Le processus d'actualisation du Code de bonnes pratiques de gouvernance des EEP est désormais en cours. Cette actualisation permettra d'introduire de nouvelles mesures par rattraper le retard et d'aboutir à un Code qui s'adapte mieux à l'écosystème des EEP. Abdelaziz Samih, Directeur adjoint chargé des Structures des audits des programmations et des études au sein de la Direction des Entreprises Publiques et de la Privatisation (DEPP) nous éclaire sur les enjeux de cette actualisation et détaille les 3 étapes du processus. EcoActu.ma : Un appel à contribution vient d'être émis pour la participation aux travaux d'actualisation du code marocain de Bonnes Pratiques de Gouvernance des EEP. Dans quel contexte s'opère cette réforme ? Abdelaziz Samih : La refonte du Code Marocain de Bonnes Pratiques de Gouvernance des EEP s'inscrit dans le cadre de la volonté des pouvoirs publics d'améliorer la gouvernance dans le secteur des Etablissements et Entreprises Publics (EEP) qui constitue une préoccupation constante dans quasiment toutes les réformes engagées par le ministère de l'Economie et des Finances et plus particulièrement par la Direction des Entreprises Publiques et de la Privatisation (DEPP). Pour les EEP, la bonne gouvernance est un paramètre essentiel permettant une meilleure allocation des deniers publics gérés par ces entités, une amélioration de leurs performances et une conduite saine et éthique de leurs affaires. La première version du Code de Bonnes Pratiques de gouvernance des EEP, publiée en 2012, est intervenue dans un contexte marqué par l'adoption de la Constitution de 2011, qui a instauré le principe de la corrélation de la responsabilité et la reddition des comptes qui a dédié un titre à la gouvernance et à l'ancrage des principes de transparence et du droit à l'information. La mise en œuvre de ce Code de gouvernance a permis de constater des évolutions remarquables des pratiques en matière de gouvernance des EEP. Aujourd'hui, et compte tenu de l'engagement continu de notre pays pour l'appropriation des principes de la gouvernance et de la transparence au sein des EEP, il s'avère nécessaire de procéder à l'actualisation dudit Code et ce, compte tenu du nouveau contexte aussi bien national qu'international marqué par : * les Hautes Orientations Royales en matière de bonne gouvernance visant à apporter des réponses adéquates aux dysfonctionnements que connaît l'Administration publique, en adoptant une approche de gestion moderne axée sur des objectifs concrets à atteindre et un partage clair des responsabilités à l'échelle de tous les intervenants ; * la consécration du rôle accru des principes de transparence et de bonne gouvernance dans le cadre du programme du gouvernement 2016-2021 ; * l'introduction dans le cadre de la nouvelle loi bancaire du 5 mars 2015 de dispositions tendant à améliorer la gouvernance des établissements de crédits et organismes assimilés; * la publication, le 10 juin 2016, de la circulaire relative à la désignation d'administrateurs ou membres indépendants au sein de l'organe d'administration des établissements de crédits et organismes assimilés ; * la préparation du projet de loi relative à la réforme du dispositif de gouvernance et de contrôle financier de l'Etat sur les EEP qui intègre, en matière de gouvernance, des préoccupations majeures visant à améliorer les performances du secteur des EEP en ce qui concerne la responsabilisation et l'évalution des organes délibérants, la professionnalisation et l'opérationnalisation des organes délibérants, l'institution des Comités Spécialisés, la gestion des risques... * la publication, en 2015, par l'OCDE des nouvelles lignes directrices sur la gouvernance des entreprises publiques, marquées notamment par l'introduction de nombreuses innovations institutionnelles en matière de la gouvernance des entreprises publiques plus spécifiquement, en ce qui concerne les motifs devant justifier l'actionnariat public, le rôle de l'Etat actionnaire, l'égalité de traitement des actionnaires et autres investisseurs extérieurs, la diffusion de l'information et la transparence, les responsabilités des conseils d'administration des entreprises publiques... Les principaux objectifs de cette actualisation consistent à : * la consécration du lien positif qui existe entre la performance et la croissance des EEP et les bonnes pratiques de gouvernance par l'introduction de nouvelles mesures capables de soutenir ce lien et le porter vers de nouvelles phases plus développées ; * l'amélioration du fonctionnement des Organes de Gouvernance (Conseil d'Administration, Conseil de Surveillance, Directoire...) ; * le renforcement de la confiance des investisseurs et des bailleurs de fonds nationaux et internationaux grâce à l'amélioration des dispositifs de diffusion de l'information financière et extra-financière, le respect des droits des actionnaires majoritaires et/ou minoritaires... et ce, dans le cadre des opérations de cession partielle des participations publiques, des opérations de restructuration (fusion, absorption, scission...)