Dès le déclenchement de l'épidémie du Coronavirus au Maroc, les centres d'appels ont été pointés comme activité risquée en raison de la densité sur les plateaux de travail. Pourtant, aux contraintes techniques du télétravail, s'ajoutent les contraintes juridiques liées à la protection des données des clients. Redouane Mabchour, Directeur général de WEbhelp, revient sur les mesures prises pour protéger et l'élément humain et les emplois et sur l'impact que pourrait avoir la pandémie sur l'activité des centres d'appels au Maroc. EcoActu.ma : Comment expliquez-vous que les centres d'appels, jadis considérés comme créateurs d'emplois, particulièrement auprès des jeunes, soient tombés en disgrâce lors de cette crise sanitaire ? Redouane Mabchour : Avec 80.000 salariés au Maroc, notre secteur d'activité est créateur d'emplois, et ce, dans plusieurs régions du Royaume. Nous travaillons dans un domaine spécifique dans lequel l'humain a un rôle central, c'est le propre de la relation client. Il paraît donc normal d'être questionnés sur l'accompagnement de nos salariés dans cette situation totalement inédite. Nous portons une grosse responsabilité, que nous assumons au quotidien, sans fléchir : protéger la santé et la sécurité des collaborateurs, tout en préservant les emplois et l'économie. Chez Webhelp Maroc, nous sommes 10.000 collaborateurs. Le rôle que nous jouons dans la société civile ne date donc pas d'aujourd'hui. Nous avons toujours beaucoup travaillé pour être reconnus comme des employeurs de premier rang. Nos collaborateurs savent que, chez nous, ils peuvent faire carrière, évoluer s'ils le souhaitent, et qu'ils bénéficient d'avantages participant à leur bien-être (crèches, salles de sport, gratification de stage, multiples actions de Wellbeing@work ...). Cette crise inquiète, et il y a de quoi. C'est pourquoi, très naturellement, dans cette période anxiogène, l'opinion publique a besoin d'être rassurée quant aux pratiques du secteur. Chez Webhelp, comme chez tous les acteurs sérieux, nous avons choisi la carte de la transparence. C'est la seule qui vaille. La plupart des commentaires tendent vers un retard de la part des opérateurs dans la prise de mesure de sécurité privilégiant la poursuite de l'activité. Partagez-vous cet avis ? Quelles sont les mesures prises par Webhelp dès l'enclenchement de la crise sanitaire ? Chez Webhelp Maroc, nous avons, très tôt, pris en main la situation avec sérieux et avons fait preuve des valeurs d'unité et d'exemplarité qui nous caractérisent. Avant même le décret stipulant l'état d'urgence sanitaire, nous avions déployé l'ensemble des dispositifs préconisés par l'OMS et les autorités locales, et nous restons très stricts quant à leur application. En parallèle, nous avons également mis en place des actions propres à notre secteur d'activité : * Distanciation entre nos postes de production par la dé-densification des locaux, * Nettoyage de nos stations de travail et des zones sensibles toutes les heures, * Désinfection de nos bâtiments tous les soirs et désinfection renforcée par nébulisation / fumigation deux fois par semaine, * Transport privé pour l'ensemble des collaborateurs jusqu'à leur domicile avec remplissage des navettes réduit à 50% et désinfection avant et après chaque trajet, * Fermeture de tous les espaces communs : cafétérias, crèches, salles de prière et de pause, * Fournitures de masques en cours à l'ensemble de nos équipes, mesure rendue obligatoire depuis hier. Jusqu'alors, nous avons passé avec succès l'ensemble des contrôles, très rigoureux, effectués régulièrement par les autorités sanitaires sur nos sites. Notons également que les grands acteurs du secteur, représentés par l'AMRC, sont engagés dans cette même démarche. Webhelp a été au cœur d'une campagne de diffamation. Comment l'expliquez-vous ? Le marché a été au cœur d'une campagne de diffamation. L'AMRC a décidé d'y répondre et Webhelp a effectivement pris la parole, à titre individuel, pour soutenir le secteur, mais aussi, et surtout, pour expliquer et rassurer les populations, c'est notre devoir. Nous menons actuellement de front deux combats majeurs : assurer la santé et la sécurité de nos collaborateurs et partenaires, et préserver les emplois directs et indirects dans nos 3 régions de Rabat-Kenitra-Salé, Fès-Meknès et Agadir-Marrakech. Pour nous, ce sont deux points cruciaux. Certains ont voulu les opposer, d'autres ont inondé les réseaux de "fake news" ou d'informations diffamatoires. Il est capital de faire cesser les fausses informations et rumeurs qui nuisent au moral de nos équipes et au fonctionnement de notre entreprise. D'autant qu'à terme, elles pourraient avoir des répercussions désastreuses sur nos 10.000 collaborateurs. En effet, nos Webhelpiens ont un grand sens de l'appartenance, et il est très désagréable pour eux de voir conspuer leur entreprise sur la base d'actes malveillants. C'est la raison pour laquelle le détournement d'informations dans le but de nuire est puni par la loi. A un moment où l'heure est grave, où nous sommes tous, individuellement fragilisés, nos positions seront fermes. Nous ne laisserons pas de place à la désinvolture. Il est essentiel que les Webhelpiens puissent être rassurés et continuer d'être fiers de leur entreprise et de leur travail au quotidien. D'autant qu'ils le méritent. En cette période chaotique, ils sont en première ligne. Grâce à eux, chaque jour, la continuité de services extrêmement utiles et précieux à la société continuent d'être assurés par téléphone, tchat, mail... comme, par exemple, l'assistance dans le domaine des télécommunications qui permet aux personnes en situation de confinement de rester joignables et connectées à leurs proches, les demandes de renseignements pour "des démarches administratives", l'orientation des Marocains bloqués aux 4 coins du monde, ou tout simplement, le traitement des questions et informations relatives au Covid-19. Notre sérieux et notre déontologie vis-à-vis de nos collaborateurs et de notre métier, nous permettent, en effet, actuellement, d'offrir nos services aux autorités marocaines dans leur action d'information et de lutte contre la pandémie à travers la prise en charge d'appels à destination du numéro vert" Allo Yaqada". D'ici la fin de l'état d'urgence sanitaire, comment gérez-vous l'activité de vos 10.000 collaborateurs ? Nous avons cherché à nous adapter face à cette crise sans précédent, en plaçant nos collaborateurs au centre de toutes nos décisions. Comme beaucoup d'entreprises, nous nous sommes orientés vers la mise en place du télétravail, d'autant que ce dernier participe fortement à la dé-densification des sites. Peu de gens le savent, mais c'est un projet colossal à mettre en œuvre et comportant de nombreuses contraintes (techniques, juridiques, opérationnelles). Nous avons travaillé continuellement à lever ces blocages. Aujourd'hui, nous sommes fiers, après 15 jours d'efforts, d'avoir mis plus de 4500 personnes en télétravail ! En comptant les personnes en congés, les fonctions supports qui travaillent à distance, à date, seuls 30 à 40% des effectifs sont présents physiquement sur nos sites. Nous avons donc trouvé un équilibre qui permet de répondre à nos deux enjeux : assurer la sécurité sanitaire tout en essayant de maintenir au maximum notre activité et nos emplois. Malheureusement, pour les raisons évoquées ci-dessus, et notamment la protection des data, le télétravail n'est pas accessible à 100% de nos activités. La crise du Coronavirus aura de lourdes répercussions économiques. Quid de votre secteur d'activité ? Le marché est actuellement fortement perturbé, et l'avenir est suspendu à l'évolution de la pandémie. Il est encore trop tôt pour faire de telles projections, mais à ce stade, nous pouvons déjà estimer, sur l'ensemble du secteur de la relation client, des pertes de l'ordre de 30 à 45%. Nous essayons de trouver les meilleures solutions, jour après jour, pour assurer la pérennité de notre entreprise, et donc celle de nos emplois. Il y aura forcément des impacts à terme, surtout si cette crise s'installe. Mais leur ampleur reste encore difficile à mesurer. Mais ce qu'il faut garder à l'esprit, c'est que cette crise pourrait aussi faire émerger de nouvelles opportunités pour le secteur.