Dans une économie mondialisée, les secteurs public et privé sont obligés de mettre en place des mesures draconiennes voire coercitives pour remédier à l'allongement des délais de paiement. Avec l'Observatoire des délais de paiement, la plateforme Ajal... l'Etat a fait des pas importants. Quid des grandes entreprises ? La problématique des délais de paiement continue à hanter les esprits. En cause : au cours des dix dernières années, on assiste à une hausse des défaillances des entreprises suite à l'allongement des délais de paiement. Le tissu économique national est composé de 3 millions d'entreprises dont la moitié travaille dans le secteur informel. Sur 1,5 million d'entreprises, 900.000 sont des personnes physiques et 500.000 sont des PME. Etant donné que les PME représentent plus de 80% du tissu national, les incidents de paiement se propagent, par effet domino, à l'ensemble des pans de l'économie nationale. Une vraie hécatombe ! Bien qu'elle surgisse dans pratiquement tous les débats, la corrélation entre l'allongement des délais de paiement et les défaillances des entreprises est pour autant vérifiée. Le principe est simple : plus on est petit, plus on souffre parce qu'on est payé tardivement. L'étude publiée récemment par le Centre régional d'investissement de Casablanca a mis en évidence qu'une faillite sur 2 est due soit au problème de financement soit à l'allongement des délais de paiement. La table ronde tenue à l'occasion de la sixième édition de l'Observatoire international du commerce se veut une occasion pour passer en revue les dessous du problème des délais de paiement. De prime abord, il ressort des différentes interventions que le délai moyen de paiement au Maroc s'est stabilisé à 83 jours en 2017 contre une moyenne mondiale de 66 jours. Et ce malgré que 2017 soit une bonne année sur le plan économique. Le Maroc classé dans les derniers rangs Le Maroc occupe ainsi le banc des mauvais payeurs. Entre autres raisons, il est évoqué l'asymétrie entre les grandes entreprises (donneurs d'ordre) et petites entreprises, la loi 49-15 qui pose des problèmes en termes des décrets d'application, le rôle des commissaires aux comptes... « Une PME qui a dans son portefeuille 2 ou 3 grandes entreprises ne va pas les poursuivre en justice à cause du retard de paiement », explique Khalid Ayouch CEO Inforisk. A cause de leur vulnérabilité, elles sont même incapables d'appliquer les pénalités de retard. Les commissaires aux comptes, sont à leur tour, tenus de mentionner dans leurs rapports leurs observations sur la concordance avec les comptes annuels des informations relatives aux délais de paiement. L'article 78.4 de la loi 32-10 stipule : « Les sociétés dont les comptes sont certifiés par un ou plusieurs commissaires aux comptes publient les informations sur les délais de paiement de leurs fournisseurs selon les modalités fixées par voie réglementaire ». Toutefois, les entreprises qui ne disposent pas de commissaires aux comptes, en l'occurrence les TPE, sont pauvres en données relatives au retard de paiement. A son tour, M'Fadel El Halaissi, Directeur général délégué, en charge de la Banque de l'entreprise au sein de BMCE Bank of Africa avance que la problématique des délais de paiement est plus une question d'éthique, de culture et de crédibilité de l'économie. De par sa fonction de banquier, il pointe du doigt les grandes entreprises ayant des comptes excédentaires et qui, pourtant ne paient pas à temps leurs fournisseurs. Lire également : DELAIS DE PAIEMENT : UNE AFFAIRE NON SEULEMENT DE L'ETAT MAIS AUSSI DU PRIVE El Halaissi partage également avec les intervenants le problème des effets de commerce qui s'échangent de manière abusive comme une véritable source de l'allongement des délais de paiement. Au sein du GPBM, il est ainsi proposé à ce que les effets de commerce soient inférieurs à 90 jours. Au-delà de ce délai, ils sont considérés comme étant illégaux. Dans cette thématique, la carte de l'exemplarité de l'Etat est souvent brandie par les intervenants bien qu'ils soient conscients que l'allongement des délais de paiement est aussi interentreprises. Les initiatives prises par M. Benchaâboun depuis qu'il est aux commandes du ministère de l'Economie et des Finances sont très louables. La mise en place de l'Observatoire des délais de paiement, la plateforme Ajal témoignent de la prise de conscience de l'Etat, maillon important de la chaîne, des effets d'entraînement sur toute l'économie. Mais encore faut-il que les grandes entreprises acceptent de jouer le jeu et respectent les délais de paiement Lire également : « MODELISER LE RISQUE DE DEFAILLANCES D'ENTREPRISES EST JUDICIEUX ET MÊME NECESSAIRE »