emploi (36,4% dans urbain et 7,8% dans le rural). Le marché du travail reste faiblement organisé et insuffisamment protégé. On y déplore une majorité de salariés sans contrat formalisant la relation avec l'employeur (54,9%) alors que les contrats à durée déterminée et à durée indéterminée ne s'appliquent, respectivement, qu'à 5,8 % et 11,4%. Branche d'activité : la pandémie fait des ravages L'analyse par secteur d'activité montre que l'agriculture, la forêt ou la pêche regroupent 3,5 millions de travailleurs selon un mode vaguement structuré et qui cumule, pour l'exercice en cours, les méfaits de l'endémie à ceux d'une imparfaite pluviométrie. Les BTP comptent près de 1,1 million de personnes, largement baignées dans la non-déclaration et portées par l'informel. Par ailleurs, les différentes composantes du secteur des services qui occupent quelque 5 millions de personnes (45% des actifs occupés), en emploie près du tiers dans le commerce et répartit le reste dans l'hôtellerie et la restauration (8%), les transports et la logistique (12%) et dans les services personnels domestiques (11%). Toutes ses branches subissent de plein fouet les désastres d'une calamité globalisante. En dehors même de la pandémie et son corollaire le confinement, quand l'offre de travail est en abondance mais insuffisamment créatrice de valeur pour être traduite en emplois, des mesures doivent être mises en place, dans un partenariat public-privé. Autrement dit, il est déterminant de créer des emplois de transition qui peuvent s'accommoder d'une relative atténuation des gains de productivité et d'une rémunération temporairement raccourcie. Vaille que vaille, l'intégration économique présuppose la combinaison d'une double condition : une offre de travail en adéquation avec le marché du travail et une offre d'emplois quantitativement suffisante et qualitativement convenable. Or, le Maroc semble présenter des carences perceptibles dans un cas comme dans l'autre : des ressources humaines faiblement valorisées en fonction des besoins et des opportunités d'emplois en deçà des créations nécessaires à l'absorption de l'excédent en main d'œuvre. Par ailleurs, la pérennité de l'emploi existant et la génération de nouveaux bassins d'emplois restent intimement liés à une croissance forte et durable. La pandémie a remué le couteau dans la plaie de l'emploi et d'où l'urgence de penser sérieusement à repenser la politique de l'emploi en plaçant les ressources humaines au cœur des préoccupations.