... ; * la consolidation des relations avec les parties prenantes et la prise en compte des considérations environnementales au cours des processus de gestion des EEP ; * la sécurisation des intérêts des investisseurs et des créanciers ; * la promotion des bonnes pratiques de digitalisation, l'ouverture au monde numérique et la dématérialisation des procédures ; * la réponse aux exigences socio-économiques en matière de l'approche genre, la promotion de l'entrepreneuriat et la garantie de la qualité du service public. Ainsi, le processus de lancement des travaux d'actualisation des dispositions du Code des EEP est en cours et ce, dans le cadre de la Commission Nationale de Gouvernance d'Entreprise (CNGE). Pour ce faire, nous avons élaboré une feuille de route qui définit 3 étapes pour l'actualisation dudit Code : * La constitution d'un groupe de travail « Code de Gouvernance des EEP »piloté par la DEPP et qui sera composé, outre certaines directions du Ministère de l'Economie et des Finances, du Ministère des Affaires Générales et de la Gouvernance, de représentants de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM), de l'Institut Marocain des Administrateurs (IMA), de l'Instance Centrale de Prévention de la Corruption (ICPC), de représentants d'EEP (CDG, HAO, OCP, ONCF, ADM...) ainsi que d'universitaires ; * L'élargissement de la consultation à d'autres parties prenantes afin de déclencher des débats à même d'enrichir le Code. Nous avons ainsi lancé un appel à contribution pour mener ce projet d'actualisation dans le cadre d'une approche participative impliquant des partenaires nationaux et internationaux ; * Le lancement officiel du Code actualisé dans le cadre d'un séminaire regroupant l'ensemble des partenaires concernés. Quelles sont les principales orientations de cette actualisation ? A travers cette actualisation, nous visons l'alignement du Code de bonnes pratiques de gouvernance des EEP avec les nouvelles pratiques émergentes dans les pays enregistrant des avancées notables dans ce domaine (pays anglo-saxons, pays de l'OCDE...). Ce processus devrait aboutir à une version plus enrichie du Code à travers l'introduction de nouvelles dispositions relatives à la gouvernance, prévues par le projet de loi précité et l'intégration des nouveautés introduites par les nouvelles lignes directrices de l'OCDE sur la gouvernance des entreprises publiques, lesquelles représentent une référence internationale en la matière. Ainsi, les orientations qui guideront le processus d'actualisation du Code des EEP portent notamment sur : * la clarification du rôle de l'Etat Actionnaire ; * l'instauration d'un climat de confiance, de transparence et de responsabilité au sein des EEP ; * la promotion des investissements à long terme, de la stabilité financière et de l'intégrité dans le monde des affaires; * la nécessité de préserver l'équité des règles du jeu entre les entreprises privées et les entreprises publiques intervenant sur le marché intérieur et sur les marchés internationaux ; * la garantie de l'égalité de traitement des actionnaires et des autres investisseurs ; * l'entretien de relations durables et équitables avec les Parties Prenantes ; * l'intégration des préoccupations du développement durable dans les stratégies et les plans de développement des EEP ; * l'amélioration de la diffusion de l'information financière et extra-financière via les nouveaux canaux de communication et le développement de la digitalisation ; * le renforcement du rôle des Conseils d'Administration des EEP * la mise en place des procédures raisonnablement équilibrées permettant de répondre aux critères d'éthique, d'indépendance et de compétence exigés au niveau de la démarche de désignation et d'évaluation des administrateurs ou des experts indépendants ; * la redéfinition des paramètres régissant la composition des Organes Délibérants en y introduisant les préoccupations de l'approche genre en matière de parité, d'évolution professionnelle et de représentativité au niveau des Organes Délibérants et des Comités Spécialisés ; * la généralisation progressive des pratiques de l'évaluation externe des Organes de Gouvernance des EEP en vue de renforcer le professionnalisme de ces