En attendant l'opérationnalisation de l'aide de l'Etat, qui tarde à arriver, associations, société civile et particuliers se mobilisent pour venir en aide aux plus vulnérables (non-ramedistes). Toutefois, la question de la collecte des dons notamment par les particuliers s'impose. Que dit la loi ? La pandémie du Covid-19 a fait ressortir l'esprit de solidarité qui caractérise le peuple marocain depuis des siècles. Outre les dons des établissements publics, secteur privé, fonctionnaires, citoyens... au Fonds spécial de lutte contre le Covid-19, d'autres formes de solidarité ont émergé pour venir en aide aux plus nécessiteux. Surtout que l'aide de l'Etat à la population la plus vulnérable notamment les non-ramedistes peine à arriver. En effet, après un mois, jour pour jour, l'instauration de l'Etat d'urgence sanitaire, le comité de veille économique n'a toujours pas démarré l'opération de distribution des aides aux plus pauvres. Laissons des milliers de Marocains sans ressources livrés à eux-mêmes. En attendant que l'Etat se manifeste, ce sont les associations, la société civile ainsi que de simples citoyens qui ont pris la relève. Distributions de denrées alimentaires et de vêtements, opérations d'hébergement des sans-abri..., des initiatives pareilles pullulent sur les réseaux sociaux. Certes cet élan de solidarité fait chaud au cœur et rassure sur le sort d'une partie de la population démunie sans aucune ressource. Collecte de dons : les particuliers dans l'ignorance Nonobstant, qui dit action de solidarité dit collecte de fonds. Et c'est là où le bât blesse. Depuis le début de cette pandémie, plusieurs personnes physiques multiplient les appels aux dons au niveau national mais également international pour mener des actions de solidarité et venir en aides aux plus défavorisés. Des fonds qu'ils collectent directement sur leur compte bancaire ou qu'ils reçoivent via les différents canaux de transfert d'argent pour les paniers d'aide alimentaire. Et à l'approche du mois sacré, les opérations de collecte de fonds se multiplient. Il faut reconnaître que les Marocains emballés pour aider cette population en détresse ont montré une grande solidarité sans se poser la question sur la conformité et la légalité de l'opération. En effet, si beaucoup de citoyens sont de bonne foi et gèrent les dons collectés avec conscience et honnêteté, d'autres en revanche y voient une opportunité pour s'enrichir et faire de l'argent. D'ailleurs, les autorités policières de Marrakech ont récemment arrêté des personnes soupçonnées d'escroquerie dans ce sens. D'où les questions : quel cadre régit cette pratique ? La loi est-elle claire en matière d'appel à la générosité publique par les particuliers ? Qui veille à ce que le malheur des uns ne devienne une monnaie de change des autres ? La loi n° 004-71 relative aux appels à la générosité publique qui régit cette pratique est pourtant claire dès le premier article. Ledit article stipule que « il ne peut être organisé, effectué ni annoncé d'appel à la générosité publique sur la voie et dans les lieux publics ou chez les particuliers par quelque personne et sous quelque forme que ce soit, sans autorisation du secrétaire général du Gouvernement ». Un appel à la générosité publique ne peut se faire sans une autorisation préalable du Secrétariat Général du Gouvernement SGG. Aussi ne sont autorisés à le faire que les œuvres ou groupements ayant leur siège au Maroc et régulièrement constitués précise l'article 4 de ladite loi. D'ailleurs, les associations autorisées à organiser l'appel à la générosité publique, sont tenues d'en faire parvenir au SGG un compte rendu sur son déroulement, en signalant le montant des fonds collectés, ainsi que leur destination et ce, dans un délai maximum de 60 jours à compter de la date d'achèvement de l'opération. En d'autres termes, les particuliers qui font appel aux dons, malgré toute la bonne foi, sont hors la loi. Ainsi toute personne voulant faire une action solidaire en collectant des fonds auprès des particuliers s'expose à une poursuite. La loi prévoit des amendes entre 200 DH et 2.000 DH mais aussi des peines de prison dans certains cas. Et comme dit l'adage : « Nul n'est censé ignorer la loi ». L'aide peut toutefois se faire via d'autres moyens. Une réforme toujours dans les tiroirs A noter également que, sous instructions royales, est élaboré depuis novembre 2018 un projet de loi n°18.18 relatif à «l'organisation des appels à la générosité publique et la distribution d'aides à des fins caritatives ». L'objectif étant de renforcer un arsenal devenu obsolète qui date de 1971, de mettre les garde-fous nécessaires afin de couper court aux malveillants, de prémunir contre l'instrumentalisation des opérations à des fins politiques (élections approches) et de mieux organiser les opérations de distribution des aides à des fins caritatives. Sauf que depuis, le projet est toujours dans les tiroirs du Secrétariat général du gouvernement et n'a toujours pas vu le jour. Et pourtant, ledit projet a ficelé tous les aspects de ces opérations de solidarité ô combien importantes dans ces temps de crise sanitaire. En attendant, le ministère Public doit garder un œil sur ces opérations à fin de dissuader ceux qui cherchent à se faire de l'argent sur le dos des plus vulnérables.