Covid-19 a sûrement balayé du revers de la main plusieurs pratiques et usages. Mais il aura également le mérite de révolutionner l'arsenal juridique marocain qui commence à prendre un coup de vieux. Parmi les textes qui se trouvent au creux de la vague, on note le code du travail. Covid-19 comblera surement le vide Covid-19 est un vrai Armageddon. Rien ne sera plus comme avant. Les politiciens doivent changer de gamme, les populations doivent changer leur fusil d'épaule. Il ne suffira plus de changer les règles du jeu, mais le jeu lui-même. Le virus aura le mérite de révolutionner le cadre juridique qui organise plusieurs aspects de notre vie. Les textes qui étaient en rupture de ban, non seulement doivent être dépoussiérés, mais révisés de fond en comble. Parmi les textes qui se sont démasqués en cette période de crise, on note le code de travail. Le texte semble être mal bâti pour supporter les coups durs que lui inflige le Covid-19. On ne peut prétendre dans ce modeste papier, ni à une évaluation exhaustive de ce texte, devenu au fil de l'eau vieux comme mathusalem, ni à l'inventaire de toutes ces imperfections révélées sous le rayon Covid-19. Nous allons nous arrêter sur certaines dispositions dudit code qui ont fait preuve d'incohérences qui courent comme un dératé. La réquisition du personnel Commençons par l'article 10 du code du travail qui interdit de réquisitionner les salariés pour exécuter un travail forcé ou contre leur gré. Cette disposition sans nuance semble incompatible avec la période de casse-pipe que traverse notre nation suite à la propagation du Covid-19. L'Etat serait en mesure de réquisitionner le personnel de plusieurs entreprises relevant de secteurs stratégiques ou vitaux pour assurer la continuité de services, d'approvisionnement ou autres. Il est donc pressant d'amender cet article pour ouvrir une brèche à exploiter en cas de force majeure. Suspension du contrat de travail Un autre article semble à son tour ne plus rentrer dans les cases. Il s'agit de l'article 24 du code du travail. Au terme de cet article, l'employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires afin de préserver la sécurité, la santé et la dignité des salariés. Mais hélas, cet article n'offre pas la possibilité au salarié le droit de retrait lorsque l'employeur ne remplit pas ses obligations. Au-dessus le marché, le texte ne précise pas les diligences que doit dérouler le salarié pour constituer un système de preuves contre l'insécurité au travail. Ainsi et dans les circonstances que nous vivons et au moment où le gouvernement appelle dans le confinement à la poursuite des activités économiques, les salariés seront dans l'obligation de travailler dans l'insécurité par crainte pour licenciement pour abandon de postes. Un autre article du code du travail en l'occurrence l'article 32 traitant de la suspension du contrat de travail mérite une cure de rajeunissement. Ainsi les évènements générateurs de la suspension du contrat de travail doivent être élargis au cas d'épidémies ou de force majeure déclarés par le gouvernement à l'échelle nationale voire régionale ou locale. Congé payé En cette période de sous-activité, plusieurs entrepreneurs comptent libérer leur personnel en leur accordant un congé annuel payé. Ainsi lorsque la pandémie s'estompera, l'activité sera reprise en continu et ce aux fins de récupérer le temps perdu. Seulement, cette possibilité n'est pas ouverte en présence des dispositions de l'article 246 du code de travail. En effet, celui-ci prévoit que l'ordre des départs en congé annuel doit être communiqué à tout salarié au moins 30 jours avant la date de départ. La pandémie a pris tout le monde de court et une telle obligation ne peut être alors remplie. Cet article n'est plus alors dans le vent en raison de nouvelles circonstances. Médecine du travail Une autre institution à laquelle le code de travail a consacré un chapitre en l'occurrence le conseil de médecine du travail et de prévention des risques professionnels et les comités de sécurité d'hygiène se sont transformés de fil en aiguille en vraies coquilles vides. C'est en ce moment que leurs apports paraissent déterminants pour la continuité d'exploitation et de l'élaboration des protocoles de sécurité et d'hygiène. Mais pour ce faire, ces entités doivent disposer de banques de données alimentées par les informations collectées dans le cadre de l'exercice de leur mission. La médecine de travail ne doit plus jouer le figurant, elle doit être au cœur du quotidien de l'entreprise. Elle ne doit pas se limiter à faire des examens cliniques superficiels mais se transformer en une vraie mine d'informations pouvant impacter les politiques et les stratégies d'entreprises. Télétravail Enfin, au moment où le Maroc prend le train de la modernité et encourage les métiers reposant sur les nouvelles technologies de l'information, son code de travail reste muet sur la pratique du télétravail : j'en reste comme deux ronds, de flan. Bien que le code renferme un article, en l'occurrence l'article 8, traitant du travail à domicile mais les propos qui y sont avancés sont loin de qualifier la notion du télétravail. Il est inconcevable que le recours à cette pratique reste géré par le conventionnel. Le code doit s'atteler sur l'encadrement juridique de ce mode et l'entourer de toutes les sécurités nécessaires et ce au bénéfice de l'employeur et de l'employé. A bon entendeur Toutes les remarques avancées ne sont pas de mauvaise aloi et ne méritent pas un haussement d'épaules. Il est sage de profiter de confinement pour relire nos textes. Il serait important de rappeler la petite phrase de Jacques Attali paru dans un article en 2009 intitulé : « une pandémie permettra d'instaurer un gouvernement mondial » : « La peur est visiblement la seule étant susceptible de faire accepter aux gens ce qu'ils n'accepteraient pas en temps normal ».