entités et cerner, ainsi, le profil des administrateurs potentiels capables d'améliorer la performance desdits Organes. Six ans après le lancement du code, quel bilan pouvez-vous dresser de l'implémentation dudit code au niveau des EEP ? Je tiens à rappeler que le déploiement du Code a été opéré selon une approche pédagogique, progressive et incitative. Les avancés enregistrées sont le fruit des efforts conjugués et explicites des pouvoirs publics, des partenaires privés et de la société civile (CGEM, ICPC...) et des EEP. Aujourd'hui et après plus de six ans de déploiement du Code, une véritable dynamique est perceptible à plusieurs niveaux, aussi bien en matière de fonctionnement des Organes Délibérants (OD) et de leur professionnalisation croissante (élaboration de bilans de la gouvernance et de plans de son amélioration, renforcement de la régularité de leurs réunions, mise en place de comités spécialisés issus de ces organes, adoption de documents de gouvernance (charte d'éthique, règlement intérieur du conseil...)), qu'en ce qui concerne les actions mises en œuvre par l'Etat en termes de programmation pluriannuelle, de contrôle financier, d'audit et de renforcement des capacités des EEP ainsi qu'en matière de relations avec les parties prenantes, de transparence et de diffusion de l'information. En ce qui concerne le fonctionnement des OD, la période 2011-2017 a connu une nette amélioration du respect de la périodicité de leurs réunions par rapport à la période 2008-2010 confirmant ainsi la tendance positive constatée depuis 2008. Ainsi, 94% des EEP ont tenu, en 2017, au moins une réunion de leurs OD, contre 95% en 2016 et seulement 78% en 2008. De même, la période 2012-2017 a connu un développement significatif de l'institution des comités spécialisés (audit, stratégie et investissement, nomination et rémunération…) issus des OD au niveau de nombreux EEP ainsi que l'opérationnalisation des comités existants. Ces développements ont contribué à professionnaliser davantage l'action des OD des EEP et à renforcer la pertinence et la qualité de leurs décisions et leur impact positif sur les performances des EEP. Justement comment la DEPP s'assure-elle de l'amélioration des pratiques de la bonne gouvernance ? Ces entités connaissent, également une amélioration continue de leurs pratiques de gouvernance en termes de diffusion d'informations financières et extra-financières via leurs sites Internet et/ou leurs rapports d'activité, d'instauration des instruments de gestion des risques et de renforcement de la dématérialisation de leurs procédures. Dans ce cadre, nous élaborons, annuellement, un rapport sur la gouvernance des EEP afin de dresser un état des lieux des principales avancées enregistrées dans les pratiques de la bonne gouvernance ainsi que des principaux enjeux posés dont des efforts doivent être menés en vue de consolider les avancées réalisées et assurer, ainsi, une diffusion à fort impact des pratiques de la bonne gouvernance. Par ailleurs, ces entités mènent des actions d'amélioration de leurs relations avec les parties prenantes en termes, notamment d'accès à l'information, de simplification des procédures et de leur digitalisation et de réduction des délais de paiement des fournisseurs. De nombreux EEP intègrent de plus en plus les préoccupations environnementales et sociétales dans leurs activités et leurs processus de gestion. De même, les EEP se sont inscrits dans des démarches continues d'élaboration et d'adoption de plans d'amélioration de la gouvernance et des chartes et instruments de gouvernance. Toutefois, certains aspects méritent un effort de mise à niveau, notamment en ce qui concerne la pléthore de la composition des conseils d'administration de certains Etablissements Publics telle que prévue par leur texte de création, ce qui limite la professionnalisation et l'efficacité des travaux de ces organes. D'autres aspects méritent réflexion, notamment l'absence d'un dispositif réglementaire clair et bien défini, précisant les conditions de nomination des représentants de l'Etat dans certains Etablissements Publics et des administrateurs indépendants au sein des conseils d'administration et la prise en compte relativement limitée de l'approche genre dans la désignation des représentants de l'Etat. Des efforts sont à consentir également en vue de promouvoir les évaluations des conseils d'administration et la formation de leurs membres. L'actualisation du Code sera l'occasion d'introduire de nouvelles mesures qui devront nous permettre de rattraper le retard sur ces aspects et d'aboutir, in fine, à un Code qui s'adapte mieux à l'écosystème des EEP.